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Par Catherine Picard, conseillère pédagogique, Conseil scolaire des Premières-Seigneuries

Oral Communication_teens

Outiller les élèves pour qu’ils développent leur compétence à communiquer oralement, ce n’est pas une mince tâche. Pour plusieurs jeunes ayant des troubles d’apprentissage, l’enjeu est grand car chose certaine, tous auront à gérer des interactions orales dans leur vie scolaire, sociale et ultimement professionnelle. C’est la voie de communication la plus utilisée pour entrer en relation.

Point de départ

Dans une classe d’élèves en difficulté de 13 et 14 ans ayant d’importants retards scolaires, la professionnelle de l’enseignement et moi, conseillère pédagogique, avons constaté un besoin marqué d’intervenir pour outiller les élèves à gérer des interactions orales de façon efficace. Lorsque nous tentions d’échanger avec eux, ils avaient bien peu de choses à dire, faisaient rapidement le tour d’un sujet et n’étaient pas capables de justifier leurs propos. Également, dès qu’il était nommé qu’on travaillait l’oral, l’anxiété des élèves montait. L’insécurité, la timidité, la peur de l’échec et du jugement des autres semblaient prendre rapidement beaucoup de place.

Séquence d’enseignement

Nous avons élaboré une séquence d’enseignement visant à soutenir le plus possible ces élèves dans le développement de cette compétence. Notre objectif était qu’ils soient en mesure de faire un échange dans lequel ils allaient interagir de façon spontanée avec des collègues de classe. Nous souhaitions qu’ils puissent énoncer et justifier leurs propos, ainsi que  réagir et manifester leur compréhension aux propos des autres. Ça peut sembler bien simple comme objectif, pourtant les élèves étaient loin de savoir comment s’y prendre pour interagir efficacement! Nous avons appuyé notre démarche sur l’enseignement explicite de stratégies, la pratique coopérative et les rétroactions.

Quoi?

Il a d’abord été important de définir avec les élèves ce qu’est un échange et d’illustrer les comportements attendus. Nous avons donc écouté des exemples et des contre-exemples d’échanges dans le monde télévisuel, des discussions de commentateurs sportifs au débat politique. Nous voulions observer les principales caractéristiques de bonnes interactions orales que nous avons consignées dans un tableau. Ce tableau a été bonifié tout au long de la séquence d’enseignement.

Pourquoi et quand ?

Nous avons démontré aux élèves l’importance d’être capable de discuter et d’échanger avec les autres, en les amenant à compter le nombre incalculable d’échanges qu’ils avaient dans une journée, sur toutes sortes de sujets. Ils ont réalisé que c’est une compétence qu’ils utilisent tous les jours, donc cet apprentissage est devenu signifiant pour eux.

Comment ?

Pour travailler en intensité et en fréquence avec les jeunes, nous avons décidé de faire trois capsules d’enseignement de l’oral par semaine, d’une durée de vingt minutes et ce, pendant huit semaines.

Nous avons choisi d’enseigner trois stratégies. Pour chacune, la professionnelle de l’enseignement a fait des modelages, des pratiques guidées pour finalement les amener graduellement vers la pratique autonome. Nous avons fourni aux élèves une schématisation ou un aide-mémoire des stratégies choisies.

Cliquer ici afin d’accéder au document imprimable expliquant les trois stratégies.

La première stratégie : Énoncer et justifier son propos

C’est une stratégie très importante qui doit être déployée également en écriture et en lecture lors des épreuves de compréhension; les élèves doivent toujours y justifier leurs réponses.

  1. Énoncer mon propos : Qu’est-ce que j’ai à dire à ce sujet?
  2. Justifier mon propos : J’explique pourquoi en utilisant :
    • des exemples
    • des comparaisons

Cette stratégie correspond à la phase de préparation à la communication orale.  Nous y avons consacré tous les ateliers pendant 5 semaines. Nous avons travaillé sur toutes sortes de sujets sur lesquels il était facile pour les élèves de développer un propos (les jeux vidéo, la semaine de relâche, les devoirs, les sports d’hiver, etc.). Chaque fois, ils utilisaient le canevas suivant, guidant l’organisation de leurs idées de la même manière que la stratégie enseignée.

Cliquer ici afin d’accéder au canevas pour énoncer et justifier son propos.

La deuxième stratégie : Au secours, plus personne ne parle !

Nous avons aussi outillé les élèves à se sortir du pétrin lors d’une discussion qui tombe à plat. Ce petit aide-mémoire a grandement aidé les élèves à gérer leur anxiété lors des productions, car ils n’avaient plus peur d’être sans mots !

