Loading Ajouter aux Favoris

Par Anne-Louise Fournier, Université Laval et Bruno Hubert, Université Laval

Lors de leurs études universitaires au Québec, les étudiants ayant des troubles d’apprentissage sont inclus dans le vocable des étudiants en situation de handicap (ÉSH). Ils doivent communiquer avec le bureau d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap (BACSÉSH) de l’université afin de se prévaloir de mesures d’accommodement pour les cours suivis. Alors qu’à l’origine l’organisation des services et des mesures d’accommodement pour ces étudiants relevait uniquement du BACSÉSH, on sollicite maintenant une implication plus importante du personnel administratif et du personnel enseignant. Il ne s’agit plus d’offrir uniquement des mesures individuelles pour répondre aux besoins de ces étudiants, mais de repenser l’enseignement afin de le rendre plus inclusif pour l’ensemble des étudiants [52]. Ainsi, la présente étude a été conduite dans une université québécoise afin de connaître les perceptions des ÉSH de ce service et d’identifier les conditions facilitantes et les obstacles rencontrés pendant leur fréquentation universitaire.

L’augmentation du nombre d’étudiants en situation de handicap

Au Québec, une augmentation du nombre d’ÉSH est observée dans l’ensemble des universités. De 2013 à 2018, l’effectif d’ÉSH a doublé, passant de 8 201 à 16 304 [2]. Ces données reflètent uniquement les étudiants ayant choisi de divulguer officiellement leur situation à leur établissement d’enseignement. Il ne fait donc aucun doute que cet effectif étudiant est plus nombreux en réalité. La présence accrue d’étudiants classés dans le groupe ayant un trouble (p. ex., troubles d’apprentissage, troubles de santé mentale, trouble déficitaire de l’attention, troubles du spectre de l’autisme ou trouble du langage et de la parole) explique en grande partie cette augmentation. Pour l’année scolaire 2017-2018, les données de l’AQICESH (2018) révèlent qu’ils représentent 69 % de la population étudiante en situation de handicap. Enfin, le sous-groupe le plus nombreux parmi les ÉSH est celui des étudiants ayant un trouble déficitaire de l’attention (38 %).

 

MÉTHODOLOGIE

Le questionnaire

Au total, le questionnaire comporte 81 questions obligatoires et optionnelles, regroupées selon les ensembles suivants : les questions sociodémographiques ; les mesures d’accommodement ; l’offre de services du BACSÉSH ; la divulgation de la limitation fonctionnelle ; les obstacles et facilitateurs ; la lettre d’attestation d’accommodements scolaires ; la relation avec le corps professoral ; et la gestion des examens.

La population à l’étude

Au total, 417 ÉSH ont répondu à l’ensemble du questionnaire à la session d’hiver 2018. En raison de la taille de l’échantillon, les résultats sont considérés comme étant représentatifs, avec un degré de confiance de 95 %. Ils sont âgés en moyenne de 28 ans (19 à 61 ans) et en majorité des femmes (69,3 %). Près des deux tiers des répondants (65 %) font partie du groupe d’étudiants ayant un trouble (p. ex., apprentissage, santé mentale, déficitaire de l’attention, spectre de l’autisme) et le reste présente une déficience fonctionnelle (p. ex., auditive, motrice, organique, visuelle). Enfin, plusieurs répondants (69,3 %) ont pris leur premier rendez-vous avec le BACSÉSH entre 2015 et 2018, ce qui donne à penser que plus de la moitié des répondants sont aux études ou récemment diplômés.

Répartition des répondants selon la limitation fonctionnelle (N=417)

Sondage Population totale (1) Variation
(= 417) (= 4033)
N % % %
Limitation fonctionnelle Déficience auditive 9 2.2 3.2 -1.0
Déficience motrice 22 5.3 8.0 -2.7
Déficiences multiples 62 14.9 10.1 4.8
Déficience organique 18 4.3 4.9 -0.6
Déficience visuelle 8 1.9 2.7 -0.8
Traumatisme crânien 6 1.4 1.4
Troubles d’apprentissage 26 6.2 10.4 -4.2
Trouble déficitaire de l’attention 203 48.7 47.1 1.6
Trouble du langage et de la parole 2 0.5 0.8 -0.3
Troubles du spectre de l’autisme 6 1.4 1.3 0.1
Troubles de santé mentale 34 8.2 8.9 -0.7
Autres 21 5.0 1.2 3.8
(1) Données colligées par le BACSÉSH de l’université sur la base d’attestations médicales fournies par les étudiants.

