Par Kathryn Garforth, étudiante diplômée, Faculté d’éducation, Université de la Colombie-Britannique, et Linda Siegel, Ph. D., Université de la Colombie-Britannique
L’enseignement des mathématiques vise à enseigner petit à petit à l’élève à s’éloigner du matériel de manipulation afin de résoudre les problèmes mathématiques d’une manière abstraite et progressive (Miller et Mercer, 1993).
Les mathématiques peuvent s’avérer un défi pour les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage, en particulier si les concepts et les méthodes pédagogiques deviennent plus abstraits. Selon des revues de la littérature antérieures, le recours à des méthodes pédagogiques directes et explicites auprès des élèves ayant des troubles d’apprentissage (TA) en mathématiques a une importante ampleur de l’effet (p. ex. : Baker, Gersten et Dae-Sik, 2002; Gersten, Chard, Jayanthi, Baker, Morphy et Flojo, 2009; Zheng, Flynn et Swanson, 2013).
Description de la stratégie
La stratégie d’enseignement concrète – représentationnelle – abstraite (CRA; ou concrète – semi-concrète – abstraite) combine des éléments efficaces des pratiques comportementalistes (enseignement direct) et constructivistes (l’apprentissage par la découverte) (Sealander, Johnson, Lockwood et Medina, 2012; Mercer et Miller, 1992). Elle se révèle particulièrement efficace pour enseigner aux élèves ayant des TA, et ce, à tous les niveaux scolaires et dans de nombreux domaines liés aux mathématiques (Witzel, Riccomini et Schneider, 2008).
La stratégie CRA utilise des démonstrations, la modélisation, la pratique guidée suivie de la pratique autonome et d’une rétroaction immédiate, lesquels aspects se retrouvent communément dans les pratiques d’enseignement directes. Cette stratégie comprend également des stratégies d’apprentissage par la découverte axées sur la représentation afin d’aider les élèves à passer des connaissances conceptuelles aux connaissances procédurales (Sealander, Johnson, Lockwood et Medina, 2012).
La stratégie CRA est une stratégie séquentielle à trois niveaux favorisant la compréhension conceptuelle globale, l’exactitude procédurale et la fluidité, car elle fait appel à des techniques pédagogiques multisensorielles pour aborder de nouveaux concepts. Chaque niveau s’appuie sur les concepts enseignés précédemment (Witzel, Riccomini et Schneider, 2008).
Les trois niveaux
Au cours de la phase concrète de l’enseignement, les élèves se servent d’objets tridimensionnels, ce matériel de manipulation les aidant à mieux saisir le nouveau concept (Miller et Kaffar, 2011). L’utilisation de ce type de matériel augmente le nombre de stimulations sensorielles chez l’élève pendant l’apprentissage du nouveau concept, ce qui augmente la possibilité de rétention des étapes procédurales nécessaires pour résoudre le problème (Witzel, 2005).
Au cours de la phase représentationnelle de l’enseignement, on enseigne aux élèves à se servir de dessins bidimensionnels (au lieu du matériel de manipulation de la phase concrète) pour représenter les mêmes concepts.
Au cours de la phase abstraite, on leur enseigne à traduire les dessins bidimensionnels en symboles mathématiques classiques pour résoudre le problème (Miller et Kaffar, 2011).
Les manipulations des phases concrète et représentationnelle permettent à l’élève de rationaliser les procédures mathématiques conceptuelles en étapes logiques et en définitions compréhensibles (Witzel, Riccomini et Schneider, 2008). Lorsque l’élève tente de résoudre un problème mathématique difficile, il est capable de s’en faire une représentation graphique pour y arriver plus facilement (Witzel, 2005).
Utilisation en classe
Il importe de se rappeler que la stratégie CRA est une séquence pédagogique de leçons inter-reliées où chacune d’elles se rapporte aux précédentes. Les phases et les liens explicites entre les leçons sont essentiels à l’apprentissage de la compétence ciblée et à la compréhension des concepts qui y sont associés (Witzel, Riccomini et Schneider, 2008). Sealander, Johnson, Lockwood et Medina (2012) suggèrent que chaque phase comprenne trois leçons.
