Les questions suivantes ont été reçues lors du webinaire TA@l’école, La stratégie d’imagerie mentale du mot et son efficacité dans l'identification rapide des mots fréquents; cliquez ici pour voir l'enregistrement du webinaire.
Par Lisa Lewis et Allyson Cousineau Grant, orthophonistes au Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO)
Questions du webinaire :
- Est-ce que proposer aux élèves des mots déjà illustrés (ref. dictionnaire visuo-sémantique, l'orthographe illustrée ou le jeu du Transforment) peuvent soutenir la mémorisation visuelle de la forme du mot ou c'est préférable que l'élève se construise sa propre image mentale?
- Utilisez-vous aussi la stratégie visuo-sémantique (évoquer le sens du mot et dessiner dans le mot / ex. dessiner deux bottes dans les « t » du mot botte)?
- N'est-il pas recommandé d'éviter d'exposer l'élève à l'erreur, plus particulièrement auprès des élèves avec des troubles spécifiques?
- Est-ce que l'imagerie mentale a fait ses preuves avec des élèves dyslexiques et/ou dysorthographiques ?
L’imagerie mentale est une notion puissante qui prédomine dans le monde de la médecine et de la psychologie. L’actualité démontre aussi qu’elle a sa place en éducation. Plus précisément, l’imagerie mentale du mot s’inspire des preuves que les processus visuels et d'imagerie peuvent soutenir les processus liés à la lecture (Bell, 2007 ; Kosslyn, 1976 ; Linden & Wittrock, 1981 ; Long, Winograd, & Bridge, 1989).1 D’ailleurs, le webinaire en question a pu explorer la stratégie d’imagerie mentale du mot comme stratégie d’apprentissage à la lecture et à l’orthographe pour la salle de classe. Mais que faire des autres stratégies et des autres méthodes qui nous sont souvent inculquées comme concepts à préconiser dans nos pratiques? Plus particulièrement, la stratégie d’imagerie mentale s’insère-t-elle avec la méthode d’apprentissage sans erreur?
L’apprentissage de l’orthographe lexicale sans erreur est une méthode qui devient de plus en plus reconnue et préconisée. Elle est une« méthode permettant d’induire un comportement sans que l’apprenant puisse commettre d’erreur ou en évitant au maximum les possibilités d’erreurs. »2 Or, cette méthode cherche à présenter des occasions où l’élève a toujours sous les yeux l’orthographe appropriée de chacun des mots étudiés.
Parmi les méthodes d’apprentissage sans erreur, on reconnaît la méthode d’enseignement des régularités orthographiques. Elle « consiste à proposer aux enfants d’apprendre de façon explicite des listes de mots inconsistants partageant certaines régularités orthographiques. »2 Cette dernière méthode préconise ainsi plusieurs concepts qui ressemblent à ceux de l’imagerie mentale du mot. En étudiant les mots ciblés sur les cartes éclair suggérées, l’élève et l’enseignante peuvent effectuer les différentes tâches de manipulation de mot en partant de la bonne orthographe dès le début. L’image du mot ciblé est ainsi enregistrée, mémorisée et stockée correctement lors des différentes tâches de lecture et d’écriture. Par exemple…
Une deuxième méthode d’apprentissage sans erreur est celle de l’enseignement visuo-sémantique qui « facilite la mémorisation des inconsistances orthographiques des mots en utilisant (différents) types de mémoire. (Elle) consiste à illustrer par un dessin le concept sous-jacent à un mot tout en l’intégrant à la graphie d’un son pouvant poser problème. »2 Cette méthode, qui renforce la mémoire, peut être jumelée à la stratégie d’imagerie mentale du mot, en utilisant les illustrations suggérées pour suppléer le visuel des mots sur les cartes éclair utilisées lors des tâches d’imagerie mentale.
Ces exemples illustrent alors comment les méthodes d’apprentissage sans erreur et les stratégies d’imagerie mentale peuvent être employées simultanément afin d’offrir aux élèves plusieurs occasions d’apprentissage d’une orthographe correcte et appropriée.
Explorons un scénario plus concret illustrant l’utilisation des méthodes d’apprentissage sans erreur lors d’une leçon d’imagerie mentale du mot. D’une part, lorsque l’enseignante fait son choix judicieux de mots, elle peut de prime abord se fier aux principes de la méthode d’enseignement des régularités orthographiques et créer des listes de mots qui partagent des patrons d’orthographes semblables. Ces listes de mots s'arriment efficacement avec les activités d’échelles de mots proposées dans les stratégies d’imagerie mentale du mot. D’autre part, lorsque l’enseignante présente aux élèves les mots à lire, ces derniers peuvent être munis des indices visuels suggérés par l’enseignement visuo-sémantique. Si un élève commet une erreur en lisant incorrectement un mot donné, l’enseignant peut ensuite suivre les étapes de gestion des erreurs (p.ex. l’élève lit « guirafe » au lieu de « girafe » ou « s-e-p-t» en prononçant la lettre « p »). L’enseignante devra alors lui donner la bonne prononciation du mot en avisant l’élève que c’est un mot qui joue des tours, et par la suite, renforcer ce dernier mot en faisant des exercices d’imagerie mentale du mot (p.ex. manipuler les lettres dans le mot).1
Pour conclure, les différentes méthodes et stratégies de littératie peuvent s’arrimer pour offrir une intervention efficace et complémentaire en lecture et en écriture. Il est essentiel d’utiliser toutes les modalités (p.ex. gestuelles, visuelles, auditives, etc.) à notre disposition, celles-ci étant fondées sur des preuves, pour appuyer nos élèves et leur permettre de cheminer dans leur apprentissage de la lecture et de l’orthographe. La stratégie d’imagerie mentale du mot est encore plus préconisée puisque la recherche démontre qu’elle est à privilégier également avec les élèves ayant un diagnostic de dyslexie ou de dysorthographie.3,4 Les avantages sont alors nombreux dans l’apprentissage et la rééducation de la lecture et de l’orthographe. Les enseignants et les enseignantes ont ici des pistes gagnantes pour enrichir leurs approches en matière de littératie pour assurer une intervention pratique et efficiente auprès des élèves dans leur salle de classe.