 

RÉSULTATS

Les services et les mesures d’accommodement offerts aux ÉSH

Dans l’établissement d’enseignement universitaire à l’étude, les ÉSH doivent prendre l’initiative de communiquer avec le BACSÉSH. Leur premier contact se fait généralement avec une intention de leur part, basée sur leurs perceptions concernant l’utilité des services et des mesures d’accommodement. Pour près de la moitié des répondants (46 %), leurs perceptions se fondent sur une expérience antérieure, puisqu’ils « utilisaient déjà des services semblables dans un autre établissement scolaire ». Le facteur le plus fréquemment mentionné, soit par 70 % des répondants, pour motiver une prise de rendez-vous avec le BACSÉSH est : « Je désirais des accommodements pour mes examens ». Les deux autres incitatifs le plus souvent nommés sont : « J’éprouvais des difficultés dans mes études » (43,6 %) et « J’avais besoin de services (interprète, preneur de notes, accompagnateur, etc.) » (34,5 %).

Qu’est-ce qui vous a incité à prendre rendez-vous? (N=417)

n %
Je désirais des accommodements pour mes examens. 292 70.0
J’éprouvais des difficultés dans mes études. 182 43.6
J’avais besoin de services (p. ex., interprète, preneur de notes, accompagnateur, etc.). 144 34.5
J’étais curieux de connaître les services offerts. 55 13.2
Un ami m’a recommandé de prendre un rendez-vous. 44 10.6
Un professeur m’a recommandé de prendre un rendez-vous. 29 7.0
Autres 16 3.8

La grande majorité des répondants se dit satisfaite des services du BACSÉSH, plus particulièrement les services spécialisés (p. ex., interprète, accompagnateur, preneur de notes, tuteur, etc.) (98,8 %), les équipements (p. ex., ordinateur portable, triporteur, enregistreur numérique, etc.) (93,7 %), les services offerts par les conseillers (92,1 %), le soutien technique et informatique (p. ex., numérisation de livres, enregistrement de lectures, etc.) (90,5 %), et la publicité et la visibilité des services offerts (83,2 %). Parmi les répondants se disant insatisfaits, les deux raisons le plus fréquemment évoquées pour justifier leur insatisfaction sont : « Je n’ai pas eu les services que je voulais » et « Je manquais d’encadrement après mon rendez-vous ».

L’appréciation du Bureau d’accueil et de soutien aux ÉSH (N=417)

Satisfaits Insatisfaits NSP*
%
Services offerts par les conseillers 92.1 4.5 3.4
Publicité et visibilité des services offerts 83.2 6.7 10.1
Services spécialisés 98.8 1.2 0
Équipements 93.7 3.1 3.2
Soutien technique et informatique 90.5 9.5 0
* NSP : Ne s’applique pas / Ne sait pas.

L’utilisation et l’appréciation des mesures d’accommodement

Parmi les mesures d’accommodement disponibles, les cinq plus fréquemment utilisées sont : le temps supplémentaire aux examens (74,3 %), le local d’examen tranquille (68,6 %), les logiciels de correction du français (25,4 %), le preneur de notes en classe (23,3 %) et l’ordinateur portable aux examens
(20,9 %). Notons que parmi ces mesures d’accommodement, quatre concernent la passation des examens. Pour l’ensemble, un taux de satisfaction particulièrement élevé est observé. Plus précisément, 92,5 % des répondants estiment que les mesures d’accommodement utilisées dans le cadre de leurs études sont « essentielles » (74,8 %) ou « parfois utiles » (17,7 %).

Quel(s) service(s) ou aménagement(s) avez-vous utilisé?

  n %
Temps supplémentaire aux examens 310 74.3
Local d'examen tranquille 286 68.6
Logiciels de correction du français 106 25.4
Preneur de notes 97 23.3
Ordinateur portable aux examens 87 20.9
Ordinateur portable en classe 76 18.2
Enregistreuse 32 7.7
WordQ (ou autre synthèse vocale) 29 7.0
Document en format numérique 22 5.3
Dictionnaire électronique 21 5.0
Horaire adapté d’examens 20 4.8
Tutorat méthodologique 18 4.3

