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Les réponses aux questions suivantes accompagnent le webinaire, « Fonctions exécutives et tâches balisées : favoriser la métacognition de l’élève en difficulté par la structuration des tâches » présenté par Alain Caron. Cliquer ici afin d’accéder l’enregistrement de ce webinaire.

Est-ce que le modèle que vous proposez de baliser le dialogue intérieur pour favoriser une meilleure métacognition est une forme de taxonomie d’apprentissage, c’est-à-dire une forme de système à suivre que nous adaptons selon le niveau de difficulté des tâches ou des processus que nous voulons soutenir?

Effectivement, ce dont je comprends du concept de taxonomie se rapproche assez de ce qui est proposé ici. Je suis plus habitué à présenter l’approche « Arrête, observe et agis » comme un schéma de connaissance, en particulier le MéthoBulles qui, sans être hiérarchique en tant que tel, peut impliquer une déclinaison en niveaux qui, à défaut d’être plus complexes, sont de plus en plus détaillés.

Baliser le dialogue interne d’un élève, c’est en quelque sorte mettre dans sa tête la structure d’une métacognition. Évidemment, cette métacognition n’est pas la même à 6 ans qu’à 15 ans. S’adapter aux différents niveaux de difficulté peut prendre différentes facettes. D’une part, toutes les tâches que nous proposons n’ont pas le même niveau de difficulté selon la maturité ou les caractéristiques propres de l’élève. Ainsi, baliser la tâche « s’habiller » n’est pas du tout du même ordre pour l’élève avec un trouble de la coordination motrice que pour l’élève ayant une bonne motricité. Pareillement, la tâche « comprendre le texte » implique des balises beaucoup plus structurées pour l’élève ayant des troubles d’apprentissage en lecture que pour celui qui lit avec fluidité. L’âge est évidemment aussi une variable qui complexifie ou simplifie les balises que nous proposons.

Contrairement à une taxonomie, du moins dans ma compréhension, je pense que les balises n’ont pas un caractère universel qui s’applique à tous, mais plutôt une utilisation relative selon le contexte, l’élève, ses forces et ses fragilités. En ce sens, un outil comme le MéthoBulles (Cliquer ici afin d’accéder les MéthoBulles) propose des structures de dialogue interne, mais ne doivent pas être vus comme une référence absolue, mais bien comme des pistes de travail. En effet, dans une démarche de compréhension de lecture, des étapes comme l’orientation de la lecture en fonction du texte, l’activation des connaissances, le survol de l’information disponible, la définition de l’intention de lecture, etc. sont toutes des étapes aussi valables les unes que les autres. Toutefois, d’un intervenant à l’autre, l’emphase sera mise sur certains éléments plutôt que d’autres ou, tout simplement, leur ordre de présentation variera en fonction des préférences de l’enseignant.

Pour un élève qui refuse de faire les devoirs écrits, quelles balises devrait-on mettre lors de la réalisation des devoirs à la maison?

La première étape dans une telle situation est de bien identifier pourquoi l’élève refuse de faire ses devoirs écrits. En effet, les balises que nous lui proposerons ne seront efficaces que si elles soutiennent l’élément central relié à la difficulté. La nature d’une balise est de donner une information sur la route à suivre. Elle doit donc donner une information pertinente et utile pour aider à retrouver son chemin. Si nous ne savons pas de quelle façon l’élève est « perdu » devant la tâche, notre balise risque d’être peu utile. Ainsi, dans la présente situation, l’élève peut refuser de faire ses devoirs écrits pour différentes raisons. Nous regarderons quatre scénarios possibles.

Premièrement, l’élève pourrait être démotivé parce qu’il ne voit pas la nécessité de faire ce travail. Par exemple, il se considère peut-être déjà suffisamment bon à l’écrit, il peut, sans être mauvais, ne pas aimer particulièrement écrire ou, encore, il ne voit pas ce que cela lui apporte. Dans un tel cas, les balises que nous lui proposerons devront viser à soutenir sa motivation. Dans un premier temps, il faudra lui faire voir les avantages que le fait de pratiquer son écriture peut lui apporter. Par la suite, il faudra travailler directement la motivation en déterminant les objectifs précis qu’il doit atteindre, tout en ayant en arrière-pensée qu’un devoir est un devoir, donc une obligation à remplir. Pour le motiver, il devient possible alors de lui proposer des défis à relever avec, s’il atteint les objectifs, une récompense adaptée à son effort. Une série de balises pourrait ressembler à ceci :

  • Je regarde mon objectif de travail pour ce devoir
  • Je me fixe un défi personnel à atteindre (exemple : bien le faire en 15 minutes)
  • Ma mère et moi déterminons quelle sera ma récompense pour ce devoir.
  • Je me mets à la tâche

Un deuxième scénario possible pourrait être que l’élève éprouve une difficulté avec la calligraphie et que cette tâche lui demande un effort réel et difficile pour lui. Dans ce cas, il faut trouver une façon de fragmenter la tâche à faire et même, au besoin, de diminuer ce qu’il a à faire pour parvenir à le garder motivé. Autrement dit, dans ce cas précis, les balises doivent faire en sorte que l’élève perçoive la tâche comme quelque chose qui lui est accessible. Si par exemple l’élève a un certain nombre de mots à écrire, ce qui peut lui apparaitre comme une montagne, nous pouvons réduire la tâche en nous concentrant sur un mot à la fois pour nous assurer qu’il ait du plaisir à le faire. Voici quelques phrases clés qui pourraient servir de balises dans cette situation :

