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Par Nathalie Paquet-Bélanger, Spécialiste en troubles d'apprentissage, Learning Disabilities Association of Ontario (LDAO).

L’apprentissage d’une langue seconde apporte des défis, en particulier pour des élèves ayant des besoins spécifiques en lecture et en écriture.

Pour bien les outiller, il est important de considérer le contexte individuel de chaque élève (le type et le degré des difficultés, l’exposition à la langue seconde dans un cadre autre que scolaire, etc.) pour proposer des moyens appropriés et efficaces.

Par exemple, l'impact des difficultés d'apprentissage risque d'être plus grand pour un élève ayant une dyslexie de type phonologique ou ayant connu peu d'expériences de communication significatives dans cette langue en dehors de l'école.

De plus, il faut considérer les différences entre les critères d'évaluation des programmes de Français et d’Anglais. Ainsi, la précision orthographique est beaucoup moins pénalisante en langue seconde qu'en langue d'enseignement.  De même, la compréhension des inférences en lecture est évaluée plus tardivement.

La synthèse vocale

[1]En langue d'enseignement, cette fonction d'aide est utilisée pour pallier une lenteur ou de grands défis dans l’identification de mots ou pour alléger la charge cognitive en lecture et favoriser le recours aux stratégies de compréhension.

Cet enjeu n'est pas très présent en langue seconde. Tous les élèves sont à risque de lire de manière peu fluide et l'accès au sens du mot lu en anglais constitue le principal défi.

Toutefois, la synthèse vocale demeure un bon allié pour familiariser l'élève avec le système phonologique de l'anglais. Rappelons que la correspondance graphème-phonème est très différente en anglais par rapport au français. En effet, le système orthographique en anglais est encore plus opaque avec 1120 combinaisons de graphèmes pour 40 phonèmes, dont 15 sont inexistants en français. Ainsi, encourager la lecture de textes en anglais avec la synthèse vocale aide l'élève à associer la bonne prononciation au mot lu. Dans ce contexte, cette fonction d'aide devient une aide essentielle à l'enseignement ou à la rééducation plutôt qu'une aide à l'apprentissage.

La présentation visuelle d'un mot par illustration

[2]Cette fonction peut avoir la même valeur ajoutée en français qu'en anglais, c'est-à-dire qu'elle permet au lecteur d'avoir accès à UN sens du mot ou de valider sa compréhension à l'aide d'une image sans effectuer de recherche. Il est important que le lecteur soit habile à changer les paramètres de la langue du logiciel Lexibar (automatique de Word 365). Les mêmes limites s'observent dans les deux langues: le nombre de mots illustrés, une plus grande représentation au niveau des mots concrets qu'abstraits, le sens imagé et la polysémie.

Capture d'écran de Lexibar

 

Capture d'écran de l'imagier du lecteur immersif de Word 365

La prédiction de mots

[3]Comme mentionné précédemment, un mot mal orthographié en anglais ne sera pas systématiquement pénalisé pour autant que l'erreur n'altère pas le sens de la phrase.

La prédiction de mot en anglais aiderait plus particulièrement l'élève qui connait le mot en anglais et est capable d'écrire le début correctement. Cela permet d'éviter, pour certains élèves, la charge motrice liée aux gestes moteurs en diminuant le nombre de frappes au clavier.

Les réviseurs orthographiques et grammaticaux

Les priorités de l'élève qui révise un texte en anglais concernent le respect de l'intention d'écriture et la clarté du message. Par la suite, il peut s'assurer du respect des normes d'orthographe. Pour ce faire, il doit s'assurer de changer la langue dans le logiciel Word si ce dernier ne l'a pas détectée automatiquement. Il est à noter que certains logiciels d’appui en anglais (p.ex. Antidote – version anglaise) peuvent engendrer des obstacles puisque les explications seraient ainsi présentées en anglais. L’élève risque d’avoir de la difficulté à bien saisir les instructions si son niveau de langue en anglais n’est pas suffisamment développé.

Les dictionnaires bilingues

En situation d'expression écrite, l'élève qui ne connait pas la traduction du mot utilisera un dictionnaire papier bilingue traditionnel. L'élève ayant d'importants besoins en orthographe pourra avoir de la difficulté, dès le départ, à trouver le mot en français dans cet outil.