Les mesures d’accommodement aux examens

Le sondage a été réalisé dans une université qui prône l’inclusion des ÉSH au sein de leurs programmes d’études. Ainsi, la gestion logistique des examens n’est pas centralisée au BACSÉSH, mais assurée par les facultés et les programmes. Ceux-ci utilisent des salles aménagées pour la passation d’examens avec mesures d’accommodement ou des salles de classe permettant d’isoler les étudiants situées à proximité des classes où se déroulent les examens pour tous. De plus, le personnel administratif et le corps professoral sont impliqués dans la logistique associée aux examens. De manière générale, les ÉSH sont nombreux à se dire « en accord » avec les trois énoncés suivants : « Mes professeurs et la faculté ont bien géré mes demandes d’accommodements aux examens » (77,8 %), « L’information qui m’a été retournée concernant les examens avec accommodements était suffisamment claire et précise » (76,2 %), et « La journée de l’examen et le déroulement de l’examen avec accommodement étaient conformes à mes attentes » (73,2 %). Parmi les répondants, 21,3 % mentionnent ne pas utiliser « toutes les mesures d’accommodement inscrites dans leur lettre ». Plusieurs expliquent faire ce choix en fonction de la nature ou du degré de difficulté anticipé de l’examen.

La relation avec le corps professoral

Selon la procédure institutionnelle de l’université à l’étude, les étudiants doivent présenter leur lettre d’attestation d’accommodements scolaires à leurs professeurs pendant les deux premières semaines de cours de la session. Le corps professoral est donc renseigné sur la présence d’ÉSH dans leurs cours et sur les aménagements requis, et est tenu de respecter les services et les mesures d’accommodement recommandés. Toutefois, si l’enseignant considère que les mesures soulèvent des difficultés d’application en fonction des objectifs ou des exigences du cours, il est encouragé à discuter avec l’étudiant et le conseiller du BACSÉSH afin d’explorer des solutions alternatives. Les résultats soulignent que même si ce processus convient bien à la plupart des ÉSH (80 %), il gêne une partie de ceux-ci. En effet, certains se disent « en accord » avec les deux énoncés suivants : « Ma relation avec mes professeurs était influencée par ma limitation fonctionnelle » (24 %) et « Mes professeurs exprimaient ouvertement que les accommodements étaient une surcharge de travail pour eux » (10,6 %).

Les obstacles

Parmi les obstacles entravant le cheminement scolaire selon les ÉSH, le plus fréquemment identifié réfère aux « difficultés financières » (38,4 %). Le second concerne les « méthodes d’enseignement ou d’évaluation comme étant inadaptées à leur limitation fonctionnelle » (30 %). Parmi les différents thèmes liés aux obstacles vécus par les ÉSH, le plus fréquemment mentionné touche les « attitudes négatives des professeurs ou des étudiants à mon égard » (26,1 %). En effet, 27,8 % des répondants mentionnent « avoir hésité avant d’utiliser les services et les mesures d’accommodement disponibles au BACSÉSH » et 12,7 % des répondants déclarent n’avoir « jamais mentionné leur limitation fonctionnelle à un autre étudiant ». Finalement, il est à noter que le quart des répondants (25,2 %) estime n’avoir vécu « aucun obstacle » dans le cadre des études à l’université.

Avez-vous rencontré l’un des obstacles suivants pendant vos études ? (N=417)

n %
Difficultés financières 160 38.4
Méthodes d’enseignement ou d’évaluation inadaptées
à ma limitation fonctionnelle
125 30.0
Attitudes négatives des professeurs ou des étudiants à mon égard 109 26.1
Aucun obstacle 105 25.2
Processus pour demander des accommodements aux examens 96 23.0
Aménagement architectural de l’université 30 7.2

Les facilitateurs

Le soutien du réseau social des ÉSH ressort comme une composante principale des facilitateurs. Ainsi, les données recueillies indiquent qu’outre les mesures d’accommodement et les services d’aide de l’université, les ÉSH sont nombreux à considérer « l’ouverture et la disponibilité des
conseillers » au BACSÉSH (53,2 %), « la disponibilité et l’ouverture de mes professeurs » (47,5 %), et
« l’ouverture et la disponibilité de mes camarades de classe » (44,4 %) comme étant des facilitateurs dans le cadre de leurs parcours scolaires. Certains répondants (5,8 %) mentionnent également leur propre persévérance et le soutien de différentes personnes (p. ex., médecin, amis, famille, etc.).

