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Répondu par Sarah Glover, M.Sc. et Dre Marjory Phillips, C.Psych.

Les troubles d’apprentissage (TA) forment la catégorie d’anomalies la plus courante dans le système scolaire de l’Ontario : quelque 43 % des élèves identifiés officiellement comme étant en difficulté ont des TA. Cela veut dire que la majorité des élèves de la province côtoieront durant leur cheminement scolaire des pairs et des camarades de classe qui ont des TA. Cependant, comme il s’agit d’un « handicap invisible », ces élèves peuvent avoir de la difficulté à comprendre en quoi consiste la réalité des TA.

Cliquer ici afin d'accéder à l'article En quoi consistent les troubles d'apprentissage ?.

Par définition, les élèves ayant des TA sont intelligents, mais ils ont de la difficulté à « montrer ce qu’ils savent » en raison de difficultés dans les processus psychologiques. De plus, ils sont de deux à trois fois plus susceptibles de connaître des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression (Wilson et coll., 2009).

Ce qu’il faut savoir surtout, c’est qu’en milieu scolaire, 75 % des jeunes ayant des TA connaissent des difficultés dans leurs relations interpersonnelles (Kavale et Forness, 1996; Milligan, Phillips et Morgan, 2015). L’école est un lieu de socialisation important où les jeunes développent continuellement leurs habiletés de travail en équipe et de collaboration et créent des liens d’amitié. Comme les élèves ayant des TA ont plus de difficulté à socialiser, ils sont plus susceptibles de vivre de la solitude (Valas, 1999) ainsi que du rejet et de l’intimidation aux mains de leurs pairs (Mishna, 2003).

Nous savons que l’accès à un soutien social positif et les liens d’amitié constituent un important facteur de protection qui favorise le bien‑être et une bonne santé mentale. Comment, donc, peut-on développer l’empathie des élèves envers leurs pairs qui ont des TA dans le but de créer un climat positif de soutien et d’entraide dans la classe?

L’empathie

L’empathie se définit simplement comme la capacité de comprendre les sentiments et les émotions que vit l’autre personne (Eisenberg, Fabes et Spinrad, 2006). Faire preuve d’empathie, c’est donc « ressentir » ce que l’autre personne ressent. Pour pouvoir être sensible à l’autre dans son vécu, il faut saisir de l’intérieur les sentiments ou les émotions qui l’habitent. L’empathie nous permet de comprendre le comportement sous différents angles et influence nos réactions (Bugental, Johnston, New et Silvester, 1998).

En encourageant l’empathie dans la classe, nous aiderons les élèves ayant des TA à se sentir mieux compris et soutenus, et nous constaterons peut‑être une amélioration des réactions de la part des camarades de classe.

Comment cultiver l’empathie ?

Suivant la théorie de Ross Greene selon laquelle « les enfants réussissent bien s’ils le peuvent », nous pouvons envisager le comportement d’un élève du point de vue des habiletés comportementales. De façon générale, les enfants veulent réussir et bien faire, et s’ils n’y arrivent pas, c’est souvent parce que quelque chose les en empêche, comme ne pas avoir les habiletés requises pour réaliser une tâche ou avoir des troubles d’apprentissage qui nuisent à l’exécution d’une tâche.

Par exemple, l’enfant dont le TA nuit à son apprentissage de la formation des lettres et de l’écriture peut avoir honte de son travail écrit, et il peut refuser de faire les tâches d’écriture sur papier parce que le résultat ne reflète pas l’effort fourni. Comprendre que le refus d’écrire cache peut‑être des sentiments de frustration, d’anxiété et de honte nous aide, comme adultes, à chercher des solutions créatives pour pallier les difficultés.

En tant qu’adultes dans la salle de classe, nous pouvons modéliser une attitude compréhensive et empathique en évitant de cibler l’élève qui éprouve des difficultés et de nommer publiquement l’erreur perçue, par exemple une écriture incompréhensible.

L’angle des habiletés

Ce ne sont probablement pas seulement les difficultés en écriture ou en lecture qui suscitent l’impatience des pairs à l’égard des élèves ayant des TA. Ces derniers ont souvent plus de difficulté à gérer les relations interpersonnelles et leurs émotions (Milligan et coll., 2015). Le principe selon lequel les enfants réussissent bien s’ils le peuvent s’applique aussi dans les situations de ce genre.

Prenons le scénario suivant :

Alex (TA en raisonnement visuel et TDAH) heurte John alors qu’il entre dans la classe. John dit : « Hé! Fais attention! Tu m’as presque fait tomber! » Alex, qui semble contrarié, répond : « Non, ce n’est pas vrai. » John insiste : « Moi je te dis que oui! Tout le monde t’a vu. Pourquoi mens-tu? » Alex (maintenant en colère) réplique : « Je ne mens pas! Tu mens! Tu essaies toujours de me causer des problèmes. » Alex continue à crier tandis que les autres enfants entrent dans la classe en murmurant entre eux : « C’est quoi son problème ?»

M. Greene nous recommanderait d’envisager cette situation sous l’angle des habiletés. Quelles habiletés font défaut à Alex ?

Le raisonnement visuo-spatial, la conscience du corps, le contrôle des impulsions et la régulation des émotions sont des domaines de difficulté pour Alex. Dans ce cas, l’enfant est-il « volontairement » déraisonnable, ou est-ce simplement qu’il n’a pas les habiletés requises pour bien faire? En discutant avec les élèves des comportements perturbateurs des camarades de classe, on peut influencer leur compréhension vers une attitude plus empathique.

