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Par Amélie Bédard, Professionnelle à l’inclusion scolaire à la CSSDPS 

Plus que jamais, il est connu que le bien-être des élèves est une condition sine qua non à l’apprentissage. Les élèves ont besoin d’un bel équilibre cœur-cerveau pour apprendre et atteindre leur plein potentiel. Que ce soit en virtuel ou en classe, rejoindre et soigner le cœur de nos élèves doit donc être notre grande priorité. Et pour les enseignants, la porte d’entrée vers le cœur, c’est la relation. Prendre contact avec nos élèves, leur donner de l’importance, les écouter, échanger avec eux sur ce qu’ils vivent, s’occuper de leurs états d’âme, toutes ces petites attentions favorisent l’établissement d’une relation sécurisante.

Comment créer un lien sécurisant à distance? Comment démontrer notre écoute, notre bienveillance? L’enseignant, même en virtuel, doit créer une relation privilégiée et favoriser l’équilibre affectif-cognitif pour mobiliser et sécuriser les élèves. Cela peut être aussi simple que de créer des rituels d’accueil, de prendre de leurs nouvelles et d'être à l'écoute de ce qu’ils vivent. En étant à l’écoute des besoins de ses élèves et en offrant une réponse efficace, l’enseignant contribue au développement d’une saine relation d’attachement, ce fil invisible et sécurisant qui se crée entre l’enseignant et ses élèves.

Depuis plus de 20 ans, les recherches démontrent que les apprentissages socio-émotionnels (connaissance de soi, maitrise de soi, conscience sociale, relations interpersonnelles et prise de décisions (Shanker, 2014)) doivent prendre de plus en plus de place dans les salles de classe. L’apprentissage des élèves est optimal lorsqu’on leur offre une salle de classe où règne un sentiment de sécurité physique et émotionnelle; un milieu sécuritaire stimule leurs compétences interpersonnelles, favorisant ainsi des interactions plus cordiales et productives avec les camarades et les enseignants (Hoy et Woolfolk, cité dans Shanker 2014; Newman, Rutter et Smith, cité dans Shanker 2014; Sutherland, cité dans Shanker 2014). Les enseignants doivent parler des émotions avec leurs élèves, leur apprendre à les reconnaître, à les comprendre et à les maîtriser, et répondre à leurs besoins en la matière pour favoriser un climat sain et des relations harmonieuses, tous des prédicteurs de réussites. La qualité de la relation élève-enseignant et le soutien affectif que les enseignants offrent influent beaucoup sur le bien-être et le rendement scolaire (Perry, cité dans Shanker 2014; Skinner et Belmont, cité dans Shanker 2014). De fait, plus le milieu d’apprentissage est sain, plus l’engagement des élèves est fort, et vice versa – cette symbiose est essentielle (Tinto, cité dans Shanker 2014; Fredericks, Blu¬menfeld et Paris, cité dans Shanker 2014). Pour les élèves ayant des TA, on peut faire un lien avec l’autodétermination, plus les élèves auront une meilleure connaissance de soi, une perception d’eux-mêmes plus positive, une compréhension de leurs difficultés et des impacts sur leurs réactions et leurs émotions de même qu’une relation de confiance avec l’enseignant plus cela facilitera l’apparition de comportements autodéterminés.

Certes, nous connaissons maintenant les effets probants de ces compétences chez nos élèves, mais comment en favoriser le développement, en plus de tout ce qu’il y a à enseigner? Et comment le faire à distance? À l’heure où le contexte nous oblige à nous adapter constamment et à faire preuve de résilience dans l’adversité, la littératie émotionnelle – des adultes comme des enfants – est justement plus importante que jamais.

