Par Allyson Cousineau-Grant et Nathalie Paquet-Bélanger
Le plan d’enseignement individualisé (PEI) est un levier incontournable pour la réussite d’un élève ayant des troubles d’apprentissage en décrivant notamment les adaptations qui répondent à ses besoins. Ces stratégies pédagogiques, environnementales et d’évaluation révèlent un caractère essentiel afin de lui permettre d’apprendre et démontrer ses apprentissages. Il importe de se rappeler que le PEI constitue également “un instrument de responsabilisation pour l'élève, ses parents et toute autre personne qui, selon le PEI, est chargée d'aider l'élève à répondre à ses attentes d'apprentissage pour atteindre ses buts, alors que l'élève progresse à chaque étape du curriculum de l'Ontario.” (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2004, Guide Plan d’enseignement individualisé, p. 7). Au-delà du processus pour la mise en place du PEI, certaines pratiques favorisent la collaboration entre l’équipe-école et la famille et ainsi augmentent l’impact des mesures utilisées.
Une vision partagée entre la famille et l’école sur les défis prioritaires de l’enfant en classe constitue un levier important pour l’adhésion de l’élève et le suivi à la maison des moyens inscrits à son PEI. Il importe de se rappeler que le PEI ne constitue pas une évaluation exhaustive des points forts et des besoins de l’enfant ni une liste de toutes les stratégies utilisées pour enseigner dans la classe. Il doit cibler l’essentiel qui sera travaillé à l’école. En ce sens, les pratiques suivantes demeurent de bons exemples pouvant facilement être mis en œuvre pour soutenir la participation des parents.
La préparation du parent
Le PEI ne peut être familier aux parents qui apprennent pour la première fois que leur enfant nécessite l’appui d’un tel document. Lorsque l’équipe-école annonce aux parents son intention d’élaborer le PEI pour répondre aux besoins de son enfant, celui-ci peut générer deux profils d’émotions opposés. Pour certains parents, ce sera une reconnaissance des besoins particuliers de leur enfant. Les parents peuvent se sentir soulagés et épaulés. Pour d’autres, cette démarche peut causer de la déception face aux difficultés de leur enfant, susciter de la contrariété et même représenter un échec. Pour ces raisons, il importe d’inviter les parents à participer dans le processus de l’élaboration du PEI. En effet, c’est une occasion idéale pour démontrer aux parents à quel point l’équipe-école connaît bien leur enfant (à l’aide de preuves, p.ex. en partageant une anecdote montrant de beaux moments entre un membre du personnel et l’enfant). D’ailleurs, une invitation plus personnelle, de vive voix, va permettre rapidement d’identifier le profil du parent et s’assurer d’ajuster les actions en conséquence. De plus, le temps consacré à informer les parents sur ce qu’est un PEI et à écouter leurs craintes et leurs appréhensions diminue grandement l’anxiété ressentie face à cette démarche officielle et favorise leur participation active lors du processus en entier. D’ailleurs, c’est le moment opportun pour l’équipe-école de demander aux parents ce qu’elle recherche comme information. Ainsi, les parents peuvent se sentir valorisés et écoutés étant donné que leur input est considéré.
En tout temps, le professionnel de l’enseignement doit s’assurer de la compréhension juste des parents à propos des embûches vécues par leur enfant à l’école. Il peut être complexe pour une personne ne travaillant pas en éducation de comprendre l’impact de certains comportements ou difficultés sur les apprentissages, mais aussi sur le cheminement. Également, il faut veiller à ce que les termes plus spécifiques à l’éducation (PEI, attentes modifiées, plan de transition, niveau de rendement, etc.) aient un sens pour le parent.
Finalement, si le contexte le permet, laisser un moment aux parents et à l’enfant à se familiariser avec une version préliminaire du PEI. Ceci va certainement contribuer à une participation plus active lors de la rencontre puisque les parents peuvent digérer l’information essentielle au préalable, sans souci, et noter leurs questions si tel est le cas. Ceci permet aux parents d’arriver à la rencontre avec un sentiment d’engagement dans le processus de l’élaboration du PEI et d’inclusion auprès de l’équipe qui accompagne leur enfant. Il est facile d’en augmenter l’impact en proposant quelques questions dirigées : « qu’est-ce qui fonctionne bien pour toi ? », « qu’est-ce que tu voudrais changer à l’école? », « quelle tâche scolaire, et pas seulement une matière, est difficile pour toi? ». Sinon, offrir une activité préparatoire signifiante à vivre à la maison permet aux parents et à l’enfant d’avoir une discussion balisée sur les forces et les besoins, mais aussi sur les différentes stratégies qui semblent les plus gagnantes. Cela peut prendre le format d’une grille d’autoévaluation sur l’utilisation des adaptations ou un questionnaire touchant la connaissance de soi. En plus de susciter l’engagement dans la démarche du PEI, cela contribuera au développement de l’autodétermination de l’enfant, facteur majeur de succès lors des transitions scolaires.
