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par Stéphanie Dionne, facilitatrice à l’ère du numérique

La qualité du lien enseignant-élève favorise l’équilibre affectif-cognitif nécessaire pour créer les conditions optimales d’apprentissage des élèves. Si on le reconnaît comme un incontournable en classe, il est encore plus important de le reconnaître dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage en virtuel. Tel qu’énoncé par la Chaire de recherche du Canada sur le numérique en éducation, enseigner ou apprendre en ligne, c’est apprendre à vaincre une distance qui est à la fois spatiale, technologique, temporelle, culturelle, sociale, affective et, surtout, pédagogique, afin de permettre aux apprenants de vivre une expérience des plus positives.

Comment maintenir le lien avec ses élèves ayant des troubles d’apprentissage en virtuel? C’est exactement ce qui a été la préoccupation de Véronique Dinel, enseignante de français et mathématiques auprès d’élèves de 4e secondaire ayant de graves troubles d’apprentissage de l’École Vanguard et de huit autres enseignants et intervenants du milieu de l’Éducation du Québec qui présente le fruit de leur expérience dans ce documentaire réalisé par l’École branchée. Pour Mme Dinel, un important dilemme demeure trop souvent entre l’exécution de la planification académique et l’utilisation du temps nécessaire pour créer la relation avec les élèves. Véronique Dinel, enseignante de français et mathématiques au secondaire auprès d’élèves ayant de graves troubles d'apprentissage, répond à cela que le temps investi dans la relation permet de rattraper le temps sur la planification académique. Dans ses mots; « Ça vaut la peine de mettre du temps sur la relation, parce que s’il n’y a pas de canal entre les élèves et le prof, y’a rien (l’enseignement) qui va passer (l’apprentissage) de toute façon et encore moins à distance! »

La pandémie a transformé le contexte d’apprentissage de tous les élèves. Les enseignants ont dû créer des conditions d’apprentissage optimales en ligne en considérant les besoins des élèves ayant des TA. Il est vrai de penser qu’ils peuvent être plus particulièrement anxieux dans un contexte qui transforme leur environnement d’apprentissage en un lieu virtuel. Les enseignants peuvent agir pour créer un climat bienveillant d’un côté de l’ordinateur à l’autre pour les rassurer et ainsi diminuer leur anxiété.

3 moyens pour être à l’écoute des jeunes individuellement ou en groupe

  1. Prévoir à l’horaire un temps d’échange, prendre le temps de demander « Comment ça va? » et écouter sincèrement. Garder à l’horaire les routines qui fonctionnent bien. C’est rassurant en plus de donner un rythme aux apprentissages.
  2. Utiliser un questionnaire interactif (Google formulaire; mentimeter; Wooclap ou autre) pour obtenir le portrait de votre groupe sur le plan du bien-être. Voici un exemple créé et utilisé par Mme Myra Auvergnat Ringuette, enseignante au primaire pour mesurer l’indice de bonheur de son groupe. Vous pouvez l’adapter en créant une copie et l’utiliser chaque semaine avec vos élèves.
  3. Offrir des disponibilités en visioconférence aux élèves ayant des TA lors des périodes de travail autonome pour qu’ils soient toujours à deux clics d’être en contact avec leur enseignant(e). Proposez leur un rendez-vous individuel pour répondre à leur besoin d’accompagnement soutenu, s’ils n’ont pas l’habitude de lever la main ou de poser leur question. Ainsi aucun élève ne restera seul face à ses défis, craintes ou difficultés.

Toutes ces occasions permettent de maintenir le lien avec les élèves et d’obtenir un portrait assez juste sur leur besoin tant sur le plan du bien-être que de leur expérience d’apprentissage. Ce portrait apporte la clarté nécessaire pour faire progresser votre groupe en proposant un plan de travail adapté à leur rythme.

Adapter la charge et la nature des tâches proposées

Faire progresser un groupe implique de déterminer où ils se situent et de créer les contextes d’apprentissage nécessaires pour qu’ils s’engagent intellectuellement à atteindre les objectifs du programme. Le contexte d’enseignement et d’apprentissage virtuel restreint certaines possibilités et en permet d’autres. Voici quatre possibilités à exploiter dans ce contexte virtuel avec vos élèves ayant des TA.