 

DISCUSSION

Les obstacles

Les méthodes d’enseignement ou d’évaluation inadaptées

Devant la diversification et l’augmentation de la population étudiante, le corps professoral est confronté à de nouveaux défis. Les besoins hétérogènes des étudiants suscitent une réflexion sur les stratégies pédagogiques à privilégier [25, 61]. Toutefois, les professeurs et les chargés de cours embauchés pour leur expertise pointue dans des domaines de contenus spécialisés n’ont habituellement pas de formation spécifique en pédagogie. Ainsi, certaines méthodes classiques d’enseignement, par exemple l’enseignement magistral, semblent toujours être répandues en enseignement au postsecondaire [53]. D’ailleurs, dans le cadre de la présente étude, une proportion non négligeable des répondants (30 %) mentionne que les méthodes d’enseignement ou d’évaluation étaient inadaptées à leur limitation fonctionnelle. Le commentaire de cette répondante est éloquent :

« Lorsque je dois être passive dans un cours, j’ai de la difficulté à maintenir mon attention. J’ai besoin d’être en action. Malheureusement, la plupart des cours ne sont pas conçus dans cette optique. De plus, en raison de mon TDAH, j’ai de la difficulté avec les examens à choix de réponses. J’interprète trop et je prends en considération toutes les possibilités, ce qui m’amène parfois à la mauvaise réponse, même si je comprends très bien le concept ».

Ces méthodes classiques d’enseignement ne conviennent particulièrement pas à certains ÉSH. Afin d’éliminer certaines barrières à l’apprentissage, l’approche fréquemment préconisée doit miser sur la combinaison d’une variété de pratiques pédagogiques, comme c’est le cas de l’approche pédagogique inclusive (p. ex., le modèle de la conception universelle de l’apprentissage) [32, 53]. Cette approche, instaurée depuis quelques années dans plusieurs milieux scolaires, a permis à des chercheurs d’évaluer ses retombées auprès des étudiants et du corps professoral [5]. Ainsi, les professeurs observent généralement une amélioration de l’enseignement et une réduction des demandes de mesures d’accommodement. Pour les étudiants, cette approche contribue à améliorer le processus d’apprentissage, l’autodétermination et la motivation scolaire [5]. De manière générale, l’adaptation d’un cours selon l’approche pédagogique inclusive comporte de nombreux avantages et permet de constater une amélioration de la réussite scolaire [7]. À cet égard, plusieurs universités ont développé des formations et des ressources en ligne sont désormais disponibles gratuitement (CAST, UDL Center, UDL Universe, PCUA), contribuant ainsi au soutien du corps professoral dans l’acquisition de nouvelles stratégies pédagogiques. Ainsi, il est possible de croire qu’une promotion de ces ressources et une valorisation des expériences inspirantes pourraient constituer des mesures incitatives pour encourager le corps professoral à réviser ses pratiques pédagogiques. Cependant, force est de constater que malgré la recherche et les ressources qui appuient les changements à apporter, l’environnement pédagogique en milieu universitaire constitue un obstacle encore très présent pour la pleine participation de plusieurs étudiants ayant une limitation fonctionnelle.

La crainte d’être discriminé

Plus du quart des répondants (27,8 %) mentionnent avoir hésité avant d’utiliser les services et les mesures d’accommodement disponibles au BACSÉSH. Un motif évoqué pour expliquer cette hésitation est incontestablement la crainte d’attitudes négatives de la part du corps professoral ou des pairs, une réalité bien documentée par plusieurs auteurs [14, 20, 26, 27, 58]. Malgré la présence des ÉSH depuis plus de 20 ans dans l’université à l’étude, cette recherche réitère la perception de préjugés à l’égard des ÉSH, tant chez le personnel enseignant que chez les pairs. Ceux-ci ont des conséquences sur le parcours des ÉSH, amenant certains d’entre eux à refuser de révéler leur limitation fonctionnelle et à se priver des mesures d’accommodement. Certaines études documentent bien les attitudes discriminatoires perçues par les ÉSH [6, 24]. Par ailleurs, cette réticence à utiliser les services pour les ÉSH provient aussi d’un désir d’autonomie ou d’une crainte d’être perçu comme étant moins compétent [40, 43, 58, 60]. Ils mentionnent la crainte de vivre avec une étiquette, aux yeux des pairs, comme le témoigne ici un répondant :

