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Depuis les travaux des années 1990, la pratique de la lecture interactive est privilégiée dans les salles de classe. Elle diffère de la lecture traditionnelle en accordant une importance aux interactions avant, pendant et après la lecture pour développer la compréhension des histoires lues. Pour ce faire, des commentaires sont donnés ou des questions sont posées entre l’enseignant et les élèves, ou entre les élèves, afin d’alimenter les interactions. En effet, ce type d’intervention scolaire permet à l’enfant de développer ses habiletés de lecture avant d’apprendre à lire et à écrire. La chercheuse et la psychopédagogue, Véronique Lamarre, fournit le constat suivant : « lire en faisant intervenir l’enfant et en lui donnant des indices pour suivre l’histoire l’aide à devenir un futur bon lecteur » (2013). Ainsi, la lecture interactive est une approche préventive qui se fait à la première étape de la démarche par étapes, ou la réponse à l’intervention (RàI), puisqu’elle vise l’enseignement efficace pour tous. Les recherches préconisent qu’environ trois sur dix élèves soient à risque de développer des difficultés de lecture et d’écriture. De ces trois élèves à risque, approximativement un élève aurait un réel trouble d’apprentissage (TA) en lecture et en écriture (5%). La lecture interactive cherche alors à diminuer les risques de difficultés scolaires et encore plus, à diminuer les difficultés entravées par les élèves ayant des TA.

La pratique met aussi en évidence que les habiletés langagières et celles d’éveil à l’écrit sont une partie intégrale de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. À cet effet, le professeur Dr. Pascal Lefebvre et ses recherches ont souligné l’importance de la conscience phonologique et son rôle dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Cette habileté métaphonologique est un prédicteur significatif de difficultés en lecture et en écriture et alors, un concept essentiel à développer lors de l’enseignement explicite. Par ces faits, la lecture interactive enrichie, soutenue par la recherche scientifique, fut conçue par Dr. Lefebvre en suivant nombreux principes, notamment ceux de la lecture interactive.

Soutien à l’éveil à l’écrit

La lecture interactive enrichie soutient l’importance de l’éveil à l’écrit dès un jeune âge. Elle s’adresse aux enfants âgés de trois à cinq ans fréquentant une classe de maternelle et de jardin d’enfants. Un choix judicieux des livres est avant tout primordial. L’aspect physique, le contenu et le texte des livres sont ainsi d’une grande importance. Par exemple, les livres écrits avec de grosses lettres, ayant un texte se situant à différents endroits et des caractères variés sont préconisés. De plus, les grands livres qui permettent de bien voir les images et l’écriture sont souvent priorisés, surtout lorsqu’ils présentent des thèmes universels, un langage littéraire ainsi qu’une structure répétitive (p.ex. Ours brun, ours brun, dis-moi ce que tu vois? Je vois un oiseau rouge qui regarde par ici. Oiseau rouge, oiseau rouge, dis-moi ce que tu vois? Je vois un canard jaune qui regarde par ici.).

Les composantes de la lecture enrichie

La lecture interactive « enrichie » se distingue de la lecture interactive par l’ajout de la conscience phonologique aux trois autres composantes ciblées lors des interactions, soit la conscience de l’écrit, le langage littéraire et les inférences. Cette lecture enrichie encourage une réflexion à voix haute, permettant ainsi le développement de la compréhension du récit, tout en facilitant le développement du langage oral et écrit ainsi que la métacognition. De façon plus détaillée, voici à quoi renvoient les quatre composantes travaillées pendant les activités de lecture interactive enrichie :

  • La conscience de l’écrit vise les connaissances et les habiletés liées aux fonctions, aux conventions et aux formes de l’écrit (p.ex. la fonction du titre du livre, la direction de la lecture, les différents types de ponctuations, les lettres majuscules versus minuscules, etc.).
  • Le langage littéraire cible un langage qui est spécifique à la littérature. Ce sont des mots ou des expressions retrouvés le plus souvent dans les livres contrairement aux mots parlés de façon quotidienne (p.ex. gigantesque versus gros; nous marchâmes versus on a marché). Ce vocabulaire est beaucoup plus riche et ainsi, les élèves sont exposés à une diversité de mots, même s’ils ne savent pas lire et écrire. Cette exposition permet aussi aux élèves de mieux comprendre le langage présenté dans les livres lorsqu’ils seront prêts à lire par eux-mêmes.
  • Les inférences prises des textes permettent une stimulation langagière qui touche à la fois les habiletés de compréhension orale et les habiletés de prédiction.
  • La conscience phonologique est incorporée dans les histoires en ajoutant des non-mots qui sont manipulés à l’oral et à l’écrit par l’enseignant et les élèves, permettant ainsi une initiation à ces habiletés. La manipulation de ces mots peut se faire tant au niveau de la syllabe qu’au niveau du son (p.ex. segmenter des mots en syllabes, identifier le son initial des mots, catégoriser des rimes, etc.).