Les élèves ayant des TA ont généralement besoin de conseils explicites et de soutien pour apprendre de nouveaux concepts et compétences dans divers contextes (Witzel, Riccomini et Schneider, 2008).
Miller, Mercer et Dillon (1992) font remarquer que chaque leçon devrait suivre le même format. Au début d’une leçon, les élèves devraient recevoir un organisateur graphique. L’enseignante ou l’enseignant devrait faire une démonstration de la nouvelle compétence et demander aux élèves de modéliser le processus. Par la pratique guidée, les élèves essaient de résoudre quelques problèmes et reçoivent de la rétroaction sur le processus, puis ils mettent la ou les nouvelles compétences en pratique de façon autonome.
Création d’une séquence pédagogique CRA
Witzel, Riccomini et Schneider (2008) ont créé un acronyme que les enseignantes et enseignants peuvent utiliser pour les aider à élaborer leur propre séquence pédagogique CRA. En effet, l’acronyme CRAMPEA (ou CRAMATH en anglais) représente les sept étapes que les enseignantes et enseignants peuvent suivre pour créer une unité mathématique :
- Choisir la notion mathématique à enseigner.
- Revoir les procédures à suivre pour résoudre le problème.
- Adapter les étapes à suivre pour éliminer les problèmes de notation ou de calcul.
- Faire correspondre les étapes abstraites au matériel de manipulation concret approprié.
- Prévoir des leçons concrètes et représentationnelles.
- Enseigner chaque leçon concrète, représentationnelle et abstraite jusqu’à ce que l’élève maîtrise la notion.
- Aider l’élève à généraliser son apprentissage au moyen de problèmes écrits (p. 273.).
Résumé des données scientifiques
De nombreuses études ont démontré que la stratégie pédagogique CRA est efficace tant chez les élèves ayant des TA que chez ceux qui sont moins performants, et ce, à tous les niveaux de l’élémentaire et à l’égard de notions mathématiques comme :
- les faits de base et la valeur de position (Bryant et al., 2008; Miller et Mercer, 1993),
- l’addition, la soustraction, la multiplication et la division (Mancl, Miller et Kennedy, 2008; Miller et Kaffar, 2011; Miller et Mercer, 1993; Sealander, Johnson, Lockwood et Medina, 2012),
- les problèmes écrits (Hutchinson, 1993; Maccini et Hughes 2000),
- les fractions (Butler, Miller, Chrehan, Babbitt et Pierce, 2003; Jordan, Miller et Mercer, 1999; Misquitta, 2011),
- l’algèbre (Witzel, 2005; Witzel, Mercer et Miller, 2003).
La stratégie CRA s’est avérée efficace dans un contexte d’enseignement inclusif, en petits groupes ou individuel (p. ex. : Bryant et al., 2008; Sealander, Johnson, Lockwood et Medina, 2012; Witzel, 2005).
Lorsque les élèves apprennent au moyen de la stratégie CRA, ils sont en mesure de généraliser et de maintenir les progrès réalisés au cours de la période d’intervention dans le cadre de cette stratégie (p. ex. Bryant et al., 2008; Sealander, Johnson, Lockwood et Medina, 2012; Witzel, 2005).
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l'école
Cliquer ici afin d'accéder à l'article Les représentations visuelles en mathématiques.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article L’heuristique mathématique et la résolution de problèmes.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article La verbalisation en résolution de problèmes mathématiques.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article L’utilisation efficace des diagrammes en mathématiques.
Cliquer ici afin d'accéder à la vidéo et leçon Centres d’apprentissage en mathématiques.
Ressources supplémentaires
Radford, Demers et Miranda ont créé une guide qui porte sur le processus d’abstraction en mathématiques. Cliquer ici pour accéder à ce guide.
Le passage à l’abstrait dans l’apprentissage des mathématiques au cycle intermédiaire (de la 7e à la 10e année) est une monographie écrit par Luis Radford et produit par le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Cliquer ici pour accéder à cette monographie.
