Par Carole Boudreau, Anne Rodrigue, Julie Myre-Bisaillon, Véronique Parent, Annick Tremblay-Bouchard
Selon Scruggs et Mastropieri (2013), l’enseignement des sciences auprès d’élèves du secondaire qui présentent des difficultés ou des troubles d’apprentissage (TA) doit tenir compte de cinq conditions visant à rendre les apprentissages plus efficients :
- Des objectifs d’apprentissage clairs
- Un engagement cognitif de qualité
- Des apprentissages concrets et significatifs
- Une démarche réflexive dans l’action
- Un enseignement explicite de stratégies d’apprentissage et de compréhension
L’étude de Scruggs, Mastropieri, Bakken et Brigham (1993) révèle que les pratiques d’enseignement basées sur une approche constructiviste s’avèrent les plus appropriées pour les élèves qui présentent des difficultés ou des TA puisqu’elles permettent de construire les apprentissages en utilisant les forces des élèves, sans accentuer leurs faiblesses.
Cette posture théorique a amené Scruggs et Mastropieri (2013) à relever un certain nombre de pratiques efficaces à utiliser auprès d’élèves du secondaire ayant des difficultés ou des TA. Les pratiques suggérées touchent plus particulièrement l’enseignement des sciences.
1. Le résumé
La stratégie visant à résumer un texte est reconnue pour favoriser le rappel chez les élèves ayant des difficultés ou des TA (Malone et Mastropieri, 1992). Par ailleurs, cette stratégie peut s’avérer plus efficace si le résumé s’accompagne d’éléments d’appui tels que l’identification précise et consignée de phrases, de mots-clés et d’informations spécifiques visant à justifier le résumé (Bakken, Mastropieri et Scruggs, 1997).
Par exemple, lorsqu’ils lisent un paragraphe, les élèves doivent identifier l’idée principale en la localisant clairement dans le texte (en la soulignant, par exemple). Par la suite ils écrivent, en une phrase, l’idée principale du paragraphe et justifient leur propos en écrivant quelques mots-clés.
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2. Les mots-clés
L’utilisation des mots-clés est suggérée dans un contexte où il y a apprentissage d’un nouveau mot de vocabulaire (Mastropieri et Scruggs, 2010; Mastropieri, Scruggs, Levin, Gaffney et McLoone, 1985). Le principe consiste à utiliser les caractéristiques acoustiques du mot à apprendre et à les associer à un mot déjà connu. Il doit aussi y avoir association du mot à une image ou à une scène.
Par exemple, pour faciliter la mémorisation et le rappel du mot « coléoptère », pour classer les coccinelles dans le bon ordre d’insectes, les mots-clés « colle » et « hélicoptère » peuvent être utilisés. Par la suite, une image de ce mot-clé est créée, dans laquelle le mot-clé et la définition sont en interaction. Par exemple, une coccinelle pourrait être montrée pilotant un hélicoptère, un pot de colle à la main.
Lorsque le professionnel de l’enseignement utilise cette stratégie, il doit enseigner aux élèves à analyser l’image de manière acoustique et visuelle afin d’être en mesure, ultérieurement, de récupérer l’information associée à l’image mentale.
Cette façon de faire a aussi été utilisée dans les cours d’histoire pour l’apprentissage de faits non familiers et pour la mémorisation d’information spatiale (cartes géographiques) (Scruggs et Mastropieri, 1989b; Scruggs, Mastropieri, Brigham et Sullivan, 1992; Brigham, Scruggs et Mastropieri, 1995). Les noms de lieux sont associés à une image qui présente la même sonorité, et des actions et des personnages peuvent aussi y être associés et représentés.
