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Jean Roger Alphonse et Raymond Leblanc

Une description de l’approche

Les compétences en lecture sont essentielles pour une intégration réussie dans le système scolaire. Au moment d’entrer à la maternelle, l’enfant possède habituellement les compétences prérequises à l’apprentissage de la lecture, notamment les connaissances et expériences nourries par son entourage, ses parents et ses amis qu’il côtoie dans son environnement.  À cinq ans, par exemple, on s’attend à ce qu’un enfant moyen connaisse entre 4000 et 5000 mots et acquière presque autant de mots additionnels pendant cette année (Japel et al., 2010). Toutefois, il a été constaté que des enfants en maternelle, notamment ceux présentant un retard de développement, manquent d’étendue et de richesse de vocabulaire, facteur essentiel d’un bon apprentissage de la lecture.  Il est alors important d’intervenir de façon précoce pour améliorer le vocabulaire des enfants d’âge préscolaire à risque d’un trouble d’apprentissage.

C’est pour améliorer l’enseignement du vocabulaire chez les enfants d’âge préscolaire que des chercheurs ont élaboré « Les aventures de Mimi et ses amis », une série de trente livres conçus pour cibler l’apprentissage de mots précis, généralement inconnus par les enfants de milieux défavorisés et de ceux ayant un trouble d’apprentissage. Cliquez ici pour plus de reseignements. Ces livres ont été écrits et illustrés en se basant sur un corpus de 174 mots spécifiques (70 noms, 56 verbes, 44 adjectifs et 4 adverbes) identifiés comme étant familiers des enfants se développant normalement et issus de milieu favorisé, mais inconnus par des enfants ayant un trouble d’apprentissage ou issus de milieu défavorisé. Les histoires sont conçues de façon à capter l’attention des enfants tout en suscitant un plaisir à apprendre de nouveaux mots, appelés «mots magiques». Chaque histoire présente cinq ou six nouveaux «mots magiques» qui doivent être introduits de façon explicite. Les histoires suivantes contiennent quatre à six «mots magiques», présentés précédemment, mais utilisés dans un autre contexte par souci de révision et de transfert des apprentissages.

Ci-dessous, vous trouverez une vidéo qui a été tournée à l'école Saint-Zotique sur la maternelle 4 ans à temps plein:

Vidéo: Maternelle 4 ans temps plein, École Saint-Zotique, CSDM. Tiré de YouTube avec permission.

Résultats de la recherche :

Dans une recherche intitulée, « Comment faciliter le développement du vocabulaire chez les jeunes enfants à risque? Une approche basée sur la recherche », Japel et al. (2010) ont présenté les résultats de l’expérimentation de «Les aventures de Mimi et ses amis» en contexte scolaire. Cette expérimentation s’est réalisée en deux phases: une phase pilote et une phase d’expérimentation proprement dite.

La phase pilote a eu pour objectif d’adapter les dispositifs de collecte, d’analyse et de traitement des données.  Elle a été menée entre avril et juin 2008 auprès d’un groupe de soixante enfants, de cinq éducatrices et d’une enseignante de la région métropolitaine de Montréal dans deux classes de la petite enfance et dans une classe de prématernelle.

La phase d’expérimentation a été conduite entre septembre 2008 et février 2009 dans douze centres de la petite enfance de quartiers défavorisés des régions de Montréal (4) et des Cantons de l’Est (8).  Comme devis de recherche, les chercheurs ont testé la nouvelle approche, à partir des deux conditions suivantes :1) intervention, et 2) contrôle. Vingt-deux éducatrices et cent quatre-vingt-dix-neuf enfants ont été aléatoirement assignés à la condition contrôle (N =99 enfants) ou à la condition intervention (N =100 enfants).

Condition « contrôle »:

La condition « contrôle » concerne l’enseignement habituel, réalisé en salle de classe.

Condition « intervention »:

Les éducatrices de cette condition ont été formées en vue d’utiliser le matériel et de présenter les activités. Des procédures d’évaluation ont été mises en place avant, pendant et après l’intervention. L’apprentissage du vocabulaire spécifique ciblé dans les histoires a été évalué à deux reprises, soit après la lecture des 10 premières histoires et encore après la lecture des histoires 11 à 20. Quinze mots issus des histoires ont été également sélectionnés en vue de comparer les apprentissages des enfants ayant écouté les histoires et ceux du groupe «contrôle» qui ne les avait pas entendues.

Les résultats suivants ont été obtenus:

  1. Au début de l’intervention, les deux groupes (contrôle et intervention) ne diffèrent pas en ce qui concerne leur connaissance des mots présentés dans les histoires.
  2. Un premier test après la lecture des dix premières histoires révèle une différence marginalement significative entre les deux groupes.
  3. La différence entre le groupe «contrôle» et le groupe «intervention» devient plus évidente lors des évaluations des histoires 11 à 20, notamment au regard de la connaissance des mots ciblés et de leur définition correcte.
  4. À la fin de l’intervention, les enfants ayant bénéficié de l’enseignement fournissent en moyenne plus de sept définitions correctes des mots introduits dans les histoires tandis que leurs pairs du groupe « contrôle » en fournissent cinq.