1. Impliquer les parents en les informant du fonctionnement de classe virtuelle et leur permettre de jouer efficacement leur rôle de coéducation auprès de leur enfant.

Créer un canal de communication bidirectionnel avec eux pour obtenir leurs observations et pouvoir intervenir de manière concertée et continue auprès des jeunes sur le plan académique. Ce canal de communication peut débuter par l’utilisation d’un Google formulaire. Voici un exemple créé par Mme Myra Auvergnat Ringuette qui peut être adapté et utilisé pour valider l’expérience d’apprentissage des élèves.

2. Développer les compétences numériques des élèves.

Afin de se sentir en sécurité dans un environnement d'apprentissage, les élèves doivent développer de multiples savoirs: utiliser la visioconférence, partager son écran, maîtriser son doigté, créer des documents collaboratifs et les partager, créer un clip audio ou vidéo. L’utilisation d’outils numériques nécessite un apprentissage en soi. Prenez le temps de démontrer l’utilisation de chaque outil qui leur sera essentiel à la réalisation de la tâche académique demandée. Introduisez un outil à la fois et accordez leur du temps aux élèves pour vivre leurs premières expérimentations.

3. Proposer des activités authentiques, concrètes et ludiques qui laissent de la liberté aux élèves sur le moyen de rendre compte de leurs apprentissages.

Vous pourriez permettre l’utilisation de clip vidéo ou audio, l’envoi d’images ou de sketchnotes en plus des traces écrites à la main ou à l’ordinateur. Cela rend les apprentissages inclusifs et accessibles. Vous pouvez aussi penser à EdPuzzle et Flipgrid. Il a été remarqué que l’utilisation des technologies facilite l’expression de la créativité des élèves de manière à les rendre fiers de ce qu’ils peuvent réaliser. Pensez à la fierté d’un élève qui a des difficultés à dessiner qui utilise un logiciel tel que canva pour produire une affiche.

4. Favoriser la collaboration en créant des sous-groupes virtuels

Favoriser la collaboration en créant des sous-groupes virtuels vous permet de circuler en vous téléportant d’un sous-groupe à l’autre et de proposer des tâches où ils sont en action et en interaction. Ces occasions facilitent la mobilisation de différentes forces qui peuvent mettre en valeur vos élèves ayant des TA. Plusieurs outils permettent de travailler en collaborant: Google Jamboard, Padlet, Mindmeister, Google document, Microsoft Whiteboard, Whiteboard.chat, Miro, Explain Everything et plusieurs autres.

Permettez-vous de diminuer le niveau de stress présent en créant des moments pour décompresser, rire et faire les fous. Le climat de classe même en ligne peut être positif et stimulant.

Des défis et des pistes de solutions

La vie scolaire qu’elle soit vécue en classe ou en ligne est parsemée d’imprévues. L’environnement virtuel ouvre l’espace à de nouveaux défis qu’il est possible de surmonter tant sur le plan humain et relationnel que technologique. En voici quatre qui ont particulièrement marqué les enseignants.

Les caméras fermées sont souvent perçues comme un signe de manque d’intérêt ou de motivation.

En réalité, plusieurs raisons peuvent faire en sorte que les élèves préfèrent garder leur caméra fermée. Valider leur intérêt et leur expérience d’apprentissage permettra d’avoir l’heure juste. Vous pouvez utiliser une échelle de perception «Dites-moi, de 1 à 10 comment avez-vous apprécié l’activité réalisée?». Demandez aux élèves de le faire à micro ouvert ou d’utiliser différents outils tels que Mentimeter, l’option sondage de votre visioconférence ou WooClap. Il est aussi possible à main levé de voter «C’est une activité à refaire? Oui ou Non».

Les comportements dérangeants en classe virtuelle perturbent l’expérience d’apprentissage.

L’enseignement en ligne, c’est l’occasion d’éduquer les jeunes à la citoyenneté éthique à l’ère du numérique. C’est un contexte authentique qui favorise la prise de conscience sur l'impact de ses comportements que ce soit derrière un écran ou non. C’est possible de devoir fermer une session chaotique, de la planifier à un autre moment et de débuter la séance dans le dialogue constructif pour influencer positivement le comportement des élèves.

