À partir de quatre exemples d'élèves, cet article établit différents liens avec une approche qui comprend les cinq stratégies suivantes :
- Manipuler consciemment l’information
- Combattre le chaud par le froid
- Mettre l’inhibition en alerte
- « Arrête, observe et agis »
- Enseigner explicitement la métacognition
Cette approche a été présentée dans le webinaire « Arrête, observe et agis : construire la métacognition au quotidien » par Alain Caron, et elle repose principalement sur cinq champs d’intervention validée :
- l’enseignement explicite,
- la réponse à l’intervention (RAI) [ou la démarche par étapes],
- les fonctions exécutives,
- la neuroéducation,
- et le système 1, le système 2 et le système 3.
Cliquer ici afin d’accéder à ce webinaire.
Illustrations
Loïc
Loïc, un petit garçon en première année, éprouve beaucoup de difficulté à persister dans une tâche lorsqu’il l’entreprend. Bien que son attention soit fragile et son impulsivité assez présente, il ne répond pas au critère d’un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Il est toutefois très jeune puisqu’il est de la fin du mois d’août. Ses capacités intellectuelles sont bonnes.
En plein milieu d’une tâche, surtout lorsqu’il a à écrire, il se lève et va dans le coin de lecture de la classe pour choisir un livre dont il aime les images. Lorsque l’enseignante le rappelle à l’ordre et lui demande de retourner à sa place, il répond qu’il trouve ça long écrire et qu’il aime regarder les images des livres.
Maude
Maude, cinquième année, n’a pas de difficulté particulière en classe, mais s’intéresse plus à son réseau social qu’à ses tâches scolaires. En classe, elle veut constamment parler à sa meilleure amie, assise deux rangées en arrière d’elle, de ce qui s’est passé lors de la dernière récréation. Elle est souvent impulsive et impolie lorsque son enseignante tente de la ramener à la tâche en cours, puisqu’elle nuit au bon fonctionnement de la classe par son besoin de parler. Son comportement génère évidemment d’énormes retards dans ses tâches et une série de conséquences désavantageuses, comme des reprises de temps durant les pauses, après l’école et même sur journées pédagogiques. Lorsqu’elle discute de cette situation avec un intervenant adulte, elle reconnait que son comportement est inapproprié, mais dit que, dans la classe, elle n’arrive pas à contrôler son envie de parler.
Élisa
Élisa, neuvième année, 15 ans. Dans l’ensemble, elle réussit bien, sauf en mathématiques où elle complète le cours de l’année précédente. Elle a un nouveau petit ami avec qui elle veut constamment texter. Comme son enseignant de mathématiques permet l’utilisation du téléphone intelligent en classe pour accéder aux corrigés en ligne des exercices, Élisa en profite pour texter entre deux réponses. L’impact est toutefois déplorable sur son résultat puisqu’ayant la tête en partie ailleurs, elle n’écoute pas vraiment et n’intègre pas la matière, d’autant plus qu’elle a peu de stratégies face aux résolutions de problèmes.
Samuel
Samuel, deuxième année, 17 ans. C’est le nouvel ami d’Élisa. Comme le programme aux adultes repose sur un travail plus autonome, il a le temps de répondre à sa nouvelle amie, ce qui évidemment fait qu’il n’avance pas dans ses modules, particulièrement en mathématiques, matière plus difficile pour lui aussi.
Analyse en fonction des cinq points essentiels
1 : Manipuler consciemment l’information
Loic : La première étape de la stratégie « Arrête, observe et agis » qui sera proposée à Loïc consistera à lui raconter la métaphore d’une abeille qui est si excitée à butiner des fleurs qu’elle passe d’une fleur à l’autre sans prendre le temps de tirer le maximum nécessaire du nectar de chaque fleur pour en faire le miel. Cette métaphore servira de point de départ pour lui proposer des stratégies pour mieux se contrôler. Pour l’aider à intégrer lesdites stratégies, nous lui demandons de bien imaginer dans sa tête la petite abeille toujours trop pressée d’aller butiner à d’autres fleurs. Nous pouvons nous inspirer d’une vidéo sur le web montrant une abeille qui butine des fleurs pour l’aider à comprendre.
