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Par Thomas Rajotte, Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis

 

Ce texte fait suite au webinaire intitulé L’utilisation de jeux en mathématiques : un levier pour développer les fonctions exécutives des élèves du primaire qui a été réalisé dans le cadre des activités de la TA@l’école. Cet événement a servi de pierre d’assise à la mise en place de nombreuses discussions et réflexions approfondies. Dans le cadre des prochains paragraphes, je répondrai à la question suivante :

« Comment les personnes enseignantes peuvent-elles créer et développer des jeux mathématiques sollicitant le développement des fonctions exécutives des élèves du primaire ? »

 

Réflexion concernant les fonctions exécutives

Par rapport à cette question, je référerai à mon expérience personnelle en répondant que le point d’ancrage pour débuter la réflexion devrait être de cibler la principale fonction exécutive[1] à développer, et ce, afin de répondre aux besoins spécifiques des élèves. En référence à Gagné et al. (2009), voici une liste synthétique des principales fonctions exécutives:

  • L’inhibition et l’attention: L’inhibition correspond à la capacité d’un individu de contrôler ses émotions, ses désirs et ses impulsions dans une situation donnée. À cela, Caron (2009) ajoute que l’inhibition permet de mettre un frein aux réponses automatiques et conditionnées qui surviennent dans différents contextes familiers. Pour sa part, l’attention se rapporte à la capacité de se concentrer sur une tâche à accomplir.
  • La flexibilité cognitive : Cette fonction exécutive se rapporte à la capacité de changer d’approche et de s’adapter à son environnement. En contexte de résolution de problèmes, celle-ci permet à l’élève de mettre en œuvre de nouvelles stratégies et de réaliser des retours en arrière afin d’adopter un autre point de vue (Elias, 2022).
  • La mémoire de travail : Cette fonction détermine de quelle manière les informations issues des principaux sens de l’individu (registres visuel, auditif et parfois même tactile) sont traitées et quels comportements en découlent. L’information ainsi traitée est acheminée vers la mémoire à court terme ou la mémoire à long terme.
  • La planification et l’organisation : La planification se rapporte essentiellement au processus décisionnel à l’intérieur duquel des orientations et un plan d’action sont mis en œuvre afin d’atteindre un but préalablement fixé. Par ailleurs, l’organisation se traduit comme étant la capacité de procéder à l’agencement d’actions et de ressources aux buts fixés, et ce, afin de mener à terme une tâche préétablie (Legendre, 2005).
  • L’activation : Cette fonction exécutive se rapporte à la capacité de mobiliser son énergie cognitive afin de démarrer et de maintenir en action toutes les fonctions exécutives lors de la réalisation d’une tâche (Gagné, Leblanc et Rousseau, 2009).
  • La régulation des émotions : Selon Gross (1998), la régulation des émotions se traduit par les processus à partir desquels une personne altère l’intensité et modifie les émotions qu’il ressent. De plus, cette fonction exécutive se rapporte aussi aux expériences vécues vis-à-vis les émotions ainsi qu’à la manière d’exprimer celles-ci.

[1] Il est important de mentionner que plus d’une fonction exécutive peuvent être ciblées à cette étape du processus.

 

Réflexion concernant le contenu mathématique

Dans un deuxième temps, la personne enseignante qui souhaite élaborer un jeu mathématique, visant le développement d’une ou plusieurs fonction(s) exécutive(s), se doit de cibler le contenu qui sera impliqué au regard du programme de formation. Pour ce faire, celui-ci peut cibler des concepts et des processus se rapportant aux principaux domaines des mathématiques au primaire:

  • Arithmétique;
  • Géométrie;
  • Mesure;
  • Statistique et probabilités;
  • Régularités.

Essentiellement, le choix des concepts et processus mathématiques impliqués devrait se rapporter au degré scolaire des élèves. De plus, le moment de l’année pourrait être considéré. Quelques exemples de jeux mathématiques issus de l’ouvrage de Rajotte et al. (2021) peuvent être servir d’assise (ou de source d’inspiration) à l’élaboration d’un jeu qui répond aux besoins spécifiques de la ressource enseignante.

 

Définir l’intention du jeu pour l’enseignant et pour l’élève

Dans un troisième temps, il peut être pertinent de définir l’intention du jeu pour l’enseignant et pour l’élève. Au regard du livre de Rajotte et al. (2021), cette intention peut  référer à la tâche didactique et à la tâche ludique impliquée par le jeu. La tâche didactique réfère essentiellement à l’intention pédagogique de l’enseignant qui choisit d’implanter un jeu particulier dans la classe. Par ailleurs, la tâche ludique correspond à l’élément clé du jeu qui poussera l’élève à s’engager activement dans la réalisation du jeu. Habituellement, la tâche didactique est dissimulée derrière la tâche ludique.

 

Un exemple de fiche d’élaboration d’un jeu visant le développement des fonctions exécutives

Pour boucler cet avis d’expertise concernant les principales modalités permettant à une personne enseignante d’inventer et de créer un jeu sollicitant le développement des principales fonctions exécutives d’un élève, nous proposons la fiche suivante. Celle-ci peut être utilisée afin de favoriser l’émergence d’idées de la personne souhaitant créer un jeu. La grille proposée présente différents éléments d’information sous-jacents à la mise en œuvre du jeu (niveau scolaire, nombre de joueurs, matériel nécessaire, durée anticipée). De plus, les principales composantes du jeu et les règles peuvent aussi être détaillées à partir de cette grille.

 

Télécharger le PDF : Grille d’élaboration d’un jeu mathématique visant le développement des fonctions exécutives

 

Ressource complémentaire :

Article pour comprendre les bienfaits du jeu en mathématique : https://www.taalecole.ca/math-jeu/

Regarder l'enregistrement du webinaire "Impliquer les élèves en difficulté dans leurs apprentissages : Regard au potentiel des jeux sollicitant les fonctions exécutives" : https://www.taalecole.ca/webinaire-potentiel-jeux/

Références :

Caron, A. (2019). Arrête, observe et agis : Stratégies et outils pour développer les compétences exécutives et méthodologiques des élèves. Chenelière Éducation, Montréal.

Elias, C.L. (2022). Executive function skills in your classroom: 7 essential skills every student needs to reach their potential. Amazon, Bolton.

Gagné, P.P.; Leblanc, N. et Rousseau, A. (2009). Apprendre … une question de stratégies : Développer les habiletés liées aux fonctions exécutives. Chenelière Éducation, Montréal.

Gross, J.J. (1998). The Emerging Field of Emotion Regulation: An Integrative Review. Review of General Psychology, 2(3), 271-299.

Legendre, R. (2005). Dictionnaire actuel de l’éducation, 3e édition. Guérin, Montréal.

Rajotte, T.; Héroux, S. et Boivin, É. (2021). Le jeu en classe de mathématiques : Engager activement les élèves et favoriser leur apprentissage. Chenelière Éducation, Montréal.

 

Thomas Rajotteest professeur en didactique et orthopédagogie des mathématiques au campus de Lévis de l’UQAR. Il est actuellement directeur de la constituante UQAR du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) et de l’équipe de recherche institutionnelle ÉDUQAR. M. Rajotte est aussi associé au Réseau de recherche et de valorisation de la recherche sur le bien-être et la réussite (RÉVERBÈRE). Ses champs de recherche portent sur la résolution de problèmes, les difficultés d’apprentissage en mathématiques et la pédagogie