par Jean Roger Alphonse, étudiant au doctorat à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa et Raymond Leblanc, professeur titulaire en éducation spéciale et vice-doyen de la recherche au développement professionel, Faculté d'éducation, l'Université d'Ottawa
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Une description de la stratégie :
L’enseignement explicite est issu des recherches effectuées sur les pratiques de l’enseignement efficace. Ce courant de recherche s’est donné pour objectif d’identifier les interventions pédagogiques les plus efficaces pour favoriser l’apprentissage des élèves ayant un trouble d’apprentissage dans les matières de base telles que la lecture, l’écriture et les mathématiques. L’enseignement explicite est la formalisation d’une stratégie d’enseignement structurée en étapes séquencées et fortement intégrées. Selon cette approche, l’enseignant, de manière intentionnelle, cherche à soutenir l’apprentissage des élèves ayant un trouble d’apprentissage par une série d’actions au cours de trois grands moments : 1) la préparation de la leçon, 2) l’interaction avec les élèves ayant un trouble d’apprentissage au cours de l’enseignement, 3) la consolidation de l’apprentissage (Gauthier, Bissonnette et Richard, 2013).
Il est important que l’enseignant prenne le temps de préparer la leçon. Au cours de cette phase, il doit réfléchir aux résultats d’apprentissage visés, aux activités pédagogiques à réaliser, à la mise en scène des différentes étapes, aux matériels requis, à l’estimation du temps et à l’évaluation des apprentissages. En effet, l’enseignant doit d’abord préciser les objectifs d’apprentissage qu’il poursuit avec les élèves ayant un trouble d’apprentissage: ce qui entraîne une activité de planification à rebours (Tomlinson et McTighe, 2010) qui consiste à déterminer 1) les résultats escomptés, 2) les preuves d’apprentissage, et 3) les activités pédagogiques. Il va de soi que la détermination des objectifs d’apprentissage et des preuves d’apprentissage facilitera l’évaluation des apprentissages des élèves ayant un trouble d’apprentissage.
Lors de la conduite de la leçon, la démarche de l’enseignement explicite, planifiée pour la réalisation des activités pédagogiques, sera adoptée : l’enseignant démontrera aux élèves ayant un trouble d’apprentissage ce qu’il faut faire (étape de modelage); il les accompagnera ensuite au cours d’une activité d’équipe (étape de la pratique guidée ou dirigée) pour qu’ils soient capables, au bout de course, d’accomplir la tâche seuls (étape de la pratique autonome).
Résultats des recherches :
Bissonnette et al. (2010) ont publié dans la « Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage » un article intitulé : Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves ayant un trouble d’apprentissage de niveau élémentaire? Il s’agit d’une méta-synthèse dont l’objectif est d’identifier les stratégies favorisant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques auprès des élèves ayant un trouble d’apprentissage et à risque d’échec. Cette méta-synthèse regroupe les résultats provenant de 11 méta-analyses, émanant de 362 recherches effectuées sur une période de 40 ans, impliquant 30 000 élèves ayant un trouble d’apprentissage et à risque d’échec, tant au niveau élémentaire qu’au niveau secondaire. Ces recherches sont réalisées selon des devis expérimentaux qui permettent d’établir des comparaisons et de tirer des conclusions jugées fiables (Bissonnette et al., 2010).
Les résultats de différentes méta-analyses montrent que les méthodes d’enseignement structurées et directives, tel que l’enseignement explicite, sont celles à privilégier pour l’enseignement des matières de base telles que la lecture, l’écriture et les mathématiques auprès des élèves ayant un trouble d’apprentissage et à risque d’échec, au niveau élémentaire. Bissonnette et al. (2010) pensent que l’enseignement explicite devrait être utilisé comme toile de fond pour enseigner la lecture, l’écriture et les mathématiques, auquel on pourrait y insérer une démarche d’enseignement réciproque. L’enseignement réciproque est une activité d’interaction verbale au cours de laquelle les élèves ayant un trouble d’apprentissage travaillent en petits groupes et assument tour à tour le rôle d’enseignant pour expliquer et appliquer les quatre stratégies dont se sert tout bon lecteur pour comprendre un texte, lesquelles consistent à prédire, à questionner, à clarifier et à résumer. Il serait donc intéressant de voir l’enseignement explicite utilisé en conjonction avec l’enseignement réciproque, notamment au cours de la pratique guidée.
Le soutien à l’enseignement représente également une autre modalité pédagogique efficace, d’après ces chercheurs. En effet, le tutorat, les informations fournies aux enseignants et aux élèves ayant un trouble d’apprentissage ainsi que les communications avec les parents, sont des mesures de support à l’enseignement qui améliorent la performance des élèves ayant un trouble d’apprentissage dans les domaines de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. De plus, ces moyens peuvent être utilisés en complémentarité avec l’enseignement explicite et l’enseignement réciproque.
Finalement, d’après Bissonnette et al. (2010), les effets obtenus par la pédagogie constructiviste sur le rendement en lecture, en écriture et en mathématiques des élèves ayant un trouble d’apprentissage sont inférieurs au seuil limite retenu pour cette étude. Par conséquent, les auteurs ne recommandent pas cette stratégie d’enseignement alors qu’on dispose de méthodes pédagogiques beaucoup plus efficaces comme l’enseignement explicite ou l’enseignement réciproque.