  • Je choisis le mot que je vais pratiquer aujourd’hui
  • Je pratique séparément les différentes lettres du mot
  • J’écris le mot en entier en essayant d’écrire le mieux possible
  • Je pratique à aller de plus en plus vite, même si la calligraphie est moins belle
  • Après 3 minutes, j’arrête, je prends une pause avant de faire un deuxième mot

Comme troisième scénario, nous pouvons penser à un élève qui aurait une difficulté au décodage de la lecture et de l’écriture, tel que des troubles d’apprentissage en lecture et écriture. Dans ce cas, il risque d’avoir besoin de soutien dans sa façon de faire. Les balises serviront ici à soutenir l’effort qu’il met et l’aide qu’il obtient. Par exemple, le simple fait de procéder en alternance pour l’écriture d’une phrase avec son parent peut l’aider à appréhender cette tâche d’une façon plus positive. Ainsi, pour rendre la tâche plus attrayante pour l’élève pour qui l’écriture est une activité difficile, une routine facilitante pour lui pourrait se formuler ainsi :

  • J’écris une première ligne
  • Ma mère écrit la deuxième ligne
  • Nous procédons ainsi pendant 5 minutes
  • Après, je fais deux lignes et ma mère une

Finalement, comme dernier scénario, nous pouvons penser que l’élève peut tout simplement être fatigué quand arrive l’heure de l’écriture. Il peut avoir envie de faire autre chose ou simplement être mal préparé. Pour le soutenir, des balises doivent bien préparer la table pour ce type de travail. Certains éléments sont donc incontournables à mettre dans nos balises. En voici un exemple :

  • Faire une activité de détente ou relaxante avant
  • Faire une transition progressive en préparant son matériel
  • Bien définir ce qui est à faire et le temps qui doit y être mis
  • S’activer
  • Se donner des moyens de vérifier sa progression

Que devons-nous faire face à un élève qui veut tellement une gratification rapide et immédiate qu’il refuse d’attendre lorsque nous tentons d’induire un délai plus long pour tenter d’agrandir son délai d’attente? Sommes-nous alors confrontés au paradoxe dont vous nous parliez?

Effectivement, nous avons là une belle illustration du paradoxe dont je parlais. De plus, cette question est complexe puisque lorsqu’il y a une forme de dépendance à la gratification rapide, nous devons, pour ainsi dire, provoquer une forme de sevrage qui évidemment est contre nature de ladite dépendance. Pour prendre une analogie, je dirais que d’entreprendre un régime dans une pâtisserie est un plus grand défi que si nous sommes seuls dans un désert ! Or, comme l’élève ne peut pas toujours être dans un désert de gratification, il faut apprendre à résister à la tentation dans la pâtisserie. Or l’idée ici n’est pas de ne pas succomber, mais d’apprendre à attendre avant d’obtenir la gratification.

C’est ici que les stratégies d’implémentation développées par Walter Mischel dans ses études sur le Test de la guimauve deviennent importantes[1]. Il faut aider l’élève à penser à autre chose, à avoir une stratégie cognitive qui lui permette d’attendre plus longtemps avant, par exemple, de répondre à un texto, ou plus simplement de se lever. Les recherches démontrent que de penser à quelque chose d’agréable, de réduire la place qu’occupe la source de gratification dans son imaginaire où la mettre symboliquement [ou réellement !] derrière un rideau va aider à attendre. Autrement dit, s’il est héroïque de rester devant une pâtisserie en se répétant « je ne la prendrai pas, je ne la prendrai pas », il est beaucoup plus simple de fermer les yeux et de penser à son prochain voyage dans le sud pour ne plus y penser. Bref, il faut rediriger la pensée de l’élève vers autre chose pour accroitre son autocontrôle. De cette façon, le délai d’attente ne grandira pas énormément, mais il grandira.

Par la suite, deux variables contribueront au développement de l’autocontrôle. D’une part, persister dans cette façon de faire avec patience et, d’autre part, maintenir des attentes réalistes face à la capacité réelle de l’élève à se contrôler. Il faut se souvenir que le développement de l’élève, particulièrement celui qui éprouve des difficultés d’autocontrôle, s’effectue souvent en dents de scie. La progression peut continuer, même si, apparemment, il semble régresser de temps en temps.

Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école :

Cliquer ici afin d’accéder l’enregistrement du webinaire, « Arrête, observe et agis : construire la métacognition au quotidien » par Alain Caron.

Cliquer ici afin d’accéder l’article qui accompagne le webinaire ci-dessus, « Développer la métacognition avec l’approche « Arrête, observe et agis » par Alain Caron.Ligne horizontale

À propos de l’auteur :

Photo d'alain caronAlain Caron est titulaire d’une maitrise en psychologie de l’Université Laval, il travaille depuis plus de 25 ans dans le secteur de l’éducation. Fort de son expérience de travail auprès des élèves du primaire, du secondaire et de ceux qui éprouvent des difficultés d’adaptation scolaire, il a développé un intérêt particulier pour l’incontournable problématique de l’attention en classe, de l’hyperactivité et de la persistance dans la tâche, ainsi que de l’importance des fonctions exécutives dans la réussite scolaire des élèves.