Écrit par Chantal Mayer-Crittenden, PhD, orthophoniste et Directrice de l’École d’orthophonie à l’Université Laurentienne.
Le vocabulaire est à la base de tout apprentissage scolaire. Il est important d'exposer les enfants à un vocabulaire varié et enrichi, et ce, de manière répété. L'intrant (input) doit devenir une entrée (intake) afin que les enfants puissent construire des représentations linguistiques stables. Comme il fut mentionné dans l'article intitulé « Comment aider un élève ayant un TDL dans un context d'enseignement en milieu minoritaire ? », il suffit, pour les enfants à développement typique, d’être exposé à un mot environ 12 fois pour que ce dernier maîtrise ce mot et se l’approprie. L’enfant qui a un trouble développemental du langage (TDL) aurait besoin de 3 fois plus d’expositions à un mot pour l’apprendre, soit 36 répétitions. Comment assurer que les enfants qui ont un TDL reçoivent les répétitions nécessaires ?
Il y a deux façons d’atteindre cette intensité A) la dose : le nombre d’expositions à un mot pendant la lecture d’un livre ou B) la fréquence de la dose : le nombre de fois qu’un livre est lu.
Par exemple, pour atteindre 36 répétitions, on pourrait A) lire un livre avec 6 mots cibles à 6 moments différents, ou encore, on pourrait B) lire un livre dans lequel le mot cible est répété 36 fois. Les études montrent qu’il est préférable d’augmenter la dose de la fréquence (option A) et non pas la dose à l’intérieur d’une même séance (option B) (Dempster, 1996, Underwood, 1961). Alors, il est important d’introduire des nouveaux mots à plusieurs reprises pendant une même activité et à différents moments de la journée, de la semaine.
L’enseignement robuste du vocabulaire
Il est également important d’enseigner des mots qui peuvent être utilisés dans différentes matières et dans différents contextes. Selon Beck et coll. (2013), le vocabulaire peut être catégorisé en 3 niveaux. La figure 1 illustre ces trois niveaux :
Figure 1. Trois niveaux de vocabulaire selon Beck et coll. (2013). Le Niveau X* a été ajouté par la présente auteure afin de rendre compte de l’acquisition de la langue seconde. Afin d’enseigner les mots du niveau 2, il faut que l’enfant ait au moins acquis les mots du niveau 1. Plusieurs apprenants de la langue font leur entrée à l’école avec un vocabulaire du niveau 1 très limité dans la langue seconde (L2).
Une règle empirique pour identifier un mot du niveau 2 est de savoir s’il s’agit d’un mot plus avancé pour un concept qu’un enfant peut déjà exprimer, ex. privilégié pour chanceux, aboyer pour japper, penser pour réfléchir. Les mots du niveau 2 doivent pouvoir être expliqués par les mots du niveau 1. Pour les mots du niveau 3, on peut cibler 5 à 10 mots qui sont essentiels à l’apprentissage d’un sujet quelconque, comme l’écosystème, par exemple. Beck et coll. (2013) suggère l’approche du Jeu de fléchettes. Au centre du jeu de fléchettes, l’enseignant choisit environ 6 ou 8 mots clés essentiels que tous les élèves doivent apprendre (ex. écosystème, humains, plantes, animaux, population, habitat, chaîne alimentaire, oxygène, échange), suivi d’un certain nombre de mots souhaitables (ex. consommateur, espèce, communauté, écorégion) pour la plupart des élèves, et à l’extérieur du jeu de fléchettes sont les mots pour lesquels il serait agréable que certains des élèves apprennent (ex. équilibre, système dynamique, biome, organisme). L’épisode 3 de la saison 2 du balado Parlé en balado explique les trois niveaux de vocabulaire (Mayer-Crittenden, 2020a).
L’enseignement robuste du vocabulaire implique une discussion explicite de mots lors de l’exploration de textes littéraires en salle de classe ou à la maison, ou lors de toute autre occasion qui survient. L’épisode 4 de la saison 2 de Parlé en balado présente un scénario où l’on peut enseigner des mots du niveau 2 lors de l’exécution d’une recette de muffins aux bananes. À noter que l’épisode est également disponible pour les parents anglophones afin de leur donner le vocabulaire nécessaire en anglais pour bien comprendre et exécuter l’activité en français.
Il y a tout simplement trop de mots à enseigner individuellement. Les enfants francophones ont un vocabulaire réceptif d’environ 14 000 mots et un vocabulaire expressif d’environ 1 500 à 2 000 mots (Daviault, 2011). L’objectif de l’enseignement robuste du vocabulaire est donc de susciter l’intérêt de vouloir savoir ce que signifient les nouveaux mots, de susciter des questions de clarification et d’encourager l’exploration et la discussion de contextes personnalisés dans lesquels les enfants pourraient utiliser un mot. Encore une fois, l’épisode 4 de la saison 2 de Parlé en balado donne des exemples de ceci (Mayer-Crittenden, 2020b). Il est également important de se souvenir que les enfants qui ont un TDL nécessiteront plusieurs répétitions d’un même mot dans divers contextes afin de maîtriser ce mot.
Références
Association ontarienne des orthophonistes et audiologistes (AOOA) (2014). Le langage oral à portée de la main : de la maternelle au cycle primaire. Ontario, Canada.
Beck, I., McKeown, M. et Kucan, L. (2013). Bringing Words to Life: Second Edition. New York: The Guilford Press.
Dempster, F. N. (1996). Distributing and managing the conditions of encoding and practice. In E. L. Bjork & R. A. Bjork (Eds.). Handbook of perception and cognition: Memory (pp. 317–344). San Diego: Academic Press.
Daviault, D. (2011). L’émergence et le développement du langage chez l’enfant. Montréal, Québec : Chenelière Éducation.
Justice, L.M., Meier, J., & Walpole, S. (2005). Learning New Words from Storybooks: an Efficacy Study with At-Risk Kindergartners. Journal of Language, Speech and Hearing Services in Schools, 36(1), 17-32.
Mayer-Crittenden, C. (2020a). Enseignement robuste du vocabulaire : une introduction. Épisode 3, Saison 2 de Parlé en balado; diffusé le 19 mars. Repéré de : www.theparlepodcast.com
Mayer-Crittenden, C. (2020b). Enseignement robuste du vocabulaire : Recette de muffins aux bananes et pépites de chocolat avec Sarah et Julianne. Épisode 4, Saison 2 de Parlé en balado; diffusé le 19 mars. Repéré de : www.theparlepodcast.com
Norbury, C.F., Gooch, D., Wray, C., Baird, G., Charman, T., Simonoff, E., Vamvakas, G., & Pickles, A. (2016). The impact of nonverbal ability on prevalence and clinical presentation of language disorder: evidence from a population study. The Journal of Child Psychology and Psychiatry, 57(11), 1247-57.
Storkel H. L., Voelmle K., Fierro V., Flake K., Fleming K. K., & Romine R. S. (2017). Interactive book reading to accelerate word learning by kindergarten children with specific language impairment: Identifying an adequate intensity and variation in treatment response. Language, Speech, and Hearing Services in School, 48, 16–30. https://doi.org/10.1044/2016_LSHSS-16-0014
Underwood B. J. (1961). Ten years of massed practice on distributed practice. Psychol. Rev. 68 229–247 10.1037/h0047516
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