L’implémentation de la stratégie : Les trois temps de l’enseignement explicite
Selon Gauthier, Bissonnette et Richard (2013), l’enseignement explicite se divise en trois étapes subséquentes : le modelage, la pratique guidée ou dirigée, et la pratique autonome. L’étape du modelage favorise la compréhension de l’objectif d’apprentissage chez les élèves ayant un trouble d’apprentissage. La pratique dirigée leur permet d’ajuster et de consolider leur compréhension dans l’action, à travers des groupes de travail. La pratique autonome leur fournit des occasions d’apprentissage nécessaires à la maîtrise et à l’automatisation des connaissances de base.
- L’enseignement explicite commence donc par le modelage. Cette stratégie consiste pour l’enseignant(e) à exécuter une tâche devant les élèves ayant un trouble d’apprentissage et à décrire ce qu’il fait pendant qu’il le fait. Dans l’étape du modelage, l’enseignant(e) s’efforce de rentre explicite tout raisonnement qui est implicite en enseignant les quoi, pourquoi, comment, quand et où faire. L’information est présentée en petites unités, dans une séquence graduée, allant généralement du plus simple au plus complexe, non seulement afin de respecter les limites de la mémoire de travail de l’élève ayant un trouble d’apprentissage, mais encore afin de rendre plus visibles les liens entre les nouvelles connaissances et celles apprises antérieurement. L’enseignant peut alors recourir aux exemples et des contre-exemples qui peuvent attirer l’attention des élèves ayant un trouble d’apprentissage, faciliter leur compréhension de l’objet d’apprentissage et améliorer ainsi la qualité du modelage.
- À la suite du modelage, la démarche de l’enseignement explicite se poursuit avec l’étape de la pratique guidée, dite aussi pratique dirigée, qui permet aux élèves ayant un trouble d’apprentissage de réussir, avec le soutien approprié, à atteindre l’objectif de l’apprentissage visé et à acquérir ainsi la confiance et la motivation nécessaire pour continuer son apprentissage. Cette étape est propice au travail en équipe qui permet à l’enseignant(e) de vérifier ce que les élèves ayant un trouble d’apprentissage ont compris de la leçon, non seulement en leur donnant l’occasion de réaliser des tâches semblables à celles effectuées lors du modelage, mais encore en leur fournissant de la rétroaction sur le travail accompli. La pratique guidée aide les élèves ayant un trouble d’apprentissage à « vérifier, à ajuster, à consolider et à approfondir leur compréhension de l’apprentissage en cours, par l’arrimage de ces nouvelles connaissances avec celles qu’ils possèdent déjà en mémoire à long terme » (Gauthier et al., 2004, p.28).
- Lors de la pratique autonome, l’élève ayant un trouble d’apprentissage réinvestit seul dans de nouvelles situations d’apprentissage ce qu’il a compris lors du modelage et appliqué en équipe lors de la pratique guidée. Cette étape constitue alors l’étape finale de l’apprentissage qui permet à l’élève ayant un trouble d’apprentissage de roder sa compréhension dans l’action jusqu’à l’obtention du niveau de maîtrise le plus élevé possible, en vue de consolider l’apprentissage. Elle permet également de repérer les élèves ayant un trouble d’apprentissage qui auront besoin d’un soutien particulier avant d’aller plus loin.
Bibliographie et ressources importantes :
Bissonnette,S., Richard, M., Gauthier, C. & Bouchard, C. (2010). Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire? Résultats d’une méga-analyse. Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage, 3 (1), 1-35.
Gauthier, C., Mellouki, M., Simard, D., Bissonnette, S. et Richard, M. (2004). Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés. Une revue de littérature. Rapport de recherche préparé pour le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture. Québec, Québec: Université Laval.
Gauthier, C., Bissonnette,S. & Richard, M (2013. Enseignement explicite et la réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Québec, Canada : Éditions du Renouveau Pédagogique Inc. (ÉRPI).
Tomlinson, C. A. & McTighe, J. (2010). Intégrer la différenciation pédagogique et la planification à rebours. Montréal, Canada : Chenelière Éducation.
Trousse d’intervention :
Réseau Canadien de Recherche sur le langage et l’alphabétisation (2009). Pour un enseignement efficace : de la lecture et de l’écriture : une trousse d’intervention appuyée par la recherche. Consulté du site : http://www.treaqfp.qc.ca/106/PDF/TROUSSE_Reseau_de_chercheurs.pdf
Jean Roger Alphonse est étudiant au doctorat à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, concentration enseignement, apprentissage et évaluation. Il enseigne également à la formation initiale à l’enseignement de l’Université d’Ottawa. Ses intérêts de recherche portent sur les stratégies d’enseignement et d’apprentissage, sur la différenciation pédagogique et sur l’accompagnement professionnel.
Raymond Leblanc est professeur titulaire en éducation spéciale et vice-doyen à la recherche et au développement professionnel à l’Université d’Ottawa. Il détient un doctorat en psychologie cognitive. Il est co-directeur d’une collection chez DeBoeck Université en neuropsychologie et en éducation spéciale. Ses intérêts de recherche portent sur l’autisme, la déficience mentale, le style d'apprentissage, les troubles du langage et de la communication, les difficultés d'apprentissage, les méthodologies qualitatives, la psychologie culturelle, et la qualité de vie.
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