Si vous pouvez voir le comportement de l’élève comme un problème d’HABILETÉ plutôt que de VOLONTÉ, vous pourrez alors aider les autres élèves à en faire autant.

Équité vs égalité

En tant que professionnels de l’enseignement, votre capacité de modéliser l’empathie aura une grande influence sur l’élève en difficulté et sur l’ensemble de la classe. Par le fait même, vous aiderez aussi les élèves à voir qu’ils possèdent tous des habiletés différentes et que faire preuve « d’équité » signifie répondre aux besoins propres à chacun.

Un exemple visuel représente la différence entre égalité et équité

Un exemple visuel comme celui‑ci peut aider les élèves à saisir la différence entre égalité et équité. Dans l’image de gauche, les trois enfants sont traités de la même façon et reçoivent le même soutien, qu’ils en aient besoin ou non. Le plus grand reçoit plus que ce dont il a besoin, tandis que le plus petit ne reçoit pas un soutien suffisant et ne peut toujours regarder la partie de baseball.

L’équité, en revanche, signifie que chaque élève reçoit le soutien dont il a besoin, comme on peut le voir dans l’image de droite. Comme les trois enfants obtiennent le soutien approprié, ils peuvent tous regarder la partie de baseball. Bien que les enfants ne reçoivent pas le même traitement, ils sont traités de façon équitable et chacun reçoit ce dont il a besoin pour réussir.

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Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école

Cliquer ici afin d’accéder à l’article La pleine conscience pour aider les élèves à gérer l’anxiété.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Le scénario social pour enseigner les indices sociaux.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Conseils pour la gestion du comportement en classe.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article La pédagogie de la sollicitude : une approche gagnante pour favoriser le bien-être des élèves ayant des troubles ou des difficultés d’apprentissage.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Promouvoir la compétence socio-affective par la pleine conscience.

Cliquer ici afin d’accéder au balado L’estime de soi chez les élèves ayant des TA.

Bibliographie

Bugental D.B., Johnston C., New M., Silvester J. (1998). « Measuring parental attributions: Conceptual and methodological issues », Journal of Family Psychology, no 12, p. 459‑480.

Eisenberg N., Fabes R.A., Spinrad T.L. (2006). « Prosocial development ». Cité dans : Eisenberg N., Damon W., éditeurs. Handbook of child psychology, vol. 3. Social, emotional, and personality development, 6e édition, Wiley; New York, p. 646-718.

Greene, Ross (2008). « Kids Do Well If They Can », Phi Delta Kappan, vol. 90, no 03, p. 160-167.

Kenneth A. Kavale et Steven R. Forness (1996). « Social Skill Deficits and Learning Disabilities: A Meta-Analysis », Journal of Learning Disabilities, vol. 29, no 3, p. 226-237.

Milligan, K., Phillips, M. et Morgan, A. (2015). « Tailoring Social Competence Interventions for Children with Learning Disabilities », Journal of Child and  Family Studies, publié en ligne le 3 septembre 2015.

Mishna, F. (2003). « Learning disabilities and bullying: Double jeopardy », Journal of Learning Disabilities, no 36, p. 336-348.

Valas, H. (1999). « Students with learning disabilities and low achieving students: Peer acceptance, loneliness, self-esteem, and depression », Social Psychology of Education, no 3, p. 173‑192.


Marjory Phillips, Ph. D., directrice et psychologue clinicienne, programme Integra, Child Development Institute

Picture of Dr.MarjoryMarjory Phillips, Ph. D. est directrice du programme Integra au Child Development Institute (CDI), seul organisme agréé de santé mentale pour enfants au Canada à offrir des services spécialisés destinés exclusivement aux enfants et aux jeunes ayant des TA et à leur famille. Mme Phillips est titulaire d’un doctorat en psychologie clinique de l’Université de Waterloo. Outre sa charge de professeure agrégée adjointe à l’Université Queen’s, Mme Phillips a travaillé pendant 12 ans comme psychologue clinicienne et directrice clinique dans un centre de réadaptation pour enfants situé à Kingston. Entrée au département de psychologie de l’Université Queen’s en 2004, elle s’est consacrée à plein temps à la mise sur pied d’une clinique de formation en psychologie pour les étudiants diplômés et à ses travaux de recherche dans le domaine des lésions cérébrales acquises et des troubles neurodéveloppementaux chez les enfants. Mme Phillips est établie à Toronto depuis son entrée au CDI en 2008. Elle assume en outre une double charge de professeure agrégée adjointe à l’Université York et de superviseure clinique à l’Université de Toronto.

Sarah Glover, M.Sc., superviseure clinique, programme Integra, Child Development Institute

Sarah Glover occupe le poste de superviseure clinique pour le programme Integra au Child Development Institute (CDI), établissement de Toronto (Ontario) spécialisé dans le traitement des jeunes aux prises avec des troubles d’apprentissage (TA) et des troubles concomitants de santé mentale. Sarah est titulaire d’une maîtrise en études des relations familiales et du développement humain de l’Université de Guelph et psychothérapeute. Elle a travaillé pendant de nombreuses années comme thérapeute auprès des enfants et des familles, offrant des services de thérapie individuelle et de groupe à une clientèle composée de familles, de parents, de jeunes et d’enfants. Elle supervise maintenant les services de thérapie et de prise en charge et les ateliers de groupe en compétences sociales et en compétences parentales au sein du programme Integra.