Les problèmes de connexion

Les problèmes de connexion peuvent créer de l’insécurité chez les enseignants tout comme chez les élèves. Inévitablement, le son, la caméra, un partage d’écran ou quoi que ce soit d’autre affectent l’expérience d’enseignement et d’apprentissage. L’utilisation de capsules pré-enregistrées, de plan de travail autonome ou la création de sous-groupes permettent aux élèves d’avancer malgré la rupture de communication.

Le sentiment d'incompétence

Le sentiment d’incompétence peut s’installer face à un contexte déstabilisant. C’est normal! Prendre du temps pour prendre soin de soi et retrouver ses forces est nécessaire pour rebondir. Verbaliser ses craintes, ses erreurs et ses préoccupations avec votre entourage permet de libérer l’espace pour trouver les pratiques gagnantes qui existent. Ensuite, s’entourer et collaborer avec des pairs facilitent l’apprentissage de nouvelles pratiques et de retrouver le sentiment de compétence.

Les conseils des enseignants

« On le dit à nos élèves que c’est en faisant des erreurs qu’on apprend. Permettez-vous comme enseignant de faire des erreurs! » - Véronique Dinel, enseignante de français et mathématiques au secondaire.

« Vous voulez que vos élèves soient là avec vous! Faites-leur sentir que la connexion avec eux est importante! Éviter de juste leur envoyer une liste de choses à faire! » Myra Auvergnat Ringuette, enseignante au primaire.

« C’est facile de se dire que c’est plate un cours à distance en tant qu’enseignant. Il faut éviter de s’écouter parler et laisser la parole aux élèves le plus possible. » -  Pierre-Olivier Cloutier, enseignant en sciences au secondaire

« Faites confiance aux jeunes! Soyez flexibles et agiles, écoutez-les, vous découvrirez qu’ils sont motivés! » Jessica Rivard, agente de développement de projets.

« Vous voulez que vos élèves soient là avec vous! Faites-leur sentir que la connexion avec eux est importante! Évitez de leur envoyer juste une liste de choses à faire. » Julie Chandonnet, enseignante au primaire.

« Il faut peut-être même changer notre enseignement pour connaître encore plus nos élèves! Ce temps-là est bénéfique pour la suite de l’enseignement. » - Nancy Lavergne, enseignante d’éthique et culture religieuse.

Témoignages présentés

Compilation des entrevues avec les 9 acteurs du milieu de l’éducation qui témoignent de l’importance de créer et maintenir la relation avec ses élèves à distance.

  • Myra Auvergnat Ringuette, enseignante de 4e année - Externat St-Jean-Berchmans
  • Véronique Boivin, enseignante d’entrepreneuriat en 1re et 4e secondaire - École secondaire de la Seigneurie, CSS des Premières-Seigneuries
  • Julie Chandonnet, enseignante de 6e année - École Saint-Denys-Garneau, CSS de la Capitale
  • Pierre-Olivier Cloutier, enseignant en sciences en 4e et 5e secondaire - École secondaire du Mont-Saint-Sacrement
  • Véronique Dinel, enseignante de français et mathématiques, 4e sec. - École Vanguard
  • François Lake-héon, enseignant de 5e année - École l’Arpège, CSS des Patriotes
  • Nancy Lavergne, enseignante d’éthique et culture religieuse - École secondaire de la Seigneurie, CSS des Premières-Seigneuries
  • François Pichette, enseignant de sciences et mathématiques, 1re et 2e secondaire - Académie Sainte-Marie, CSS des Premières-Seigneuries
  • Jessica Rivard, agente de développement de projets, Tremplin Travail, CJE Vallée de la Matapédia

Pour en savoir plus :

Stéphanie Dionne est mère de trois enfants et contribue depuis 18 ans à l’intégration des technologies dans le milieu de l’éducation. Aujourd'hui, elle est facilitatrice à l’ère du numérique et membre de l'équipe de l’École branchée sur la famille. Stéphanie croit profondément au potentiel de leadership des parents et des enseignants ainsi qu’à leur capacité de s’unir dans une mentalité de coéducation pour créer des contextes d’apprentissage vivants et actuels aux jeunes. Elle accompagne aussi les parents à l'ère du numérique et propose de réaliser un contrat d'utilisation d'appareil numérique parent-enfant à La famille de ma vie - Coaching.