« Je n’ai pas envie de recevoir des jugements ni de porter une étiquette. De plus, j’ai eu des preneurs de notes qui ont divulgué à d’autres étudiants qu’ils prenaient des notes pour moi. Je n’ai pas aimé que cette information circule. »

Ce témoignage n’est pas surprenant, considérant que 12,7 % des répondants n’ont jamais mentionné leur limitation fonctionnelle à un autre étudiant, afin d’éviter d’être jugé sur cet aspect. À l’instar de certaines études [10, 30], des répondants signalent aussi leurs préoccupations quant à la perception du corps professoral. Ils déclarent que les chargés de cours et les professeurs pourraient laisser sous-entendre un manque de compétences ou exprimer leur mécontentement envers les mesures d’accommodement. Certains répondants semblent partager cette inquiétude, puisque 10,6 % d’entre eux mentionnent que leurs « professeurs exprimaient ouvertement que les accommodements étaient une surcharge de travail pour eux ». D’ici à ce que la pédagogie universitaire soit vraiment inclusive pour tous les étudiants, la divulgation de la limitation fonctionnelle demeure le prérequis incontournable pour obtenir des mesures d’accommodement ou des services. Il s’agit donc d’un obstacle axé sur les attitudes et les facteurs socioculturels du milieu.

Les facilitateurs

Les mesures d’accommodement

L’aspect le plus examiné par la littérature scientifique [24] concerne les retombées des services et des mesures d’accommodement sur le cheminement scolaire des ÉSH. Dans le cadre de cette étude, les résultats obtenus indiquent qu’une très forte majorité (92,5 %) des répondants considèrent que les mesures d’accommodement offertes par le BACSÉSH sont « essentielles » ou « parfois utiles » dans le cadre de leurs études.

Deux répondants expliquent plus précisément les répercussions positives des mesures d’accommodement dans leurs commentaires :

« Les accommodements m’aidaient à atteindre certains de mes objectifs, par exemple, répondre à toutes les questions des examens » et « Les accommodements m’ont aidé à me rapprocher de mon plein potentiel ».

De manière générale, les retombées sont importantes pour les ÉSH. Comme le soulignent plusieurs études [13, 21, 26, 45, 54], les mesures d’accommodement permettent de consolider leur sentiment d’appartenance à la communauté étudiante et d’augmenter leur sentiment de compétence, particulièrement lors de la passation des examens. Malgré une conviction partagée par la majorité des répondants, à savoir que les mesures d’accommodement sont « essentielles » à leurs études, un désir d’autonomie domine chez certains ÉSH et celui-ci s’exprime dans leur désir d’avoir la possibilité de sélectionner précisément les évaluations dans lesquelles ils utiliseront les mesures d’accommodement. En effet, dans le cadre des examens, 21,3 % des répondants rapportent qu’ils n’utilisent pas systématiquement toutes leurs mesures d’accommodement. Par exemple, voici le commentaire consigné par un répondant : « Ça dépend du type d’évaluation, si c’est un examen à choix multiples, j’utilise seulement le temps supplémentaire et le local tranquille. Je n’utilise pas nécessairement tout le temps, ça dépend du contenu de l’examen ».

Le soutien des conseillers aux ÉSH

Un autre facilitateur couramment analysé par la littérature scientifique [24] concerne plus précisément le soutien des conseillers du BACSÉSH. Les répondants à l’étude sont nombreux à se dire satisfaits des services offerts par les conseillers (92,1 %) et à mentionner qu’un des facteurs ayant favorisé leurs parcours scolaires est « l’ouverture et la disponibilité des conseillers au BACSÉSH » (53,2 %). Ces résultats rappellent l’importance d’un accueil et d’une évaluation personnalisée des besoins des ÉSH en vue d’un plan d’intervention. Le recours à des mesures diversifiées d’accompagnement, basées sur une compréhension approfondie des besoins des ÉSH, est indissociable d’un plan d’intervention adéquat [3, 26]. Pour ce faire, un accompagnement personnalisé peut prendre plusieurs formes, comme écouter activement les besoins identifiés par l’étudiant, fournir des informations de base sur les services offerts, identifier des stratégies pour les aider à apprendre, collaborer avec le corps professoral, etc.

