Par Julie Myre-Bisaillon, Annick Tremblay-Bouchard, Véronique Parent, Carole Boudreau et Anne Rodrigue
Dans le but de favoriser le développement de la lecture, de l'orthographe, de la compréhension et des compétences en littératie chez les enfants souffrants de dyslexie, Lovett, Lacerenza et Borden (2000) ont mis sur pied le programme de lecture PHAST (PHonological And Strategies Training).
Ce programme réunit les composantes phonologiques du programme PHAB-DI :
- la segmentation
- la fusion phonémique
et les quatre stratégies orthographiques du programme WIST :
- l’identification du mot par analogie,
- la séparation des affixes,
- la prononciation des voyelles et
- la recherche des parties connues du mot .
Contexte de recherche
Les chercheurs ont étudié les effets de cette intervention visant l’amélioration de la procédure phonologique et orthographique. Selon eux, seul, l’entrainement phonologique n’est pas suffisant. Il sert de base à l’utilisation des stratégies métacognitives.
Aussi, il est préférable de combiner l’instruction directe et l’enseignement de stratégies afin d’acquérir une meilleure compréhension en lecture. C’est pourquoi ils ont mis sur pied ce programme d’intervention en lecture qu’ils ont expérimentée auprès de 85 sujets âgés entre 7 et 13 ans dans les classes laboratoires de The Hospital for Sick Children basé à Toronto. Les 85 sujets étaient répartis en 5 groupes qui testaient chacun différentes combinaisons de programme. Le programme, d’une durée de 70 heures, à raison de quatre ou cinq rencontres de 60 minutes par semaine, visait les élèves atteints de sévères difficultés de lecture. Lors des séances d’entrainement, des petits groupes de quatre élèves étaient formés pour un enseignant.
Description de l’approche
Le programme est divisé en trois phases.
Phase 1
La première phase est caractérisée par l’introduction de la stratégie de décodage des lettres-sons. Cette stratégie phonologique sert de base à l’utilisation des stratégies qui suivent et elle est enseignée en continue tout au long du programme.
Dans cette phase, les élèves apprennent les correspondances graphèmes-phonèmes et s’entraînent avec différents mots. De plus, ils développement leur habiletés d’analyses phonologiques en faisant des activités de la fusion et de segmentation phonémiques à l’oral. Pour les activités de fusion, les élèves doivent combiner les sons pour former les mots. Pour ce qui est de la segmentation les élèves doivent prononcer chaque son d’un mot, un à la fois, de gauche à droite. Il faut qu’ils entendent chaque son individuellement afin d’avoir conscience chaque unité dans les mots.
Cette phase est également caractérisée par l’introduction de graphies de plus en plus complexes.
Phase 2
La seconde phase est caractérisée par l’introduction des stratégies d’identification par l’analogie, par la séparation des affixes, par la prononciation des voyelles et par la recherche des parties connues.
Première stratégie : indentification par analogie
La première stratégie présentée est l’identification par analogie. Les notions « pareil/différent », « début/milieu/fin » et la connaissance du nom des lettres de l’alphabet sont des habiletés nécessaires à l’apprentissage de cette stratégie.
L’objectif de cette stratégie est d’identifier des mots par analogie en repérant des paires de rimes et en formant des rimes. Pour y parvenir, les élèves sont placés devant un support papier sur lequel il y a des portes derrière lesquelles il y a des mots qui riment. Ils doivent choisir une des clés fournies en fonction du patron orthographique qu’ils croient pouvoir être utile par sa fréquence d’utilisation dans la langue; les élèves doivent ouvrir la porte pour découvrir s’ils ont fait le bon choix de clé à l’aide des rimes.
Par exemple, sur les clés, il pourrait y avoir d’écrit les rimes « man », « see » et « and » en anglais. En ouvrant la porte, les enfants pourraient découvrir, par exemple, les mots « hand », « land », « brand », « stand » et « bandstand » et découvrir ainsi s’ils ont fait le bon choix de clé qui rime avec les mots derrière la porte.
Pour ce qui est du français, les rimes pourraient être « ton » et «ou ». En ouvrant la porte, les enfants pourraient découvrir les mots « matou », « bijou », « caillou » et « genou » pour conclure que la rime utilisée ici est « ou ».
Par la suite, les élèves apprennent les mots et ceux-ci sont affichés au mur des mots clés selon la prononciation des voyelles et les familles de rimes. À la fin du programme, un total de 120 mots clés devrait avoir été entrainé à l’aide de cette stratégie.