Par la suite, nous lui suggérons alors de parler directement à l’abeille dans son imagination et de lui donner des trucs pour rester concentré et de bien terminer sa tâche avant de partir faire autre chose. Le fait de lui demander de manipuler consciemment cette métaphore dans sa mémoire de travail l’aide à intégrer les messages de celle-ci tout en lui donnant un plus grand sentiment de contrôle sur lui-même, puisqu’il donne des trucs à l’abeille qu’il pourra utiliser lui-même par la suite.
Maude : Quant à Maude, elle ne réalise pas qu’à trop vouloir parler à son amie quand ce n’est pas le temps, les conséquences que cela entraine lui privent de plus de temps avec son amie que les quelques instants où elle tente de lui parler en classe. Pour lui faire prendre conscience de cette disproportion, son enseignante fait la représentation du temps perdu en classe avec une petite réglette, comparativement avec une grosse réglette pour le temps qu’elle perd lorsqu’elle a des reprises de temps comme conséquence. Elle invite Maude à manipuler les réglettes pour se faire une idée précise du temps qu’elle perd. Par la suite, l’enseignante lui fait penser aux réglettes lorsqu’elle a envie de parler à son amie au mauvais moment.
Élisa : Pour Élisa, qui ne s’y retrouve pas dans les situations de résolutions de problème, son enseignant lui propose la séquence imprimée du MéthoBulles que voici : cliquer ici afin d’accéder à cette séquence MéthoBulles. Cette séquence vise à l’aider à bien manipuler dans sa mémoire de travail les étapes d’une résolution qu’elle maitrise moins bien, particulièrement parce que son impulsivité lui fait précipiter ses décisions.
Samuel : Comme les difficultés de Samuel sont semblables à celles d’Élisa, si ce n’est qu’il fait sa neuvième année en mathématiques, les stratégies proposées sont donc semblables. Ce dernier étant plus autonome, il peut naviguer lui-même dans le site Web MéthoBulles et faire, souvent accompagné de son enseignant, des séquences de travail plus spécifiques qui soutiennent sa démarche.
2 : Combattre le chaud par le froid
Loïc : Pour Loïc, l’essentiel consiste à bloquer son réflexe de quitter la tâche en cours pour aller chercher une gratification immédiate, c’est-à-dire regarder des images. Quand il commence une tâche, nous lui disons qu’il est comme l’abeille qui doit bien butiner une fleur avant de la quitter. Nous pouvons donc mettre sur son bureau l’image d’une abeille championne qui butine une fleur et lui dire que lorsqu’il termine une tâche sans la quitter, comme l’abeille, il peut aller chercher sa récompense au bureau du professeur, par exemple des bonis dollars, qu’il pourra utiliser dans le futur.
En parallèle, lorsqu’il commence une tâche, nous lui disons d’imaginer un grand rideau noir entre lui et le coin de lecture. L’idée ici est de mettre une distance dans sa tête entre lui et le coin de lecture afin de moins y penser, tout en valorisant de se comporter comme une « bonne abeille responsable », ce qui évidemment lui apportera une plus grande récompense plus tard (comme dans l’expérience de la guimauve : l’enfant qui sait attendre obtient deux guimauves plus tard plutôt qu’une immédiatement).
Maude : En suggérant à Maude de manipuler les réglettes, nous l’aidons à développer une sensation très physique du temps qu’elle peut perdre avec son mauvais comportement. Les réglettes servent alors à « refroidir » son envie de parler à son ami. En même temps, elle peut se représenter ce que c’est que d’avoir plus de temps pour être avec son ami, ce qui « réchauffe » la récompense plus lointaine : parler à son ami plus longuement à la récréation plutôt que peu maintenant.