Par exemple, il pourrait chercher sans succès le mot "horloge" dans la lettre "o" pour tenter d'obtenir la traduction "clock".

Le recours aux moyens suivants (souvent déjà mis en place en langue d'enseignement) pourrait s'avérer pertinent :

  • La séparation des différentes sections du dictionnaire papier avec des séparateurs avec une bande adhérente (style "Post-it").
  • Un signet de l'ordre alphabétique
  • Un signet des correspondances phonème-graphème principales en français. Ce type d'outil s'avère inefficace en anglais puisqu'au niveau des voyelles, les graphies possibles sont trop nombreuses et inconsistantes pour tenter de les synthétiser dans un tableau.
  • Un prédicteur de mot au procédé phonologique pour trouver l'orthographe juste avant de chercher dans un dictionnaire bilingue
Le dictionnaire électronique BFQ-575
Le dictionnaire électronique LV4-D

Si ces moyens s'avèrent insuffisants, l'emploi d'outils technologiques peut être nécessaire. En ce moment, le dictionnaire électronique bilingue LV4-D est le seul disponible, le Franklin BFQ-575 peut être utilisé même s'il est discontinué. Il existe des logiciels offrant la fonction de traduction bilingue hors ligne avec ou sans anticipation (Ultralingua, Antidote 10 bilingue).

Soutien PENDANT l'apprentissage

L'acquisition d'un bagage de mots est préalable à l'expression orale et écrite en plus d'augmenter la performance de l'élève en lecture.  Toutefois, cela peut constituer un défi beaucoup plus important pour certains élèves en difficulté puisque plusieurs stratégies d'apprentissage requièrent la maîtrise du code écrit ou des habiletés phonologiques.  Par exemple, un enfant ayant un trouble du langage aurait besoin de 3 fois plus d'expositions à un mot en contexte de lecture partagée qu'un enfant à développement typique pour l'apprendre, soit 36 répétitions![4]

Les moyens suivants peuvent soutenir l'apprentissage des élèves :

  • Les cartes de vocabulaire "Apprendre facilement l'anglais" de Hola Clara offrent une proposition de prononciation simplifiée.
  • L'application "Leximage" permet de créer des banques de mots à 4 entrées : image, mot écrit en anglais, mot écrit en français et mot prononcé en anglais.
  • Le logiciel "Du français vers l'anglais" développé par les Éditions Horizons spécialement pour les élèves ayant des troubles d'apprentissage, ayant des thèmes pour le monde scolaire plutôt que pour les voyages ou les affaires.

En conclusion, l'analyse des besoins diffère de la langue d'enseignement de la langue seconde. Le simple fait d'entrainement l'élève à basculer de langue dans les logiciels utilisés n'aura peut-être aucun effet sur ses résultats scolaires. L'apprentissage du vocabulaire et la maîtrise de la syntaxe nécessitent une attention particulière pour les élèves ayant des besoins en lecture et en écriture.

 

[1] Synthèse vocale : lecture d’un texte numérique par une voix synthétique (artificielle)., www.recitas.ca
[2] Prédiction de mots: liste de choix ou propositions à partir de chaque lettre tapée au clavier., www.recitas.ca
[3] Présentation visuelle d'un mot par une illustration: accès à un dictionnaire visuel de mots ou à un lexique d’illustrations imagées : pictogrammes, dessins, photos., www.recitas.ca
[4] Mayer-Crittenden, Chantal, "Comment aider un élève ayant un TDL dans un contexte d'enseignement en milieu minoritaire", TA@lecole, https://www.taalecole.ca/ade-comment-aider-eleve-tdl-milieu-minoritaire/

Nathalie Paquet-Bélanger est spécialiste francophone des troubles d’apprentissage au sein de l’équipe TA@l’école. Elle termine une maîtrise en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski. Elle est titulaire d’un baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale de cette même université et d’un certificat en intégration des technologies informatiques en éducation (TÉLUQ). Elle est chargée de cours dans le domaine de l’intégration des TIC en enseignement. Elle exerce principalement en tant qu’orthopédagogue à la Polyvalente de Charlesbourg et apprécie grandement ce travail auprès d’adolescents ayant différents troubles d’apprentissage. Nathalie est très heureuse de joindre ses forces à la belle équipe de TA@l’école et de réseauter avec des enseignantes et des enseignants qui ont à cœur la réussite des élèves ayant des TA.