De plus, l’appui scolaire et moral offert par les enseignants est critique (Croninger et Lee, cité dans Shanker 2014; Hamre et Pianta, cité dans Shanker 2014; Baker, cité dans Shanker 2014; Bernstein-Yamashiro, cité dans Shanker 2014). En effet, les commentaires constructifs des enseignants favorisent sans cesse le développement, et leur propre état affectif influence profondément celui de l’élève, phénomène que l’on nomme « résonance limbique » (Goleman, cité dans Shanker 2014). Les enseignants, et non les spécialistes externes, sont les mieux placés pour cultiver les compétences émotionnelles et sociales (Shanker, 2014). Voilà pourquoi l'enseignant doit être le porteur du développement de ces compétences, il se doit d’aider et de soutenir les élèves dans la gestion de leurs émotions. Devant l’ampleur de la tâche, il peut se servir de la littérature jeunesse pour travailler du même coup les compétences émotionnelles et les compétences disciplinaires. L’enseignant peut ainsi poursuivre le programme scolaire par le biais de la lecture et d’activités planifiées, et l’élève ressent l’importance que l’adulte accorde à ses émotions, à ses sentiments et à son vécu dans un climat sécurisant propice à l’apprentissage. Les compétences émotionnelles se développeront grâce à différentes stratégies d’enseignement telles que la lecture interactive enrichie. L’enseignant, en fixant une intention affective et une intention pédagogique à chaque lecture, obtient le meilleur des deux mondes. De plus, la collaboration étroite avec les différents acteurs du milieux scolaire (éducateur spécialisé, psychoéducateur, psychologue, orthopédagogue, orthophoniste, bibliothécaire, etc.) sont primordial afin de soutenir l’enseignant dans cette démarche auprès des élèves. L’enseignant se doit d’informer ses collègues du travail fait en classe afin de créer une communauté cohérente et bienveillante autour des élèves.

La littérature jeunesse au service des apprentissages socio-émotionnels

Comme il est mentionné plus haut, le lien d’attachement entre l’élève et son enseignant est très important. Cette relation joue un rôle clé dans la disponibilité et l’ouverture de l’élève face à ses apprentissages, surtout chez nos élèves vivant avec des défis tant sur le plan des apprentissages que sur le plan affectif. L’enseignant, le point de repère des élèves, utilise le livre pour favoriser l’apprentissage et amorcer une discussion. Il met de l’avant les émotions vécues par les personnages. Il est plus facile pour l’élève d’identifier l’émotion d’un personnage que sa propre émotion. La lecture leur permet notamment de vivre les expériences de personnages littéraires et d’y réfléchir. Toutefois, ce sont les interactions dans la salle de classe, les corridors, la cour d’école et la cafétéria qui importent le plus : les expériences de vie qu’elles offrent (rivalités, alliances, partage d’intérêts, travail d’équipe, etc.) posent les bases du succès et du bonheur dans la vie adulte (Denham et coll., cité dans Shanker 2014). Voici pourquoi il est important de réinvestir au quotidien les lectures dans des contextes signifiants. Dans chaque livre sélectionné, le personnage ressent une émotion et doit apprendre à la gérer. Toutes les émotions sont importantes et doivent être vécues, même la colère, mais nous devons apprendre à la maîtriser pour ne pas qu’elle ait un impact sur le rendement scolaire ou le climat de la classe. Elle peut même être vue de manière positive, un élève déterminé. Pour obtenir le résultat escompté, l’enseignant doit bien préparer l’activité.

Étapes importantes lors d’une lecture

  1. Sélectionner un livre en fonction de l’émotion à travailler (p. ex, la peur) ou du besoin perçu en classe (p. ex, besoin d’être sécurisé face à la tâche).
  2. Déterminer notre intention affective et notre intention pédagogique.
  3. Créer un climat d’échange sain pour faciliter la discussion.
  4. Lire le livre et questionner les élèves.
  5. Créer un référentiel (vocabulaire commun, outils, coin des émotions dans la classe).
  6. Réaliser les activités planifiées.
  7. Réinvestir au quotidien.

Pendant ou après la lecture, l’enseignant lance la discussion par le questionnement des élèves, un art que doit maîtriser l’enseignant pour faire émerger des discussions et des prises de conscience :

  • Quelle émotion crois-tu que le personnage vit ?
  • Comment penses-tu qu’il se sent ?
  • Que se passe-t-il dans son corps, dans sa tête, dans son cœur?
  • T’est-il déjà arrivé de ressentir la même chose? Si oui, qu’as-tu fait?
  • Que fait le personnage pour bien gérer son émotion? Ou que pourrait-il faire pour la gérer?
  • Quels moyens va-t-il ou pourrait-il utiliser?

