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Julie Myre-Bisaillon, Annick Tremblay-Bouchard, Carole Boudreau, Véronique Parent et Anne Rodrigue

Image d'un Enfant avec un livre sur sa tête

Les capacités reliées à l’analyse phonémique qui permettent aux enfants d’identifier et de manipuler des composantes du langage oral sont essentielles dans l’apprentissage de la lecture (Gombert, 1992; dans INSERM, 2007). Malheureusement, chez les élèves ayant des troubles de la lecture, les tâches reliées à ces capacités sont souvent celles qui se révèlent avoir les scores les plus faibles (Bruck, 1992; Fawcett et Nicholson, 1994, Wimmer, 1993; dans INSERM, 2007). C’est pourquoi il est important de remédier à ces lacunes par un entrainement approprié.

Contexte de la recherche

Le programme présenté dans cet article a été adopté en raison de son potentiel pour résoudre les problèmes d'acquisition de la lecture liés à un déficit phonologique. En effet, il tente de répondre à la base des déficits d’analyse phonémique persistants afin que le transfert de l'apprentissage puisse être facilité par l’enseignement de la reconnaissance de mots. Par le biais de l’enseignement direct, le PHAB-DI utilise une approche axée sur un entrainement à la segmentation des mots et à la fusion phonémique dans le but de former des mots.

Basé en partie sur le matériel développé par Englemann et ses collègues (1988) de l’université de l’Oregon, Lovett, Steinbach et Frijters (2000) ont développé le PHAB-DI, acronyme de Phonological Analysis and Blending- Direct Instruction. Ces derniers ont étudié les effets de ce programme auprès de 166 sujets âgés entre 7 et 13 ans issus de la ville de Toronto au Canada. L’entrainement était d’une durée totale de 35 heures réparties à raison de quatre rencontres par semaine d’une période de 60 minutes chacune. L’enseignement se faisait par petit groupe, c’est-à-dire avec deux ou trois élèves pour un enseignant.

Description de l’approche

Cet entrainement est inspiré du programme Reading Mastery Fast Cycle I/II (Engelmann & Bruner, 1988) et du programme Corrective Reading program (Engelmann, Carnine, & Johnson, 1988). Le PHAB-DI emprunte leur méthode d’enseignement en ce qui a trait à la correspondance graphèmes-phonèmes. Pour ce faire, les sons des lettres sont introduits dans un ordre spécifique qui est détaillé dans les programmes d’Engelmann et de ses collègues (1988). Ils sont enseignés et évalués de manière cumulative plutôt que simultanée afin que tous les enfants aient la chance d’acquérir un son à la fois et de conserver ses apprentissages. La segmentation et la fusion phonémique sont les deux stratégies qui sont utilisées pour travailler les sons.  Les premières leçons de ce type d’entrainement se concentrent particulièrement sur celles-ci et se font surtout à l’oral. Comme activité secondaire, la structure attaque-rime des syllabes est travaillée pour les consonnes « c », » « p », « d » et « g » afin de faciliter un certain degré de transfert.  En ce qui concerne les mots écrits, ils sont introduits plus tard dans le programme.

Dans le but d’enseigner la segmentation de phonèmes, l’enseignant montre aux élèves comment prononcer chaque son d’un mot. L’enfant doit dire les sons les uns après les autres, de gauche à droite. Il est important qu’il puisse entendre tous les sons individuellement afin qu’il prenne conscience des unités multisyllabiques dans les mots à l’oral. Pour ce qui est de la fusion phonémique, l’enseignant doit montrer à l’enfant à combiner les sons pour former des mots. Par exemple, l’élève devra combiner les sons / i / l / e /  pour former le mot « île ».  Ici, l’accent est particulièrement placé sur les plus petites associations entre phonème.

Au moment où les mots écrits sont introduits dans les leçons, ils sont pratiqués en assemblant différents sons initiaux appris à l’oral avec la fin des mots, par exemple la rime, vus aussi à l’oral. Afin de mieux maîtriser ces mots, une orthographe spéciale est utilisée prenant exemple sur les programmes d’Engelmann et de ses collègues (1988). Celle-ci prendra la forme de différents symboles placés sur quelques lettres telles que les longues voyelles. Aussi, des variations de taille de lettre et des reliures entre des lettres peuvent être utilisées afin de faciliter l’apprentissage initial.

Comme ce programme d’entrainement à l’analyse phonémique respecte les critères généraux de l’enseignement direct, les leçons données sont très structurées et les sons travaillés sont enseignés dans un ordre spécifique se conformant ainsi à la progression des étapes planifiées. Tout au long du programme, de nombreuses révisions des routines sont effectuées de manière cumulative et la pratique des stratégies est mise de l’avant. En effet, chaque leçon inclut la pratique des stratégies à l’oral contextualisée par la lecture de texte comprenant un vocabulaire contrôlé. L’annexe 1 présente un tableau qui fournit des exemples du programme PHAB-DI et qui le compare à d’autres programmes d’identification des mots écrits.

Appuis relatifs à l’efficacité de l’approche

Avant et à la suite des 35h d’entrainement phonologique, les participants de l’étude ont passé une batterie de tests touchants l’habileté à identifier des mots qui permettait d’évaluer le transfert des apprentissages à l’aide de mots réels non-entrainés et de pseudo-mots. Aussi, les mesures d’entrainement ont été évaluées à partir de trois tests qui visaient à mesurer l’identification des lettres reliées à un son dans un mot.  De plus, un autre test permettait d’évaluer l’utilisation de mots clés lors de la lecture de nouveaux mots. À la lumière de ces nombreuses épreuves, plusieurs progrès significatifs ont été observés quant aux  résultats du groupe entrainé avec le programme PHAB-DI comparé et le groupe contrôle. En effet, les mesures d’entraînement, les mesures phonologiques et l’identification de pseudo-mots ainsi que de mots réels se sont grandement améliorées suite à l’entrainement. Il y a aussi eu une amélioration de 30% dans les scores reliés aux tâches d’identification de mots. En outre, le traitement s’est avéré positif au niveau du transfert des connaissances surtout sur le plan de la généralisation liée au domaine des compétences phonologiques.