3. La réflexion guidée
À la suite d’un enseignement spécifique (ou une lecture spécifique) sur une thématique donnée, le professionnel de l’enseignement pose des questions à l’élève dans le but de le faire réfléchir à l’objet d’apprentissage (Scruggs, Mastropieri et Sullivan, 1994; Scruggs, Mastropieri, Sullivan et Hesser, 1993; Sullivan, Mastropieri et Scruggs, 1995). Cette approche permet à l’élève de construire ses propres apprentissages et d’apporter ses propres explications aux phénomènes scientifiques abordés en classe.
Dans cette pratique, le professionnel de l’enseignement diffuse l’information de base et laisse la construction du concept aux élèves. Cette pratique suggère un accompagnement cognitif de haut niveau de la part du le professionnel de l’enseignement.
Par exemple, pour enseigner aux élèves l’utilité des pinces sur les pattes antérieures du fourmilier, le professionnel de l’enseignement (PE) leur donne une série d’indices pour les guider vers la bonne réponse.
PE : Les fourmiliers ont de longues pinces sur leurs pattes antérieures. Pourquoi est-il logique que les fourmiliers aient des pinces sur leurs pattes antérieures?
Élève : Je ne sais pas.
PE : Bon, pensons-y. Que savons-nous des fourmiliers? Par exemple, que mangent-ils?
Élève : Les fourmiliers mangent des fourmis.
PE : Bien! Et où habitent les fourmiliers?
Élève : Dans des trous creusés dans le sol.
PE : Alors, pourquoi est-il logique que les fourmiliers aient des pinces sur leurs pattes antérieures?
Élève : Pour qu’ils puissent creuser pour trouver des fourmis.
PE : Bien. Pour creuser pour trouver des fourmis.
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4. La discussion entre les élèves
En petites équipes, les élèves lisent, chacun à leur tour, un paragraphe d’un texte proposé par le professionnel de l’enseignement. À la fin de chaque lecture, les autres élèves posent des questions à celui qui a lu le paragraphe. Les questions visent la compréhension et la clarification du contenu.
Les questions suivantes sont ainsi posées à l’élève et discutées en équipe (Mastropieri, Scruggs, Spencer et Fontana, 2003) :
- Quel est l’élément le plus important du texte?
- Que nous apprend ce paragraphe?
- Quelle est la phrase-clé de ce paragraphe?
Cliquer ici afin d'accéder à l'article Les cercles de lecture.
5. L’adaptation du matériel et de l’enseignement
Afin de favoriser la participation des élèves les plus en difficulté, il peut s’avérer pertinent d’adapter le matériel de base en fonction des niveaux de difficulté des élèves.
Par exemple, pour chaque activité proposée, trois types de réponses peuvent être attendus (Mastropieri, Scruggs, Norland, Berkeley, McDuffie, Tornquist et al., 2006) :
- identification de la bonne réponse dans un choix multiple;
- donner la bonne réponse en s’aidant d’indices au besoin;
- donner la réponse, sans indices.
L’adaptation peut aussi toucher des aides à l’apprentissage, utilisées seulement au besoin. Toutes les activités sont planifiées avec différents niveaux de difficulté et sont proposées aux élèves. L’utilisation des niveaux de difficulté varie selon les besoins des élèves (Scruggs, Mastropieri et Marshak, 2011).
Dans cette approche, il est suggéré de faire travailler les élèves en sous-groupes et de les amener à atteindre chaque niveau d’activité. Des objectifs clairs doivent être mentionnés pour chacun des niveaux et les progrès des élèves sont notés après chaque activité. Lors des activités, le tutorat par les pairs et la médiation par les pairs sont utilisés pour maximiser l’engagement des élèves ayant des difficultés ou des TA dans les tâches demandées (Fuchs, Fuchs et Kazdan, 1999; Mathes et fuchs, 1994).
Cliquer ici afin d'accéder à l'article L’approche d’enseignement par les pairs.
Conclusion
Les études portant sur l’enseignement des sciences auprès des adolescents ayant des difficultés ou des TA montrent que certaines pratiques favorisent la réussite scolaire dans ce domaine d’apprentissage. Ainsi, en contexte d’enseignement basé sur le constructivisme, des pratiques favorisant les activités cognitives qualifiées de haut niveau telles que le résumé, la réflexion, la discussion, à titre d’exemples, favorisent une meilleure compréhension des textes à lire.
