La question ci-dessous a été reçue pendant le webinaire TA@l’école, « L’orthophoniste dans la classe de mathématiques – Stimuler le potentiel des apprenants en mathématiques grâce à la collaboration entre professionnels de l’enseignement et orthophonistes »; cliquer ici pour accéder à la transcription du webinaire.
Où qu’ils exercent – école, pratique privée, réseau thérapeutique de l’enfant – les orthophonistes peuvent aider un élève à acquérir des compétences en numératie. La première étape est la communication : avec l’enseignant de l’élève, l’orthophoniste du conseil scolaire (si le client est vu en privé) et les parents. Renseignez-vous sur les sujets abordés dans la classe de mathématiques de l’élève et harmonisez les objectifs du langage (le vocabulaire, par exemple) et du fonctionnement exécutif avec le programme d’enseignement.
L’enseignement du vocabulaire est souvent le « moyen le plus rentable » d’aider un élève ayant des troubles d’apprentissage (TA) à acquérir des compétences en numératie. Un élève aux prises avec des TA doit être exposé cinq fois plus souvent à un nouveau terme pour l’assimiler (Oral Language At Your Fingertips: Kindergarten and the Primary Grades, 2014). Que l’orthophoniste travaille avec l’élève dans un environnement extra-scolaire ou dans le cadre d’activités intégrées au programme d’enseignement, ce surplus de temps accordé à l’élève et à la pratique du vocabulaire sera bénéfique. Outiller les parents et les familles afin qu’ils puissent poursuivre le travail d’acquisition du vocabulaire contribuera aussi à répondre à la nécessité pour l’élève de multiplier les occasions d’exposition au vocabulaire. L’orthophoniste peut aider l’élève à élaborer ses propres définitions des termes mathématiques à l’aide de représentations et de matériel de manipulation. Bien souvent, le langage des mathématiques ne fait pas partie du vocabulaire quotidien d’un élève; aussi la définition élaborée par l’élève permettra-t-elle à l’apprenant de rendre le vocabulaire propre au sujet plus intéressant et accessible. L’orthophoniste peut également utiliser les travaux scolaires de l’élève pour s’assurer qu’il comprend le langage et la grammaire dans les problèmes écrits, puis résoudre au passage certaines difficultés en se servant du matériel pertinent pour l’élève.
Si l’orthophoniste a la chance de travailler dans la classe de mathématiques, il importe de faire valoir, auprès de la direction de l’école et de l’orthophoniste en chef du conseil scolaire, que la planification et la mise en œuvre efficaces d’une leçon collaborative nécessitent du temps. Idéalement, la prestation d’un tel service comprend des leçons coplanifiées et coenseignées à toute la classe par les deux professionnels, et des séances en petits groupes dirigées par l’orthophoniste hors de la salle de classe (Throneberg et coll., 2000). Et, même si cela ne fait pas partie des modèles de services d’orthophonie offerts dans un grand nombre d’écoles, des occasions d’interactions en tête-à-tête pour les élèves qui ont besoin d’une plus grande attention seraient la cerise sur le gâteau!
Dans quelle mesure le fonctionnement exécutif entrave-t-il l’apprentissage des mathématiques des élèves ayant des troubles d’apprentissage et que peut faire un orthophoniste pour aider?
Les fonctions exécutives sont des groupes de processus cognitifs qui nous permettent de réagir avec une certaine souplesse à notre environnement et d’amorcer délibérément une réflexion et une action orientées vers l’atteinte d’objectifs précis. Autrement dit, ces processus font que VOUS êtes aptes à vous prendre en charge VOUS-MÊMES. Les aptitudes essentielles au développement des compétences en mathématiques sont le transfert (pensée flexible), l’impulsivité et l’inhibition (suppression de l’information distrayante et des réactions involontaires), ainsi que la mémoire de travail (surveillance et manipulation de l’information en tête). Lorsqu’il est question des troubles d’apprentissage du langage, le noyau du problème est la mémoire de travail. De fait, le processus qui sous-tend la mémoire de travail est l’attention. Songez que plus de la moitié de tous les enfants aux prises avec un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) présentent des troubles d’apprentissage connexes, et que 60 % à 80 % des enfants avec un TDAH souffrent aussi de problèmes de santé mentale, par exemple, d’anxiété, de dépression, de trouble oppositionnel avec provocation, de trouble du comportement ou de trouble d’intégration sensorielle (ADHD Comorbidity, n.d.) (Kars4Kids Smarter Parenting, n.d.).