Pour chaque composante, un enseignement explicite des concepts et des techniques est effectué afin de modeler aux élèves les apprentissages voulus.

Image d'une enseignante qui lit à des élèves.

La mise en œuvre

La lecture interactive enrichie se travaille selon un horaire hebdomadaire où il est suggéré que l’enseignant lise l’histoire choisie trois à quatre fois par semaine. À l’aide de textes narratifs, l’enseignant présente aux élèves les quatre composantes de cette lecture enrichie en utilisant différentes approches telles que le modelage, l’étayage, la pratique guidée, etc. Une première lecture, le lundi, présente les concepts visés par des démonstrations verbales et non verbales explicites. Seulement le vocabulaire littéraire, la conscience de l’écrit et les inférences sont travaillés. L’enseignant lit alors le livre et exploite un mot de vocabulaire, une inférence et un concept de la conscience de l’écrit qu’il aura ciblés et ce, de façon interactive. Il mimera par exemple un mot plus difficile du livre tel que « escalader » et engagera les élèves dans la mime et fera ainsi interagir les élèves durant la lecture.

Une deuxième lecture, le mardi, intègre des erreurs intentionnelles, où l’enseignant annonce aux élèves qu’il est tout mêlé et qu’il nécessite leur aide pour s’assurer qu’il comprenne bien les éléments présentés la journée précédente (c.-à-d. le vocabulaire littéraire, la conscience de l’écrit et les inférences). L’enseignant, à titre d’exemple, commet une erreur lorsqu’il définit un mot de vocabulaire présenté la journée d’avant et attend pour voir si les élèves le corrigeront. Les épreuves de conscience phonologique sont aussi présentées pour la première fois durant cette deuxième lecture. Une tâche (p.ex. la segmentation syllabique) est entamée durant la lecture interactive en insérant un non-mot dans les phrases du livre (p.ex. « Comme aujourd’hui c’est son anniversaire fola, Monsieur Guillaume a décidé de déjeuner au restaurant. »).

Les dernières lectures, le mercredi et le jeudi, invitent les élèves à répondre à des questions sur les quatre composantes de la lecture interactive visées (c.-à-d., la conscience phonologique, le vocabulaire littéraire, la conscience écrit et les inférences) ou à se présenter devant le groupe pour partager leur compréhension des notions travaillées. Le vendredi est une journée flottante où le livre demeure à la disposition des élèves dans un coin de lecture, avec la possibilité de le consulter au besoin.

Adaptations pour le cycle primaire

Plusieurs adaptations sont possibles pour le cycle primaire, soit la 1ère et la 2e année. L’approche demeure essentiellement la même, car il faut d’abord modeler, faire des erreurs, rappeler, questionner, etc. Bien que les mêmes composantes y soient, ces dernières sont abordées plus en profondeur. Le langage littéraire est présenté avec des stratégies supplémentaires (p.ex. en présentant les contraires). Les expressions figurées peuvent être ciblées comme langage plus enrichi. Les inférences et le langage littéraire peuvent être entremêlés pour offrir un défi aux élèves (p.ex. deviner le sens du mot à partir du contexte). Les inférences peuvent aussi explorer l’utilisation des pronoms personnels et des anaphores dans les histoires, ce qui travaille les différents référentiels. La conscience phonologique, à son tour, est seulement travaillée sur le plan de la manipulation des sons (p.ex. la segmentation et la fusion phonémique). La correspondance entre les sons et les lettres est aussi ciblée davantage, tout en parlant des unités d’écriture (comment le son est écrit).