L’important est d’entamer un échange empreint d’écoute et d’ouverture face aux partages des élèves. Les élèves doivent comprendre que les émotions font partie de nous et que l’on doit apprendre à les contrôler. Peu importe l’émotion – peur, colère, tristesse, joie, etc. –, il faut l’identifier, l’accueillir et la maîtriser pour trouver notre bien-être et notre équilibre. L’élève a besoin de sentir qu’il n’est pas le seul à vivre des émotions, et l’enseignant répond à ce besoin de normalisation avec le livre : si un auteur a écrit un livre sur ce sujet ou cette émotion, c’est que je ne suis pas seul, cela se vit ailleurs qu’à l’intérieur de moi…

Dans cette pratique qui allie la lecture et les émotions, le réinvestissement en contexte réel reste la clé du succès. La lecture incite à l’échange et suggère un vocabulaire commun. Lorsque l’enfant vit une émotion, l’enseignant doit faire appel à ce vocabulaire commun provenant de la lecture et faire le lien avec le ou les personnages. Par exemple, dans une situation d’écriture en classe, une élève a de la difficulté et en est attristée. L’adulte peut lui dire : « Je sens que tu es triste, comme dans l’histoire ________ où le personnage __________ ne voulait pas monter la montagne. Il avait peur de ne pas réussir et il était triste. Tu sais, c’est normal d’avoir peur ou d’être triste. As-tu besoin que je t’aide à surmonter cette émotion? Te souviens-tu de ce que le personnage a fait? » Tranquillement, au fil du temps, l’enseignant aide ainsi l’élève à se constituer une banque de moyens pour mieux comprendre ce qu’il vit et savoir quel moyen il peut utiliser pour réussir. Comme enseignant, il faut attraper au passage, dans le quotidien, toutes les situations possibles afin de réinvestir nos lectures et de développer les compétences émotionnelles des élèves.

L’enseignant peut également se servir de la littérature comme tremplin pour poursuivre les apprentissages dits « scolaires » tout en misant sur les apprentissages essentiels à la réussite dits « socio-émotionnels ». Il peut ainsi engager les élèves dans des tâches signifiantes comme un projet d’écriture ou d’art, ou toute autre activité planifiée qui pourrait avoir un lien avec le livre.

En virtuel, il est possible de débuter nos rencontres avec un livre ou simplement amorcer une discussion et faire savoir à nos élèves que nous comprenons ce qu’ils vivent. Entrer en contact avec eux par leur cœur. Créer un rituel d’accueil. L’intention de notre lecture pourrait aller au-delà d’une émotion, cela pourrait partir d’une situation particulière, par exemple une histoire dans laquelle les personnages vivent de grands changements. Comment les personnages ont fait pour s'adapter? Toi, comment t'adaptes-tu aux changements que l’on vit actuellement ? De quoi aurais-tu besoin?

En nous donnant accès à l’imaginaire, au cœur et à l’esprit des enfants, les livres nous permettent, à nous enseignants, d’accrocher ce petit fil invisible entre eux et nous pour les amener à nous faire confiance et à comprendre que nous sommes là pour eux. Prenons le temps d’écouter nos élèves et de créer ces petits moments privilégiés si essentiels à l’apprentissage.

Ressources

Aide à la planification

Les top livres selon sept enseignants et les élèves

Nos top livres sur les émotions en service spécialisé

 

Suggestions des albums : Préscolaire

Suggestions des albums : 1ère et 2e année

Suggestions des albums : 3e et 4e année

Suggestions des albums : 5e et 6e année

 

Références

Shanker, S. (2014). Un cadre plus large pour mesurer le succès : l’apprentissage social et émotionnel. Dans Measuring What Matters, People for Education. Toronto : 8 novembre 2014

Bachelière en adaptation scolaire, Amélie Bédard a toujours usé de sa passion et de sa créativité pour répondre à la diversité des besoins des élèves. À titre de professionnelle à l’inclusion scolaire, elle collabore avec des équipes afin de favoriser le développement pédagogique et de mettre en place des mesures universelles et inclusives dans les écoles. À la CSSDPS, elle a le mandat de former des enseignantes-LEAD qui rayonneront dans leur milieu en tant que personnes-ressources à l’inclusion scolaire. Ce projet a d’ailleurs valu à l’équipe un prix de la Fédération des centres de services scolaires. Amélie planche également sur plusieurs projets de développement qui visent à améliorer les pratiques inclusives en mettant à profit la recherche.