Ils utilisent le dialogue pour verbaliser leur démarche d’identification du mot clé utilisé pour décoder la partie d’un mot donné. Afin de faciliter le dialogue, la petite phrase suivante peut être utilisée :
- « Si je connais (le mot clé), alors celui-ci est (le nouveau mot) ».
- Par exemple, « Si je connais le mot clé 'nage' alors celui-ci est 'mage' ».
Deuxième stratégie : séparation des affixes
La seconde stratégie présentée est la séparation des affixes. L’objectif de cette stratégie est d’identifier les segments d’affixes au début et à la fin des mots dans le but de réduire le mot inconnu à une forme plus simple, c’est-à-dire sa racine.
Le déroulement des leçons concernant l’utilisation de cette stratégie débute par l’identification de la racine d’un mot à l’aide d’une stratégie vue précédemment. Par exemple, l’enseignant peut montrer aux élèves le mot « soleil » que les enfants traitent à l’aide de l’analyse phonémique. Ensuite, l’enseignant montre aux élèves les affixes. Dans l’exemple précédent, le préfixe pourrait être « en » et le suffixe « ment » pour créer le mot « ensoleillement ». Puis, les élèvent lisent le mot en entier avec les affixes. Enfin, à la fin de la séance, ils revoient les listes de préfixes et de suffixes qu’ils pratiquent à l’intérieur de mots morphologiquement complexes issus d’exercices échelonnés sur trois niveaux de difficulté.
En premier lieu, les élèves doivent localiser les affixes, puis, ils les encerclent. Enfin, ils verbalisent leur démarche. Par exemple, les élèves pourraient dire : « Si j’enlève le re que je ne connais pas dans le mot retenir, il reste le mot tenir que je connais. Si je fusionne les deux, j’obtiens le nouveau mot retenir. »
Troisième stratégie : prononciation des voyelles
La troisième stratégie est la prononciation des voyelles. Pour ce faire, les enfants apprennent les différentes prononciations des voyelles (la courte et la longue).
Ils doivent tout d’abord essayer les diverses prononciations et identifier celle qui est la bonne. Ensuite, ils distinguent les syllabes du mot dans le but de mieux le reconnaitre. Enfin, ils mettent en mot leur démarche.
Par exemple, la verbalisation peut prendre cette forme : « Je vais essayer la première prononciation. Je vais essayer la deuxième prononciation et voir laquelle me donne le bon mot. Je vais essayer de repérer les syllabes dans le mot à l’aide des voyelles pour m’aider à bien l’identifier. »
Quatrième stratégie : recherche de parties connues
La quatrième et dernière stratégie enseignée lors de cette phase est la recherche de parties connues. Pour ce faire, les élèves doivent connaître les 120 mots clés entrainés dans le but de trouver les parties familières dans un mot inconnu pour faciliter son identification.
Tout d’abord, les élèves doivent identifier la partie connue du mot en l’encadrant. Ensuite, ils identifient la partie inconnue et fusionnent les deux parties pour créer le nouveau mot. Enfin, ils verbalisent leur démarche. Par exemple, les enfants pourraient dire : « Dans le mot porte-monnaie, je reconnais le mot porte. J’encadre cette partie. J’essaie ensuite d’identifier la partie inconnue. »
Phase 3
En ce qui concerne la troisième phase, le Game Plan, elle consiste à établir une structure métacognitive efficace pour l’application et l’évaluation de l’efficacité des stratégies. Cette phase est introduite lorsque les élèves sont en mesure de nommer, de décrire et d’utiliser au moins trois des cinq stratégies enseignées.
L’objectif du Game Plan est d’aider les élèves à appliquer l’ensemble des stratégies, de les soutenir dans le choix de la bonne stratégie à utiliser selon le mot à identifier et d’évaluer les stratégies employées. Tout au long du processus, les élèves sont invités à verbaliser leur démarche et l’enseignant les guide par modelage et par l’enseignement réciproque.
Il y a 4 étapes différentes à l’application du Game Plan.
- le choix des stratégies qui vont être utilisées ;
- l’utilisation des stratégies ;
- la vérification de l’utilisation des stratégies ; et
- la réussite ou le retour - identifier le bon mot ou retourner à la première étape pour choisir une nouvelle stratégie plus efficace avec le mot non identifié.