Amener l’élève du secondaire ayant des difficultés ou des TA à verbaliser ce qu’il a compris du texte, à sélectionner des informations importantes et à préciser sa pensée, provoque une intention de lecture qui améliore la compréhension.
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l'école
Cliquer ici afin d'accéder à l'article Mnémotechnique : stratégie d'aide-mémoire.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article La verbalisation en résolution de problèmes mathématiques.
Références bibliographiques
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Brigham, F. J., Scruggs, T. E., & Mastropieri, M. A. (1995). Elaborative maps for enhanced learning of historical information: Uniting spatial, verbal, and imaginal information. The Journal of Special Education, 28(4), 440-460.
Fuchs, L. S., Fuchs, D., & Kazdan, S. (1999). Effects of peer-assisted learning strategies on high school students with serious reading problems. Remedial and Special Education, 20(5), 309-318.
Malone, L. D., & Mastropieri, M. A. (1992). Reading comprehension instruction: summarization and self-monitoring training for students with learning disabilities.Exceptional children. 58, 270-279.
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Mastropieri, M. A., Scruggs, T. E., Levin, J. R., Gaffney, J., & McLoone, B. (1985). Mnemonic vocabulary instruction for learning disabled students.Learning Disability Quarterly, 8(1), 57-63.
Mastropieri, M. A., Scruggs, T. E., Norland, J. J., Berkeley, S., McDuffie, K., Tornquist, E. H., & Connors, N. (2006). Differentiated Curriculum Enhancement in Inclusive Middle School Science Effects on Classroom and High-Stakes Tests. The Journal of Special Education, 40(3), 130-137.
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Mathes, P. G., & Fuchs, L. S. (1994). The efficacy of peer tutoring in reading for students with mild disabilities: A best-evidence synthesis. School Psychology Review, 23, 59-80.
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Julie Myre-Bisaillon est professeure Titulaire au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale à la Faculté d’Éducation de l’Université de Sherbrooke. Elle est responsable du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), équipe de recherche qui regroupe une vingtaine de chercheurs. Ses intérêts de recherche portent sur l’adaptation de l’enseignement pour les élèves en difficulté, dans des approches par projet à partir de la littérature jeunesse et dans une perspective de multidisciplinarité de même que sur l’éveil à la lecture et à l’écriture dans les milieux défavorisés. Elle a enseigné au secondaire et a fait de l’intervention orthopédagogique.
Carole Boudreau est professeure au Département d’études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’université de Sherbrooke. Avant d’occuper ce poste, elle a été orthopédagogue en milieu scolaire, conseillère pédagogique en déficience auditive et agente de projets à la Direction de l’adaptation scolaire au ministère de l’éducation du Québec. Ses intérêts de recherche portent sur les difficultés en lecture et en écriture, ainsi que sur les pratiques orthopédagogiques. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).
Véronique Parent est psychologue et professeure au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke. Ses intérêts de recherche portent sur les troubles cognitifs liés aux troubles d'apprentissage et d'adaptation. Elle s’intéresse également à l’utilisation d’interventions novatrices dans le milieu scolaire afin de favoriser le développement du potentiel d’apprentissage des élèves en difficulté, dont l’utilisation de programmes d’entrainement cognitif. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).
Anne Rodrigue est étudiante au doctorat au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’Université de Sherbrooke. Orthopédagogue de formation, elle partage son temps entre la recherche à l’université et la pratique en milieu scolaire depuis plus de 10 ans.
Annick Tremblay-Bouchard est étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation axée dans le domaine de l’adaptation scolaire à l’Université de Sherbrooke. Enseignante au primaire de formation, elle se spécialise auprès des élèves ayant un handicap auditif.
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