L’orthophoniste a reçu une formation spécialisée dans la prise en charge des déficits du fonctionnement exécutif. En outre, comme il fait souvent partie d’une équipe d’intervenants dont la profession est réglementée (ergothérapie, physiothérapie, psychologie, etc.), il peut jeter un éclairage multidisciplinaire sur les besoins d’apprentissage des mathématiques d’un client. En présence d’un élève qui éprouve des difficultés liées au fonctionnement exécutif, il est fréquent que ces autres professionnels soient déjà intervenus; il est alors très utile de consulter le dossier scolaire de l’Ontario (DSO) et de discuter avec les parents pour mettre en œuvre les stratégies qui répondront aux besoins de l’élève. En général, un orthophoniste sera en mesure d’analyser l’environnement d’apprentissage – ce qui inclut une analyse quantitative et typologique du langage utilisé dans la leçon – et de travailler pour soutenir l’élève qui a des lacunes au niveau de l’attention, de la mémoire et du traitement de l’information. L’orthophoniste peut épauler l’élève en élaborant une approche qui lui permettra de gérer et (espérons-le) de résoudre le problème de mathématiques. Cela peut inclure une liste de vérification personnelle pour aider à résoudre les problèmes comportant plusieurs étapes. L’orthophoniste peut aussi modéliser le dialogue intérieur (souvent un défi pour les apprenants ayant des TA) pour s’assurer que l’élève analyse, inhibe certaines informations et applique la pensée critique. L’orthophoniste peut aussi aider l’élève à faire valoir ses besoins pour son apprentissage personnel (p. ex., une calculatrice, un peu plus de temps, des feuilles quadrillées, des marqueurs de couleur pour surligner les mots clés, du papier pour aider à inhiber l’information visuelle sur la page, etc.).
Sabrina O’Keefe est orthophoniste. Elle exerce en pratique privée dans les régions de Dufferin et Peel. Diplômée de l’Université de Toronto, elle soutient depuis dix-sept ans les enfants qui ont des besoins en orthophonie et leurs familles. Pendant deux ans, Sabrina a travaillé à titre contractuel pour le Trillium Demonstration School, un programme de pensionnat spécialisé pour les élèves de la 7e à la 11e année aux prises avec des troubles d’apprentissage marqués. Au Trillium, Sabrina a travaillé en collaboration avec le personnel enseignant à l’intégration des objectifs d’apprentissage de la parole et du langage aux activités de la salle de classe.
Travaux cités :
« ADHD Comorbidity » (n.d.). En ligne : https://www.mentalhelp.net/adhd/and-comorbidity/?fbclid=IwAR0XFueMHB-suE0MPlWaNxY616VE-FKl2JFgGslNtzanC_qFGrHJpEr7jlE [Consulté le 20 mars 2019.]
« Comorbidity and ADHD: It’s Not Just About ADHD » (n.d.). En ligne : https://www.kars4kids.org/blog/disabilities-differences/add-adhd/comorbidity-adhd-not-just-adhd/ [Consulté le 18 mars 2019.]
« Oral Language At Your Fingertips: Kindergarten and the Primary Grades », Association ontarienne des orthophonistes et audiologistes, 2014 (p. 38-39).
Throneberg R.N., Calvert L.K., Sturm J.J., Paramboukas A.A., Paul P.J. (2000). « A Comparison of Service Delivery Models Effects on Curricular Vocabulary Skills in the School Setting ». American Journal of Speech Language Pathology, vol. 9: p. 10-20.
Références :
Grenier, S. (2005). Le développement de la connaissance lexicale et des habiletés de narration chez des élèves francophones et des élèves allophones de la maternelle. Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval dans le cadre du Programme de maîtrise en linguistique pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.), Département de langues, linguistique et traduction, Faculté des lettres et des sciences humaines, Université Laval, Québec.
Kame’enui, E.J. et Baumann, J.F. (rédacteurs) (2012).
Vocabulary Instruction: Research to Practice, (2e édition). Guilford Press.
Beck, I.L., McKeown, M.G., et Kucan, L. (2002). Bringing words to life: Robust vocabulary instruction. New York/London: Guilford Press.
Beck, I.L., McKeown, M.G., et Omanson, R.C. (1987). « The effects and uses of diverse vocabulary instructional techniques », dans M.G. McKeown et M.E. Curtis (rédacteurs), The nature of vocabulary acquisition (p. 147-163). Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum.
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