Appuis relatifs à l’efficacité de l’approche
Cette étude, menée en milieu anglophone, démontre une supériorité des apprentissages en lecture lorsqu’est combinée l’analyse phonologique à l’enseignement de stratégies.
En effet, l’association entre le PHAB-ID et le WIST réunis dans le programme PHAST révèle des améliorations importantes sur les mesures phonologiques, particulièrement en ce qui a trait aux pseudo-mots, ce qui veut dire que la démarche faciliterait également l’identification de nouveaux mots.
Aussi, des progrès importants ont été constatés quant à l’association entre les sons et les mots, à l’égard des mots clés enseignés et aux mesures de transferts relatifs aux mots semblables et éloignés des mots entrainés.
Conclusion
Pour conclure, le PHAST est un programme intensif qui vise le développement de l’identification des mots afin d’acquérir les compétences nécessaires permettant le décodage et la lecture indépendamment du sens du texte. Cette approche se révèle gagnante sur plusieurs plans.
En plus d’avoir démontré des améliorations à plusieurs niveaux quant aux compétences liées à la lecture, les stratégies proposées peuvent s’intégrer en contexte de classe assez aisément.
Il est également intéressant de rappeler que la partie WIST de ce programme a été adaptée en français (voir article sur le WIST dans cette même série) et que les stratégies peuvent être utilisées en français comme en anglais.
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l'école
Références
Lovett, M. W., Barron, R. W., & Frijters, I. (2013). Word identification difficulties in children and adolescents with reading disabilities. Handbook of Learning Disabilitie, 329-360.
Lovett, M. W., Lacerenza, L., & Borden, S. L. (2000). Putting struggling readers on the PHAST track: A program to integrate phonological and strategy-based remedial reading instruction and maximize outcomes. Journal of Learning Disabilities, 33(5), 458-476.
Lovett, M. W., Lacerenza, L., De Palma, M., Benson, N. J., Steinbach, K. A., & Frijters, J. C. (2008). Preparing teachers to remediate reading disabilities in high school: What is needed for effective professional development?. Teaching and Teacher Education, 24(4), 1083-1097.
Lovett, M. W., Lacerenza, L., De Palma, M., & Frijters, J. C. (2012). Evaluating the efficacy of remediation for struggling readers in high school. Journal of learning disabilities, 45(2), 151-169.
Olinghouse, N. G., Lambert, W., & Compton, D. L. (2006). Monitoring children with reading disabilities' response to phonics intervention: Are there differences between intervention aligned and general skill progress monitoring assessments?. Exceptional Children, 73(1), 90-106.
Julie Myre-Bisaillon est professeure Titulaire au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale à la Faculté d’Éducation de l’Université de Sherbrooke. Elle est responsable du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), équipe de recherche qui regroupe une vingtaine de chercheurs. Ses intérêts de recherche portent sur l’adaptation de l’enseignement pour les élèves en difficulté, dans des approches par projet à partir de la littérature jeunesse et dans une perspective de multidisciplinarité de même que sur l’éveil à la lecture et à l’écriture dans les milieux défavorisés. Elle a enseigné au secondaire et a fait de l’intervention orthopédagogique.
Carole Boudreau est professeure au Département d’études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’université de Sherbrooke. Avant d’occuper ce poste, elle a été orthopédagogue en milieu scolaire, conseillère pédagogique en déficience auditive et agente de projets à la Direction de l’adaptation scolaire au ministère de l’éducation du Québec. Ses intérêts de recherche portent sur les difficultés en lecture et en écriture, ainsi que sur les pratiques orthopédagogiques. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).
Véronique Parent est psychologue et professeure au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke. Ses intérêts de recherche portent sur les troubles cognitifs liés aux troubles d'apprentissage et d'adaptation. Elle s’intéresse également à l’utilisation d’interventions novatrices dans le milieu scolaire afin de favoriser le développement du potentiel d’apprentissage des élèves en difficulté, dont l’utilisation de programmes d’entrainement cognitif. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).
Anne Rodrigue est étudiante au doctorat au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’Université de Sherbrooke. Orthopédagogue de formation, elle partage son temps entre la recherche à l’université et la pratique en milieu scolaire depuis plus de 10 ans.
Annick Tremblay-Bouchard est étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation axée dans le domaine de l’adaptation scolaire à l’Université de Sherbrooke. Enseignante au primaire de formation, elle se spécialise auprès des élèves ayant un handicap auditif.
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