Par: Idrine Matenda-Zambi
Depuis plusieurs années, le portrait sociodémographique de nos communautés scolaires est en constante évolution. Beaucoup de régions qui jadis n’avaient pas de diversité ou en avaient moins sont devenues riches d’une multitude de cultures. Cette diversité s'étend désormais dans nos écoles et dans nos salles de classe un peu partout en Ontario. Même dans un contexte minoritaire, notre francophonie est de plus en plus diversifiée et plurielle. Le dernier recensement de Statistique Canada souligne que 37,5 % des enfants de moins de 15 ans résidant au Canada avaient au moins un parent né à l’étranger, ce qui représente près de 2,2 millions d’enfants. Les études projettent que d’ici à 15 ans, les enfants issus de l’immigration pourraient constituer de 39 % à 49 % de la population totale d’enfants au Canada.
Diversité
Historiquement, la prise en compte de la diversité n’a pas commencé aujourd'hui. Elle a évolué au fil du temps. La période précédant les années 60 a été surtout caractérisée par des inégalités de tous genres. Les hommes de race blanche dominaient la société et celle-ci était principalement organisée autour de leurs besoins et de leurs intérêts. La période entre les années 60 et les années 90 a connu des avancées importantes en matière de diversité. La diversité a été davantage reconnue dans notre société au travers de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela a renforcé la notion d’égalité des droits et des responsabilités qui s’appliquent dorénavant à toutes et à tous. La promulgation de cette Charte a eu pour effet d’instaurer et de renforcer le multiculturalisme, ce qui a mené à plus d’équité dans notre pays.
La stratégie d’équité et d’éducation inclusive lancée par le ministère de l’Ontario en 2009 dans les écoles de l’Ontario a été mise en place pour aider à identifier et à éliminer les biais et les discriminations systémiques dont faisaient l’objet les groupes minoritaires et marginalisés de l’Ontario.
Cliquez ici pour afficher le PDF: Stratégie Ontarienne d'équité et d'éducation inclusive.
Cette stratégie avait pour objectif de favoriser le bien-être de tous les élèves. L’autre objectif était que tous les élèves, parents et autres membres de la communauté scolaire soient acceptés, respectés et soutenus. La loi 13 est entrée en vigueur en 2012, modifiant ainsi la Loi sur l'éducation en ce qui a trait à l'intimidation et à la discrimination dans nos écoles.
Un document complémentaire a été publié en 2014 afin de développer les politiques établies dans le document de 2009 et de fournir des méthodes spécifiques pour mettre en œuvre ces politiques contre l’intimidation et la discrimination.
Cliquez ici pour consulter le document: Équité et éducation inclusive dans les écoles de l’Ontario
De nos jours, dans les écoles et dans les salles de classe, nous aspirons plutôt à instaurer des approches et des pratiques axées sur l’inclusion. Souvent, ces concepts sont utilisés comme s'ils étaient similaires et interchangeables. Pourtant, ils ne le sont pas. L’égalité implique que les élèves soient traités de la même manière et que les différences soient ignorées. L’équité, quant à elle, vise à s'assurer que tous les élèves aient les mêmes chances de réussite en dépit de leurs différences. L'inclusion va encore plus loin. Elle vise à ce que tout le monde ait sa place.
Ce concept exige l’établissement d’une atmosphère où chaque élève se sent bien accueilli, respecté et apprécié à sa juste valeur pour pouvoir participer pleinement à son apprentissage au mieux de ses capacités et de ses aptitudes. Cela nécessite aussi que les besoins de chaque élève soient reconnus et que les conditions adéquates soient établies pour que chaque élève ait la possibilité d’affirmer sa personnalité et de faire profiter de ses idées, de ses expériences et de ses talents à ses pairs et à sa communauté.
Pédagogie adaptée et sensible à la culture
En tant que personnel éducatif, une pédagogie adaptée et sensible à la culture est un impératif moral non négociable. Cela va au-delà de la simple connaissance des élèves et de la célébration de leur culture. C'est une idée qui peut parfois rester symbolique dans quelques cas. « Célébrer la diversité » n’est tout simplement pas suffisant. Nous devons aller au-delà des symboles. Nos élèves méritent tellement mieux.