Certains concepts supplémentaires, telle que la structure du récit, peuvent être ajoutés. L’enseignant peut, avant de commencer l’histoire, discuter du début (p.ex. l’introduction, les personnages, le contexte, etc.), du milieu (p.ex. les péripéties) et de la fin de l’histoire (p.ex. le dénouement) afin d’enrichir les habiletés discursives des élèves. Vers la fin de l’année scolaire, l’enseignant est encouragé à faire une lecture partagée avec les élèves, permettant ainsi aux élèves de devenir des mini-professeurs. Des activités de réinvestissement d’écriture après la lecture agissent aussi comme renforcement aux habiletés de lecture et d’écriture. Or, la métalinguistique peut être travaillée lorsque les erreurs intentionnelles sont ciblées durant la semaine (p.ex. faire des erreurs sur l’ordre des mots de la phrase, changer le sens du mot, vérifier la compréhension des élèves). Les possibilités sont vastes!

Conclusion

En somme, la lecture interactive enrichie offre des occasions avantageuses aux élèves du cycle préparatoire et du cycle primaire, tout en donnant à l’enseignant un horaire structuré et des stratégies gagnantes qui ciblent précisément des éléments clés et prédictifs au succès de la lecture et de l’écriture. Cette lecture fait aussi preuve de flexibilité en ayant des adaptations simples pour les élèves de 6 à 8 ans. Elle est, avant tout, une lecture axée sur l’apprentissage des élèves dans un contexte amusant et enrichissant ciblant davantage le développement du langage et les habiletés d’éveil à l’écrit.

Ressources pertinentes sur le site TA@l’école

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Enseignement explicite de la lecture au palier élémentaire.

Cliquer ici afin d’accéder à l’article Développer les habiletés en lecture et en orthographe : interventions visant les consciences phonologique, orthographique et morphologique.

Références

Baron, M. (2018). La lecture interactive pour favoriser le développement de la théorie de l’esprit. Repéré à https://passetemps.com/blogue/la-lecture-interactive-pour-favoriser-le-d%C3%A9veloppement-de-la-th%C3%A9orie-de-lesprit-n4186

Gaumond, M. (2017). La lecture interactive enrichie. Repéré à https://www.maisonfamille-rs.org/single-post/2017/09/29/La-lecture-interactive-enrichie

Lamarre, V. Naître et grandir (2013). Les bienfaits de la lecture interactive. Repéré à https://naitreetgrandir.com/fr/nouvelles/2013/02/26/20130226-bienfaits-lecture-interactive/

Lefebvre, P. (2010). Cap sur la prévention. Formation. Ottawa, ON

Lefebvre, P. (2014). La lecture interactive enrichie. Conférence. Sudbury, ON

Gaumond, M. (2017). La lecture interactive enrichie. Repéré à https://www.maisonfamille-rs.org/single-post/2017/09/29/La-lecture-interactive-enrichie

Réseau réussite Montréal. (2015). La lecture interactive enrichie. Repéré à http://www.reseaureussitemontreal.ca/wp-content/uploads/2017/10/La-lecture-interactive-enrichie-37.pdf

À propos de l’auteure 

Depuis plus de 10 ans, Allyson Grant œuvre au sein du Conseil des écoles publiques de l'Est de l'Ontario (CEPEO) travaillant auprès d'enfants et d'adolescents ayant des difficultés identifiées sur le plan de la parole, du langage, de la lecture et de l'écriture. Elle pratique aussi en cabinet privé auprès d'enfants d'âge préscolaire et d'âge scolaire depuis déjà 9 ans. Dans ces contextes variés, elle collabore avec le personnel enseignant et les techniciennes et techniciens en éducation spécialisée afin de les accompagner en salle de classe dans leurs interventions auprès des élèves ayant des besoins particuliers. Cette forte collaboration lui permet de reconnaître et d'intégrer les stratégies gagnantes pour appuyer ces élèves. Pendant trois ans, elle a enseigné le cours Troubles du développement du langage en milieu scolaire du programme de maîtrise en orthophonie à l'Université d'Ottawa et cette année, elle a eu le plaisir d'enseigner le cours Développement de la lecture et de l'écriture, évaluation et intervention en milieu francophone pour l'Université de l'Alberta. Passionnée par l'enseignement et l'éducation des orthophonistes en apprentissage, elle participe à la supervision de stagiaires afin de les outiller dans les applications de théories, les stratégies et les interventions efficaces à prioriser en milieu scolaire. Bien que ses champs d'intérêt soient nombreux, Allyson continue à approfondir ses connaissances et ses compétences dans les domaines de Troubles du langage, de la lecture et de l’écriture, ainsi que de la communication suppléante et alternative.