Conclusion

En conclusion, cette étude révèle plusieurs améliorations significatives et des pratiques qui peuvent donc améliorer le déficit de l’analyse phonologique présent chez plusieurs enfants dyslexiques. La segmentation des mots et la fusion phonémique permettrait aux enfants ayant des troubles de lecture d’améliorer leur capacité à identifier les mots écrits. L’annexe 1 propose une liste Afin d’obtenir des activités.

Références

Myre-Bisaillon, J. (2004). L'identification des mots écrits chez des enfants dyslexiques de deuxième et troisième cycles du primaire: Évaluation des effets d'un programme d'intervention en fonction des différents profils de dyslexie. Université de Sherbrooke.

Bruck, M. (1992). Persistence of dyslexics phonological awareness deficits. Development Psychology, 28, 874–886.

Engelmann, S. et Bruner, E. C. (1988). Reading Mastery I/II Fast cycle: Teacher‘s guide. Chicago: Science Research Associates, Inc.

Engelmann, S. Carnine, L. et Johnson, G. (1988). Corrective Reading: Word Attack Basics, Decoding A. Chicago: Science Research Associates, Inc.

Fawcett, A.J. et Nicolson. R.I. (1994). Persistence of phonological awarness deficit in older children with dyslexia. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal, 7, 361-376.

Gombert, J.E. (1992). Metalinguistic development. London: Harvester Wheatsheaf.

INSERM. (2007). Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie: bilan des données scientifiques.

Lovett, M. W., Barron, R. W., & Friiters, I. (2013). Word identification difficulties in children and adolescents with reading disabilities. Handbook of Learning Disabilitie, 329-360.

Lovett, M. W., Steinbach, K. A., et Frijters, J. C. (2000). Remediating the core deficits of developmental reading disability: A double-deficit perspective. Journal of Learning Disabilities, 33(4), 334-358.

Wimmer, H. (1993). Characteristics of developmental dyslexia in regular writing system. Applied Psycholinguistics, 14, 1-33.

Ressources pratiques

La conscience phonologique – Activités à effectuer en classe ou à la maison est en guide pour les parents, les enseignantes et les enseignants. L’auteure est enseignante à l’ESPE de l’Université de Strasbourg. Cliquez ce lien pour accéder ce guide.

La ressource, Activités pour développer la conscience phonologique, était développée à l’Université Laval par le département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage. Cliquez ici pour accéder ce ressource.

Un récent projet de programmes pour l'école maternelle afin d'améliorer la conscience phonologique pour les élèves aux préscolaire. Cliquez ici pour accéder à un document.

Carrefour éducation offre toutes sortes de références et de liens vers d’autres sites internet au sujet de la conscience phonologique. Cliquez ici pour accéder au site Web. 

Atelier.on.ca est un site Web qui présente des ressources spécifiquement pour les professionnels de l’enseignement de l’Ontario. Cliquez ici pour accéder une module pour les enseignants de la maternelle jusqu’à la troisième année au sujet de la conscience phonologique.

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Image du tableau Annexe 1

Cliquer ici pour avoir accès à un tableau de comparaison des programmes d'intervention préparé par Julie Myre-Bisaillon.

horizontal line tealJulie Myre-Bisaillon est professeure Titulaire au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale à la Faculté d’Éducation de l’Université de Sherbrooke.  Elle est responsable du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), équipe de recherche qui regroupe une vingtaine de chercheurs.  Ses intérêts de recherche portent sur l’adaptation de l’enseignement pour les élèves en difficulté, dans des approches par projet à partir de la littérature jeunesse et dans une perspective de multidisciplinarité de même que sur l’éveil à la lecture et à l’écriture dans les milieux défavorisés.  Elle a enseigné au secondaire et a fait de l’intervention orthopédagogique. 

Carole Boudreau est professeure au Département d’études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’université de Sherbrooke. Avant d’occuper ce poste, elle a été orthopédagogue en milieu scolaire, conseillère pédagogique en déficience auditive et agente de projets à la Direction de l’adaptation scolaire au ministère de l’éducation du Québec. Ses intérêts de recherche portent sur les difficultés en lecture et en écriture, ainsi que sur les pratiques orthopédagogiques. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).

Véronique Parent est psychologue et professeure au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke. Ses intérêts de recherche portent sur les troubles cognitifs liés aux troubles d’apprentissage et d’adaptation. Elle s’intéresse également à l’utilisation d’interventions novatrices dans le milieu scolaire afin de favoriser le développement du potentiel d’apprentissage des élèves en difficulté, dont l’utilisation de programmes d’entrainement cognitif.  Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).

Anne Rodrigue est étudiante au doctorat au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’Université de Sherbrooke. Orthopédagogue de formation, elle partage son temps entre la recherche à l’université et la pratique en milieu scolaire depuis plus de 10 ans.

Annick Tremblay-Bouchard est étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation axée dans le domaine de l’adaptation scolaire à l’Université de Sherbrooke. Enseignante au primaire de formation, elle se spécialise auprès des élèves ayant un handicap auditif.