Enseigner avec sensibilité veut dire comprendre l'humanité de l'élève, tout son être, ses expériences et surtout la manière dont tous ces éléments importants peuvent éclairer notre enseignement et avoir un impact sur son apprentissage. Comme nous pouvons le constater, le simple fait de connaître nos élèves ne suffit pas. C'est ce que nous faisons avec ces connaissances pour avoir un impact sur leur parcours éducatif et activer un apprentissage authentique qui compte le plus. Nous devons donc créer des activités d'apprentissage rigoureuses pour chaque élève qui franchit la porte de nos salles de classe.
Il s'agit aussi de garder constamment les élèves au centre de nos apprentissages et d'évaluer l'efficacité de nos efforts en tant que pédagogue. Savez-vous quel est l'impact de notre réactivité culturelle sur les performances sociales et scolaires des élèves ? Comment mesurons-nous cela?
Il est alors impératif de connaître notre position dans le monde et comment nous nous présentons devant nos élèves parce que nous projetons inconsciemment notre personne et notre vécu. Nous le faisons au travers de nos plans de cours, des images que nous choisissons d'accrocher sur nos murs, au travers de la musique que nous choisissons de jouer pendant que nos élèves travaillent, et dans chacune de nos interactions avec eux. La pédagogie adaptée et sensible à la culture est un enseignement pertinent, l'idée ici est d’abandonner ce que nous avons « toujours fait » pour que l'apprentissage corresponde à ce que les élèves font aujourd'hui. Ce type d'enseignement a un impact différent auprès des élèves et les stimulent davantage. Lorsque des liens avec l'apprentissage sont établis, de vrais liens, l'apprentissage est plus facile. L'apprentissage est non seulement profond, mais durable.
Stratégies gagnantes pour l’enseignement d'une classe diversifiée et inclusive
Une pratique d'enseignement inclusive demande d'abord à l’enseignante de comprendre les besoins individuels de chaque élève afin de le défendre et de le soutenir. Ce que nous devons comprendre, c'est que les élèves issus de la diversité ou des groupes marginalisés ne réagissent pas ou ne participent pas tous et toutes de la même manière. Les parents noirs ou arabes par exemple ne créeront pas de lien de la même façon ou n’engageront pas le dialogue avec le personnel scolaire de la même façon que les autres parents. Une classe inclusive doit absolument tenir compte d'une multitude d'expériences de ces personnes lorsque nous sélectionnons des textes, des images, ou lorsque nous créons des plans de cours, et que nous préparons nos leçons et situations d’apprentissage.
Malheureusement, pour des nombreux élèves racialisés, l'école n'est pas toujours synonyme d'un lieu accueillant. C’est là qu'ils sont parfois confrontés aux préjugés et stéréotypes auxquels ils doivent faire face, par exemple, punition arbitraire, surveillance intense pour toute désobéissance perçue, etc... D'où l'importance de créer un milieu inclusif dans la salle de classe ou les élèves se sentent accueillis, valorisés et respectés.
Il existe des preuves significatives qui montrent que les élèves racialisés, dont les Noirs en particulier, font face à plusieurs obstacles à l'école parce qu’ils sont confrontés à une discrimination systémique et ne se sentent pas connecté liés à leurs enseignants ou à leurs communautés scolaires. Ces obstacles se manifestent de plusieurs manières, notamment le sentiment d’exclusion, les suspensions abusives, la mauvaise orientation des choix de carrière, les stéréotypes raciaux et parfois le mépris et le fait d’ignorer volontairement certains élèves).
Voici quelques stratégies que nous pouvons utiliser pour rendre nos pratiques d'enseignement plus inclusives:
- Inviter les parents à participer aux activités de l'école et de la classe.
- Inviter les parents à planifier et participer aux initiatives de l'école
- Offrir des invitations sincères aux organismes de la communauté (noirs, arabes, LGBTQ) pour qu'ils participent aux comités de planification scolaire ou aux événements scolaires.
- Ne pas faire des suppositions fondées sur la race, l'emploi, la situation familiale, la disponibilité des parents et le niveau d’éducation et d’engagement des parents.