Les modalités de la consultation du parent
Il est essentiel d’impliquer le parent dans le processus de l’élaboration du PEI. Ceci peut se faire en ciblant un temps de rencontre avec les parents pour discuter du profil de leur enfant, de leurs préoccupations, de leurs souhaits, de leur rôle et des prochaines étapes. D’ailleurs, c’est un moment opportun pour l’équipe-école et les parents de collaborer pour élaborer un document qui comprend les renseignements pertinents qui proviennent de ces deux sources essentielles. Il est remarqué qu’il est de plus en plus courant de vivre les rencontres de PEI avec les parents en mode virtuel. Le choix des modalités devrait toutefois être discuté avec la famille et ne pas être considéré par défaut. Le mode virtuel peut faciliter la participation des deux parents en éliminant les contraintes liées au transport et à l’horaire. En outre, certains élèves se sentiront peu interpellés lors de rencontres virtuelles, et resteront passifs. D’autres élèves, pour lesquels un cadre plus formel engendre de l’anxiété ou un surplus de stimulus sensoriels, pourraient plutôt bénéficier d’une participation en mode virtuel. Il s’avère alors essentiel de considérer les différents facteurs pertinents au contexte donné pour cibler la modalité la plus appropriée pour la famille ou l’élève.
Pareillement, il peut être pertinent de regrouper certains élèves plus âgés utilisant des adaptations technologiques, pour une rencontre plus ciblée sur l’optimisation de ces moyens. Dans un climat favorable, le professionnel de l’enseignement veillera à développer l’autodétermination des élèves par la reconnaissance des situations d’émergence de besoins et le partage de stratégies d’atténuation d’impacts. Ainsi, l’élève sera plus en mesure d’identifier les différentes possibilités et de faire son propre choix.
La présentation du PEI
Pour soutenir la compréhension des parents et de l’élève, le recours au visuel constitue une pratique gagnante. Énormément de jargon et de mots sont échangés lors des rencontres de PEI, ce qui peut mener à des moments d’incertitude, de confusion ou d’inattention. Ainsi, certains élèves ayant des TA, et même des parents, peuvent avoir de la difficulté à maintenir leur attention ou à dégager le sens d’un discours verbal prolongé. Que ce soit un organisateur graphique ou une métaphore imagée, un soutien visuel allégera la compréhension du discours et créera une ancre mentale pour représenter des concepts plus abstraits, tels que la différenciation pédagogique. L’image des trois enfants regardant la partie de baseball illustrant l’équité par rapport à l’égalité est généralement appréciée pour comprendre la notion de besoin et de moyens qui s’avèrent différents d’une personne à l’autre.
Ces pratiques contribueront certainement à créer un climat constructif entre l’école et la maison dans la démarche du PEI.
Ainsi, l’élaboration du PEI est un processus essentiel au cheminement continu de l’élève ayant des besoins particuliers. Il importe d’impliquer, d’inclure et de soutenir les parents tout au long de ce processus afin d’assurer leur compréhension et leur aisance dans l’appui fourni par les professionnels de l’éducation. Les suggestions et les stratégies proposées cherchent à faciliter la collaboration entre les parents et l’équipe-école, et à s’assurer que les parents se sentent engagés, écoutés et valorisés dans cette étape si importante de la vie scolaire de leur enfant.
Ressources :
Alloprof Parents, À quoi sert le plan d’intervention : https://www.alloprof.qc.ca/fr/parents/articles/difficultes-ecole/a-quoi-sert-plan-d-intervention-k1280?gclid=EAIaIQobChMIx9nNtay09gIVociUCR1m8QBuEAAYBCAAEgL58_D_BwE
Alloprof Parents, Guide pour la préparation d’un plan d’intervention :
https://cms.alloprof.qc.ca/sites/default/files/2021-02/guide-preparation-plan-intervention.pdf
TA@lecole, Le soutien au développement de l’autodétermination :
https://www.taalecole.ca/le-soutien-developpement-autodetermination/
Depuis plus de 14 ans, Allyson Cousineau Grant œuvre au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) travaillant auprès d’enfants et d’adolescents ayant des difficultés identifiées sur le plan de la parole, du langage, de la lecture et de l’écriture. Elle offre également des services d’évaluation et d’intervention auprès d’enfants d’âge préscolaire et scolaire en cabinet privé. Dans ces contextes variés, elle collabore avec le personnel enseignant et les techniciennes et techniciens en éducation spécialisée (TES) afin de les accompagner en salle de classe dans leurs interventions auprès des élèves ayant des besoins particuliers. Cette forte collaboration lui permet de reconnaître et d’intégrer les stratégies gagnantes pour appuyer ces élèves. Dans les dernières années, elle a eu l’occasion d’offrir les cours de Troubles du développement du langage en milieu scolaire, de Développement typique de la communication, et de Troubles de la communication liés aux troubles de l'audition du programme de Maîtrise en orthophonie à l’Université d’Ottawa. De plus, depuis quelques années, elle offre le cours Développement de la lecture et de l’écriture, évaluation et intervention en milieu francophone, en ligne, pour l’Université de l’Alberta. Ses champs d’intérêts comme orthophoniste sont nombreux, mais Allyson mise ses efforts sur les troubles du langage, de la lecture et de l’écriture ainsi que la communication suppléante et alternative
Nathalie Paquet-Bélanger est spécialiste francophone des troubles d’apprentissage au sein de l’équipe TA@l’école. Elle est titulaire d'une maîtrise en sciences de l’éducation et d’un baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale (UQAR) et d’un certificat en intégration des technologies informatiques en éducation (TÉLUQ). Elle est chargée de cours dans le domaine de l’intégration des TIC en enseignement. Elle exerce principalement en tant qu’orthopédagogue à la Polyvalente de Charlesbourg et apprécie grandement ce travail auprès d’adolescents ayant différents troubles d’apprentissage. Nathalie est très heureuse de joindre ses forces à la belle équipe de TA@l’école et de réseauter avec des enseignantes et des enseignants qui ont à cœur la réussite des élèves ayant des TA.
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