Des questions qu’on peut poser :

  • Tu en penses quoi?
  • As-tu quelque chose à ajouter?
  • Es-tu d’accord avec moi?
  • J’aimerais connaitre ton avis à ce sujet?
  • Est-ce que tu connais ça?

La troisième stratégie : Réagir et manifester sa compréhension

C’est dans cette stratégie que résident les fondements de l’interaction. Si je laisse l’autre parler sans réagir à ses propos ou le questionner, je ne suis pas en interaction orale ! Le premier réflexe des élèves était pourtant de laisser l’autre relater ce qu’il avait préparé, puis de prendre la parole à son tour dans un deuxième temps. La stratégie leur a donc grandement été utile pour être en situation plus authentique d’interaction orale spontanée.

  • Je questionne pour clarifier (Est-ce que tu veux dire que…).
  • Je complète l’information (Il ne faut pas oublier qu’en plus de…).
  • Je reformule (Si je comprends bien, tu trouves que…).
  • Je nuance (oui, mais je crois que…).
  • Je renforcis (C’est tellement vrai que…).
  • J’utilise le non-verbal (hocher de la tête).

Des pratiques coopératives et des rétroactions

Finalement, pour faire de bons apprentissages, il est impératif que les élèves aient des rétroactions sur leurs productions orales. Le professionnel de l’enseignement peut en faire, mais les élèves aussi, dans la mesure où ils sont au clair avec les attentes et les comportements observables lors d’interactions orales. Ces comportements, nous les avons consignés dans un tableau au fur et à mesure que nous avons travaillé les stratégies. En utilisant ce tableau que nous avions construit avec eux, les jeunes étaient en mesure d’écouter un échange entre deux élèves et de leur faire des rétroactions franchement intéressantes. Donc, nous avons réalisé plusieurs ateliers au cours desquels les élèves s’exerçaient à faire des interactions orales, puis à produire des rétroactions sur les productions des autres.

Des résultats ?

Nul doute, prendre le temps d’enseigner des stratégies d’interactions orales, c’est payant ! Nous avons remarqué une nette amélioration de la compétence des élèves à développer leur pensée. À la fin de la séquence, ils étaient vraiment meilleurs pour soutenir une conversation et aller au bout de leurs idées.  Les rétroactions fréquentes qu’ils ont reçues ont aussi soutenu cette belle progression. Elles leur ont permis de connaitre leurs forces et leurs défis pour interagir efficacement avec les autres.

On a également vu le niveau d’anxiété diminuer, en partie parce que les élèves savaient clairement quelles étaient les attentes, et ils avaient eu diverses occasions de prendre la parole et de déployer les stratégies enseignées. La démarche a certainement contribué à augmenter leur sentiment d’efficacité : ils se sentaient capables de réussir et savaient comment y arriver.

Les aide-mémoires ont aussi joué un rôle important pour soutenir l’apprentissage et faire diminuer l’anxiété. Ils ont permis aux élèves de dégager leur charge cognitive, n’ayant pas à récupérer en mémoire les stratégies.

Nous sommes aussi d’avis que notre façon de planifier et d’étaler dans le temps les apprentissages a été bénéfique. Le fait de travailler régulièrement l’oral pour de courtes périodes de temps a été avantageux. Nous avons ainsi réactivé régulièrement les apprentissages, laissé le temps aux élèves de se les approprier et optimisé le temps d’attention et d’écoute active chez des élèves pour qui c’est difficile.

Le plus impressionnant était de voir les élèves, dans d’autres contextes, utiliser les stratégies enseignées. Par exemple, lors des travaux d’équipe, alors que l’objet de travail n’était pas la gestion des interactions orales, nous les avons entendus réinvestir ces apprentissages tout en nommant qu’ils le faisaient. C’est là que nous avons senti que la séquence d’enseignement avait vraiment fait une différence pour eux et qu’ils avaient réellement appris quelque chose de signifiant !

Nous avons aussi proposé en parallèle plusieurs ateliers de réinvestissement à l’écrit et en lecture de la stratégie Énoncer et justifier son propos. Ces ateliers et la séquence complète d’enseignement seront disponibles dès le mois de juin 2016 à l’adresse suivante : https://litteratieauquotidien.wordpress.com/

Pour en savoir plus sur l’enseignement des habiletés orales : Le chercheur et professeur dans le département de la didactique du français à l’Université du Québec à Trois-Rivières Christian Dumais est une référence incontournable. http://www.christiandumais.info/publications/

Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Les cercles de lecture.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Enseigner le vocabulaire dès l’entrée à l’école : les principes clés.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article L’approche d‘enseignement par les pairs.

Cliquer ici afin de lire la réponse à la question Quelle est la meilleure façon de dépister et d’appuyer les élèves ayant des TA qui sont aussi des apprenants de la langue française?