En guise de conclusion, l’enseignement explicite du vocabulaire, à partir des histoires spécialement conçues et illustrées, a produit des résultats satisfaisants auprès des élèves ayant des troubles d’apprentissage ou des enfants issus de milieu défavorisé.  D’après Japel et al. (2010), des activités pédagogiques centrées sur l’histoire favorisent la mémorisation des mots, leur discrimination dans différents contextes et leur généralisation à d’autres situations. Les chercheurs ont également souligné le fait que l’intervention a permis aux éducatrices d’être plus sensibles aux besoins d’apprentissage de vocabulaire chez les enfants ayant des troubles d’apprentissage ou de milieu défavorisé. En outre, d’après les chercheurs, le protocole qui accompagne la série de livres a conduit à une modification des pratiques pédagogiques chez les  éducatrices. En effet, lorsque les enfants sont confrontés à de nouveaux mots, elles accordent désormais une plus grande importance aux mots inconnus des enfants, en les questionnant en cours de lecture et en revenant avec eux sur la signification des mots, dès qu’une occasion appropriée se présente.

Mise en œuvre de l’approche pédagogique :

Chacune des trente histoires est accompagnée des activités pédagogiques détaillées suivantes :

  1. Avant la lecture, les «mots magiques» du jour sont présentés aux enfants de façon explicite, l’un après l’autre. Le mot est expliqué au moment où il se présente dans l’histoire.
  2. L’éducatrice fait répéter aux enfants le mot avec sa définition. Au cours de la lecture quotidienne, les enfants sont encouragés à lever la main dès qu’ils entendent un « mot magique » afin de donner sa définition. Par exemple, prenons le mot « rayé » qui signifie «qui a des lignes de deux couleurs». Les enfants doivent lever la main lorsqu’ils entendent le mot dans la phrase: « Mimi est une petite abeille rayée » et doivent donner une courte définition du mot « rayé ».
  3. Après la lecture, en vue du rappel, l’éducatrice reprend les illustrations de l’histoire et revient avec les enfants sur le « mot magique » relié  à cette illustration. Par exemple, toujours pour le mot « rayé », elle reprend l’image des petites abeilles et demande aux enfants: « Qui se souvient de notre mot magique pour dire quelque chose qui a des lignes de deux couleurs? »  L’adjectif « rayé » est alors répété avec les enfants.
  4. Cette activité vise la discrimination, c’est-à-dire à élargir l’utilisation du mot à d’autres contextes que celui de l’histoire. Par exemple, l’éducatrice pourrait demander si une page blanche ou un gant tout noir est « rayé », si un zèbre est «rayé», etc.
  5. La dernière activité vise la généralisation du mot. Sans appui visuel des images du livre, l’éducatrice s’attend à ce que l’enfant utilise le mot dans un contexte distinct de celui de l’histoire. Elle ne parle plus des abeilles «rayées», mais elle propose aux enfants un nouvel exemple, tel que : « Aujourd’hui, Léa porte un chandail qui a des traits de deux couleurs.  À quel « mot magique » cela te fait penser? ».

Voici des exemples de ce que vous verrez dans les livres « Les aventures de Mimi et ses amis » (utilisé avec la permission de l'auteur du programme) :

Un page tiré de "Les aventures de Mimi et ses amis"

Image 1 - Mimi et ses amis

un page tiré de "Les aventures de Mimi et ses amis"

Image 2 - Mimi et ses amis

Ouvrages de référence

Japel, C., Brodeur, M., Dion, É., Gosselin, C., Simmons, D. & Vuattoux, D. (2010). Comment faciliter le développement du vocabulaire chez les jeunes enfants  à risque? Une approche basée sur la recherche ».  Conseil Canadien sur l’apprentissage (CCA).  Extrait le 12 avril 2014 du site:  http://www.ccl-cca.ca/pdfs/OtherReports/Japel-FinalReport.pdf

Japel, C., Brodeur, M., Dion, É., Gosselin, C., Simmons, D. & Vuattoux, D. (2010). Les aventures de Mimi et ses amis. Laboratoire sur les pratiques d’enseignement appuyées par la recherche, Faculté des sciences de l’éducation, UQÀM. http://www.labpe.uqam.ca/materiel_formation.php

horizontal line tealJean Roger Alphonse est étudiant au doctorat à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, concentration enseignement, apprentissage et évaluation.  Il enseigne également à la formation initiale à l’enseignement de l’Université d’Ottawa.  Ses intérêts de recherche portent sur les stratégies d’enseignement et d’apprentissage, sur la différenciation pédagogique et sur l’accompagnement professionnel. 

Raymond Leblanc est professeur titulaire en éducation spéciale et vice-doyen à la recherche et au développement professionnel à l’Université d’Ottawa. Il détient un doctorat en psychologie cognitive. Il est co-directeur d’une collection chez DeBoeck Université en neuropsychologie et en éducation spéciale. Ses intérêts de recherche portent sur l’autisme, la déficience mentale, le style d’apprentissage, les troubles du langage et de la communication, les difficultés d’apprentissage, les méthodologies qualitatives, la psychologie culturelle, et la qualité de vie.