Ouvrages consultés
Baker, S., Gersten, R. et Dae-Sik, L. (2002). « A synthesis of empirical research on teaching mathematics to low achieving students. » Elementary School Journal, 103, p.51-73.
Bryant, D. P., Bryant, B. R., Gersten, R. M., Scammacca, N. N., Funk, C. Winter, A., Shih, M. et Pool, C. (2008). « The effects of tier 2 intervention on the mathematics perfomance of first-grade students who are at risk for mathematics difficulties. » Learning Disability Quarterly, 31 p. 47-63.
Butler, F. M., Miller, S. P., Crehan, K., Babbitt, B., et Pierce, T. (2003). « Fraction instruction for students with mathematics disabilities: Comparing two teaching sequences. » Learning Disabilities Research et Practice, 18(2), p.99-111.
Gersten, R., Chard, D.J., Jayanthi, M.J., Baker, S. K., Morphy, P., et Flojo, J. (2009). « Mathematics instruction for students with learning disabilities: A meta-analysis of instructional components ». Review of Educational Research, 79, p. 1202-1242. doi 10.3102/0034654309334431
Hutchinson, N.L. (1993). « Students with disabilities and mathematics education reform – Let the dialogue begin. » Remedial and Special Education, 14(6), p.20-23.
Jordan, L., Miller, M. D., et Mercer, C. D. (1999). « The effects of concrete to semi-concrete to abstract instruction in the acquisition and retention of fraction concepts and skills. » Learning Disabilities: A Multidisciplinary Journal, 9, p.115-122
Maccini, P., et Hughes, C.A. (2000). « Effects of a problem-solving strategy on the introductory algebra performance of secondary students with learning disabilities. » Learning Disabilities Research and Practice, 15(1), p.10-21.
Mercer, C.D., et Miller, S. P. (1992). « Teaching students with learning problems in math to achieve, understand and apply basic math facts. » Remedial and Special Education, 13, p.19-35.
Miller, S. P., et Kaffar, B. J. (2011). « Developing addition with regrouping competence among second grade students with mathematics difficulties. » Investigations in Mathematics Learning, 4, p. 24-49.
Miller, S.P., et Mercer, C.D. (1993). « Using data to learn about concrete-representational-abstract instruction for students with math disabilities. » Learning Disabilities Research and Practice, 8, p. 89-96.
Miller, S. P., Mercer, C.D., et Dillon, A. S. (1992) « CSA: Acquiring and Retraining Math Skills. » Intervention in School and Clinic, 28, p. 105-110.
Misquitta, R. (2011). « A review of the literature: Fraction instruction for struggling learners in mathematics. » Learning Disabilities Research et Practice, 26(2), p. 109-119.
Sealander, K. A., Johnson, G.R., Lockwood, A. B., et Medina, C. M. (2012). « Concrete-semiconcrete-abstract (CSA) instruction: A decision rule for improving instructional efficacy. » Assessment for Effective Intervention, 30, p. 53-65.
Witzel, B. S. (2005). « Using CRA to teach algebra to students with math learning disabilities in inclusive settings. » Learning Disabilities: A Contemporary Journal, 3(2), p. 49-60.
Witzel, B.S. Mercer, C.D. et Miller, M.D. (2003). « Teaching algebra to students with learning difficulties: An investigation of an explicit instruction model. » Learning Disablities Research et Practice, 18(2), p. 121-131.
Witzel, B. S., RIccomini, P. J. et Schneider, E. (2008). « Implementing CRA with secondary students with learning disabilities in mathematics. » Intervention in School and Clinic. 43, p. 270- 276. doi: 10.1177/1053451208314734
Zheng, X., Flynn, L.J., et Swanson, H. L. (2013). « Experimental intervention studies on word problem solving and math disabilities: A selective analysis of the literature. » Learning Disabilities Quarterly, 36, p. 97-111. doi: 10.1177/073194871244427
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