Élisa : La principale distraction d’Élisa qui lui nuit en mathématiques est évidemment la facilité de texter à son ami pendant le cours. Elle veut réussir, mais son envie de texter est très forte. Pour se rappeler sa cible, réussir son cours de mathématiques, elle s’est fait un petit dessin dans son agenda avec la note qu’elle vise, 70 %, et une image de son cellulaire avec un X par-dessus pour se rappeler de ne pas texter durant le cours.
Pour s’aider, elle a convenu avec son enseignant qu’elle laisserait son cellulaire dans la boite prévue à cette fin à l’avant de la classe et qu’elle n’irait le chercher que pour avoir accès aux solutionnaires en ligne. En procédant ainsi, Élisa prend une distance face à l’envie de texter en mettant son cellulaire dans la boite, tout en activant sa cible, réussir son cours avec une note de 70 %.
Samuel : Samuel a aussi reproduit le petit dessin d’Élisa dans son agenda pour parvenir à ne pas texter, puisqu’il a besoin de ses mathématiques théoriques pour aller dans le programme d’études qu’il a choisi. Les deux tourtereaux ont donc une stratégie semblable. De plus, ils se sont mis l’un et l’autre au défi : le premier des deux qui texte à l’autre sur les heures de cours devra une heure de service à l’autre pour une tâche de son choix.
3 : Mettre l’inhibition en alerte
Loïc : Pour rappeler à Loïc de ne pas se lever impulsivement pour aller à l’arrière de la classe, son enseignante lui a créé une ancre visuelle (image d’un enfant qui se lève avec le mot « stop » dessus). Quand la situation le permet, elle lui met une pesée, par exemple un lézard lourd, sur les cuisses durant la tâche en lui disant que si son ami « Lezzi » tombe, c’est le signal qu’il doit bloquer son envie d’aller au coin de lecture et se concentrer sur ce qu’il fait, comme le ferait l’abeille de la métaphore.
Maude : Pour Maude, c’est la réglette qui, constamment sur le coin du bureau, sert à mettre son inhibition en alerte et ainsi bloquer son envie de parler à son amie au mauvais moment.
Élisa et Samuel : Pour Élisa et Samuel, la petite affiche qu’ils se sont faite sert d’alerte émotive pour activer l’autocontrôle lorsque nécessaire et ainsi éviter de tomber dans leur piège respectif. En plus de leur rappeler de reporter leur envie de texter à plus tard, leur alerte les encourage à retourner à leur séquence du MéthoBulles présentée un peu plus tôt dans le texte, qui leur rappelle de ne pas précipiter leurs actions, mais plutôt suivre une démarche structurée étape par étape.
4 : « Arrête, observe et agis »
La phrase clé « Arrête, observe et agis » sert d’ancrage pour y attacher les interventions mises en place dans le cas de nos illustrations. Avec cette expression, les principes de base demeurent toujours les mêmes : « Arrête » réfère au fait d’inhiber le comportement ciblé comme problématique ; « observe » invite l’élève à évaluer la situation et voir les outils proposés ; « agis » réfère au fait de passer à l’action avec les outils dont il dispose. Regardons nos exemples à la lueur de cette explication.
Loïc : L’aide-mémoire constitué de pictogrammes que l’enseignante a fait pour Loïc lui donne comme premier message « Arrête, et pense à l’abeille qui butine ». Ensuite, l’aide-mémoire illustre l’idée d’observer ce qu’il a à faire et de bien répéter dans sa tête ce qu’il doit faire pour terminer sa tâche sans se lever et ainsi avoir sa récompense. Finalement, l’action d’agir est symbolisée dans une image qui lui rappelle de se remettre au travail tout de suite.