La relation avec le corps professoral

Enfin, le dernier facilitateur qui ressort de façon importante dans la littérature scientifique [23] concerne la qualité de la relation avec le corps professoral. Les commentaires laissés par les répondants à ce sujet sont particulièrement éloquents sur la disponibilité et l’ouverture de certains membres du corps professoral. À titre d’exemple, voici les témoignages consignés par deux répondants : « Des rencontres avaient lieu avant les examens afin de voir si j’étais bien préparé et si je comprenais bien la matière. Des professeurs me donnaient des exercices supplémentaires et j’allais les vérifier avec eux à leur bureau » et « J’ai toujours reçu les ajustements pour lesquels j’avais le droit. Aucun professeur n’a refusé. Jamais je n’ai eu de difficulté à reporter un examen. Tous mes professeurs, sans exception, étaient très compréhensifs ». En ce sens, les résultats indiquent que le tiers des répondants (33,3 %) considèrent que « leurs professeurs sont disposés à apporter des ajustements à leurs stratégies d’enseignement et d’évaluation ». Cette proportion est considérable, étant donné que 45,3 % des répondants ne se prononcent pas à cet énoncé, ce qui laisse croire qu’ils n’ont effectué aucune demande à leurs professeurs. Enfin, les répondants mentionnent certaines stratégies soutenues par l’approche pédagogique inclusive comme de bons coups : les pauses fréquentes lors d’un cours magistral, la rétroaction sur les évaluations, la clarté des démarches à réaliser pour un travail long, etc., ce qui constitue un argument supplémentaire en faveur d’investissements dans le soutien pédagogique destiné au corps professoral.

 

Conclusion

Du point de vue des ÉSH de la présente étude, il ne fait aucun doute que les répondants apprécient les services offerts et les considèrent comme légitimes, puisque 92,5 % les jugent essentiels. Ce taux élevé de satisfaction appuie les efforts déployés par le BACSÉSH de l’université à l’étude et n’indique nul besoin de restructuration majeure.

« [Le Bureau d’accueil et de soutien] permet d’obtenir du soutien dans nos démarches vis-à-vis de la faculté. Il aide à éviter des situations de détresse et d’isolement. L’aide obtenue m’a permis de reprendre et de compléter mon programme avec succès. »

Le milieu de l’enseignement universitaire se doit d’être à l’écoute des besoins exprimés par les étudiants, particulièrement si l’on considère le contexte actuel d’augmentation et de diversification de la population étudiante.

Bien que certains obstacles entravent leur parcours scolaire, une partie non négligeable de répondants (25,2 %) mentionnent n’avoir vécu aucun obstacle pendant leurs études. Pour certains, cette situation s’explique probablement par la combinaison de plusieurs facilitateurs tels que l’utilisation des mesures d’accommodement, le soutien du réseau social, l’utilisation d’aides technologiques et de stratégies compensatoires. De plus, les résultats obtenus soulignent également que les attitudes positives du corps professoral et les stratégies pédagogiques inclusives sont des enjeux déterminants pour les ÉSH. Ces enjeux mériteraient que l’on s’y attarde davantage, puisqu’ils contribuent à favoriser leur sentiment d’appartenance à la communauté universitaire et favorisent l’apprentissage pour l’ensemble de la population étudiante.

Cliquez ici pour accéder aux références pour cet article

Pour en savoir plus, consultez l’article complet publié par la Revue canadienne de l’éducation

Cliquez ici pour accéder les ressources supplémentaires pour appuyer la transition aux études postsecondaires

Anne-Louise Fournier œuvre en lien avec la réussite scolaire au Centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval depuis 1991. D’abord à titre de psychologue en consultation individuelle et ateliers de groupe, puis en 1998, elle devient coordonnatrice des Services aux étudiants en situation de handicap. Elle a contribué au développement de guides pédagogiques et d’outils de sensibilisation destinés au personnel enseignant et à l’adoption de bonnes pratiques en terme d’aménagements scolaires pour soutenir les étudiants en situation de handicap et leur permettre d’offrir leur plein potentiel. Depuis 2010, elle participe à un groupe international d’échanges concernant les nouveaux handicaps et les nouveaux défis sous l’angle d’une réalité comparée.

Bruno Hubert est agent de recherche et de planification pour le secteur ACSESH de l’Université Laval. Il possède cinq années d’expérience à faire rayonner le savoir et les expériences des intervenants du milieu scolaire et des chercheurs par l’entremise des projets du Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). Monsieur Hubert est détenteur d’un baccalauréat en sociologie et d’une maîtrise en pratiques de recherche et action publique de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).