1 Bell, N. (2020). Seeing Stars ® Program Symbol Imagery for Phonological and Orthographic Processing in Reading and Spelling (SI) - Second Edition. [Manual]. California, U.S.A.
2 Stanké, B., Ferlatte, M-A., Granger, S. & Poulin, M-J. (2015) Efficacité de l’enseignement sans erreur de l’orthographe lexicale. Québec, Canada. (https://brigittestanke.files.wordpress.com/2016/04/efficacitc3a9-de-l_enseignement-sans-erreur-des-cahiers-de-laqpf-volume-5-num_351ro-3.pdf)
3 Simos, P. G., Fletcher, J. M., Bergman, E., Breier, J. I., Foorman, B. R., Castillo, E. M. … Papanicolaou, A.C. (2002). Dyslexic-specific brain activation profile becomes normal following successful remedial training. Neurology, 58, 1203–1212. doi:10.1212/WNL.58.8.1203; Krafnick, A. J., Flowers, D. L., Napoliello, E. M., & Eden, G. F. (2011). Gray matter volume changes following reading intervention in dyslexic children. Neuroimage, 57, 733-741. doi:10.1016/j.neuroimage.2010.10.062.
4 Faber, Günter. (2006) The effects of visualizing and verbalizing methods in remedial spelling training: individual changes in dyslexic students’ spelling test performance. International Journal of Special Education, 21(3), 85 – 95. https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ843622.pdf
Depuis plus de 13 ans, Allyson Cousineau Grant œuvre au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) travaillant auprès d’enfants et d’adolescents ayant des difficultés de communication variées, voire sur le plan de la parole, du langage, de la lecture et de l’écriture. Mme Cousineau Grant offre également des services d’évaluation et d’intervention auprès d’enfants d’âge préscolaire et scolaire en cabinet privé. Dans ces contextes variés, elle collabore avec le personnel enseignant et les techniciennes et techniciens en éducation spécialisée (TES) afin de les accompagner en salle de classe dans leurs interventions auprès des élèves ayant des besoins particuliers. Cette forte collaboration lui permet de reconnaître et d’intégrer les stratégies gagnantes pour appuyer ces élèves. Dans les dernières années, Mme Cousineau Grant a enseigné les cours de Troubles du développement du langage en milieu scolaire, du Développement et fonctionnement typique de la communication, et des Concepts d’orthophonie pertinents à l’audiologie auprès du programme de maîtrise en orthophonie et en audiologie de l’Université d’Ottawa. Elle est aussi ravie d’offrir le cours Développement de la lecture et de l’écriture, évaluation et intervention en milieu francophone en ligne pour l’Université de l’Alberta. Passionnée par l’enseignement et l’éducation des orthophonistes en apprentissage, elle participe à la supervision de stagiaires afin de les outiller dans les applications de théories, les stratégies et les interventions efficaces à prioriser en milieu scolaire. Ses champs d’intérêts comme orthophoniste sont nombreux, mais Mme Cousineau Grant mise ses efforts sur les troubles du langage, de la lecture et de l’écriture ainsi que la communication suppléante et alternative.
Depuis les derniers 18 ans, Lisa Lewis a travaillé auprès des différentes populations, telles qu’avec des enfants d’âge préscolaire et scolaire, ainsi qu’avec des adultes présentant divers troubles de la communication de nature développementale ou acquise. Son bagage de connaissances et d’expérience se retrouve au niveau des difficultés et des troubles du langage oral et écrit (lecture et écriture), de la communication sociale (pragmatique), de la parole (articulation/phonologie, voix, bégaiement), des troubles d’apprentissage et des fonctions exécutives. Dans son travail au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), elle travaille de très près avec tous les membres de l’équipe-école afin de les accompagner lors de leurs interventions en individuel, en petits groupes ou en salle de classe. Cette forte collaboration lui a permis de les outiller avec des stratégies efficaces et gagnantes afin de mieux appuyer les élèves ayant des besoins particuliers, tels que ceux ayant une difficulté ou un trouble développemental du langage (TDL), un trouble d’apprentissage (TA), un trouble du spectre autistique (TSA), ainsi que les élèves ayant une déficience intellectuelle légère (DIL). Dans les dernières années, Mme Lewis a également enseigné quelques cours collégiaux à la Cité Collégiale, ainsi que certains cours dans le programme de maîtrise en orthophonie à l’Université d’Ottawa. Chaque année, depuis 2016, Mme Lewis participe également comme conférencière au Colloque des professionnels de l’enseignement de TA@l’école pour appuyer les enseignants de l’Ontario qui travaillent auprès des élèves de la maternelle à la 12e année ayant des TA à adapter efficacement leur approche d’enseignement. Passionnée par l’enseignement et l’éducation des nouvelles orthophonistes, elle participe activement à la supervision clinique de plusieurs stagiaires en orthophonie et en audiologie afin de les outiller avec les pratiques et les stratégies gagnantes et les interventions efficaces à prioriser en milieu scolaire.
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