- Demander toujours aux parents leurs avis et créer plusieurs points d'entrée pour permettre aux parents d'accéder aux informations et de les partager avec l'école.
- Partager de manière intentionnelle des informations sur les opportunités d’apprentissage et de réseautage, sur le conseil des parents et d’autres rôles de leadership parental disponible dans nos écoles ou nos conseils scolaires
- Evaluer ses propres biais ou préjugés et questionner ce qui nous a été enseigné,
- Apprendre à prononcer les noms inconnus et ne pas essayer de raccourcir un nom à moins d’en avoir l’autorisation de l’élève ou des parents.
- Ne pas européaniser les noms et prénoms des élèves.
- Se renseigner sur la culture et les habitudes des élèves.
- Faire une vérification du curriculum (n’attendez pas que le curriculum change, et surtout faites attention au curriculum caché)
- Célébrer toutes les expériences et travailler avec d’autres éducateur.trices qui partagent les mêmes idées que vous pour créer des nouveaux contenus, des nouvelles idées de leçons.
- Examiner tout avec une approche axée sur l'anti-oppression et déterminer s’il y a des règles qui favorisent ou privilégient certaines identités par rapport à d’autres identités.
- Opter pour une pédagogie qui valorise l’ensemble des connaissances culturelles et linguistiques des élèves en permettant, entre autres, spécialement pour les élèves autochtones, les élèves immigrant.es ou issu.es de l’immigration, en considérant leur passé migratoire comme un tremplin dans leurs apprentissages et leur développement identitaire.
La recherche montre clairement que l’adoption de telles pratiques pédagogiques représente une stratégie gagnante d’enseignement pour l’ensemble des élèves et pour les élèves immigrant.es ou marginalisé.es en particulier, car « cela peut faire la différence entre la réussite ou l’échec scolaire » (Cummins, 2012).
La liste des stratégies n’est pas exhaustive, mais avec ces quelques stratégies énoncées ci-haut, nous allons apprendre à connaître nos élèves, à écouter leurs voix et à créer des opportunités et des liens authentiques. Nous pourrons ainsi être intentionnels dans la classe afin d'activer un apprentissage authentique. TOUS nos élèves le méritent et surtout ceux qui proviennent de nos communautés marginalisées.
En savoir plus:
Plan stratégique de l’Ontario contre le racisme
La stratégie canadienne de lutte contre le racisme
La Stratégie de lutte contre le racisme envers les Noirs de l’Ontario
Glossaire
Les sites web suivants ont servi à fournir les définitions que vous trouverez dans l'article :
- Commission ontarienne des droits de la personne
- Fondation canadienne des relations raciales
- Stratégie ontarienne d’équité et d’éducation inclusive
- Calgary Anti-Racism Education
- National Council of Teachers of English
- Fédération des communautés francophones et acadiennes
- Parents of black children
Références
Examen du Peel District School Board par Ena Chadha, Suzanne Herbert et Shawn Richard, publié le 28 février 2020
JAMES, C. E. et TURNER, T. (2017). Towards Race Equity in Education: The Schooling of Black Students in the Greater Toronto Area. Toronto, ON: Université York.
La population noire au Canada : éducation, travail et résilience, rapport de Statistique Canada, diffusé le 25 février 2020
Cummins, J., Mirza, R., & Stille, S. (2012). English Language Learners in Canadian Schools: Emerging Directions for School-Based Policies. TESL Canada Journal, 29, 25.
À propos de l'auteur
Idrine Matenda-Zambi est professeur à temps partiel au campus de Windsor de l’Université d’Ottawa. Il est aussi conseiller pédagogique responsable de l'équité et de l'éducation inclusive au sein du CSC Providence. À ce titre, il a pour rôle de modeler l’enseignement équitable et inclusif et d’appuyer les autres conseillers pédagogiques de divers secteurs à entamer des pratiques qui favorisent une approche d’équité et d’inclusivité et de créer des ressources pertinentes pour les enseignants afin de les appuyer dans leur travail dans les écoles. Plusieurs fois membre du Comité de révision du contenu et de l’équité, de la diversité et de l’inclusion de l’OQRE, il s'intéresse depuis plusieurs années aux questions liées à l’inclusion scolaire et à la diversité.
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