Maude : Pour Maude, lorsque son enseignante la sent fragile, c’est la réglette qui fait office d’ancrage avec l’expression « Arrête, observe et agis ». Pour bloquer son envie de parler, l’enseignante lui fait discrètement penser à prendre la réglette sur son bureau, si elle n’y a pas pensé d’elle-même, en lui disant « arrête-toi et observe ta réglette pour te rappeler le temps que tu perds ». Après, Maude peut reprendre l’action en se recentrant sur la tâche en cours.
Élisa et Samuel : Autant pour Élisa que pour Samuel, le mot « arrête » est le plus crucial, car il leur rappelle de ne pas céder à la tentation de texter comme le leur rappelle leur petite affiche. « Observe » les invite à revoir les stratégies MéthoBulles qui leur sont proposées et de bien en maitriser tous les éléments. Finalement, « agis », consiste à mettre en application les stratégies proposées.
5 : Enseigner explicitement la métacognition
Encore ici, les principes de l’enseignement explicite seront les mêmes pour tous nos exemples, c’est-à-dire prendre le temps de montrer explicitement à l’élève comment mettre en application les suggestions faites. Une bonne stratégie en ce sens est la stratégie de l’hautparleur qui consiste de dire à haute voix ce qui correspond à notre dialogue intérieur. Ce faisant, nous donnons un modèle à suivre à l’élève.
Loïc : Pour Loïc, l’enseignement explicite de la stratégie qui lui est proposée consistera à imaginer le dialogue intérieur de l’abeille qui butine. Ainsi, l’enseignante imaginera ce que doit se dire l’abeille lorsqu’elle a envie d’aller butiner une autre fleur avant d’avoir terminé celle entreprise. Ainsi, ces dialogues internes de l’abeille deviennent des modèles à suivre pour Loïc. Par exemple, la phrase « Je dois bien butiner chaque fleur avant de changer, car je suis une abeille efficace » devient pour lui « Je suis un élève efficace et je termine ce que j’ai commencé avant de faire autre chose ».
Maude : Pour soutenir la stratégie de la réglette, l’enseignante expliquera à Maude le dialogue interne qu’elle peut avoir afin de mieux se contrôler. Pour soutenir son dialogue interne, elle lui proposera la séquence MéthoBulles suivante : cliquer ici afin d’accéder à cette séquence Méthobulles. Les trois premières bulles de cette stratégie viseront à l’aider à bloquer son automatisme, tandis que les deux dernières la renvoient à la manipulation de la réglette. Évidemment, l’enseignante prendra bien le temps de faire avec Maude la séquence complète en lui montrant bien comment se parler à elle-même pour arriver à se contrôler.
Élisa : Évidemment, pour que le processus proposé à Élisa fonctionne bien, son enseignant devra répéter avec elle la démarche proposée en l’illustrant abondamment afin qu’Élisa l’intègre bien et comprenne bien tous les points de la stratégie. Au besoin, son enseignant lui permet d’utiliser son cellulaire pour naviguer sur les bulles voisines de la stratégie proposée sur le MéthoBulles pour la soutenir encore mieux.
Samuel : Samuel, étant un peu plus vieux et plus autonome, a déjà eu l’occasion d’entendre l’enseignant modéliser ses habiletés métacognitives. L’enseignant peut alors le questionner plus directement, demander à l’élève de mettre sa propre pensée sur haut-parleur et recadrer si nécessaire.
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école
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À propos de l’auteur :
Alain Caron est titulaire d’une maitrise en psychologie de l’Université Laval, il travaille depuis plus de 25 ans dans le secteur de l’éducation. Fort de son expérience de travail auprès des élèves du primaire, du secondaire et de ceux qui éprouvent des difficultés d’adaptation scolaire, il a développé un intérêt particulier pour l’incontournable problématique de l’attention en classe, de l’hyperactivité et de la persistance dans la tâche, ainsi que de l’importance des fonctions exécutives dans la réussite scolaire des élèves.
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