Par Joseph Mirabella, Ph. D., psychologue en chef, Toronto Catholic District School Board
Pour ceux d'entre nous qui travaillent dans les écoles, l'année scolaire à venir présente une nouvelle série de défis pour soutenir les élèves ayant des troubles d’apprentissage. Depuis la première fermeture d'école en mars 2020, la plupart des défis initiaux à relever, bien que monumentaux, comprenaient des objectifs clairement définis. Tout d'abord, il a fallu assurer la transition de l'apprentissage et du soutien scolaire vers un format virtuel, et veiller à ce que les élèves et le personnel disposent de la technologie et de la formation nécessaires à l'apprentissage virtuel. Les objectifs ultérieurs ont porté sur la collaboration avec les organismes de santé publique afin de s'assurer, une fois la reprise de l'enseignement en présentiel, que les protocoles et les plans appropriés étaient mis en place pour garantir la sécurité des élèves et des adultes. La réponse des conseils scolaires à ces défis initiaux a été remarquable et, dans certains cas, courageuse, compte tenu de certains des changements requis et de la rapidité avec laquelle ils ont dû être effectués.
À l'approche d'une troisième année scolaire touchée par cette pandémie, les défis pour ceux qui travaillent dans les écoles sont très différents. Et à bien des égards, les objectifs ne seront pas clairs avant la rentrée scolaire de septembre. L'une des principales préoccupations réside dans le sentiment général des parents et élèves que l'apprentissage virtuel ne s'est pas très bien passé. De nombreux élèves ne se sentent pas aussi bien soutenus dans le cadre de l’enseignement en ligne que dans un bâtiment scolaire. Et bien qu'il n'y ait pas encore de recherche à l'appui, l'impression de beaucoup est que les élèves ayant des troubles d'apprentissage et d'autres besoins éducatifs particuliers ont été particulièrement et négativement affectés par l'absence de l'enseignement en présentiel. Pour beaucoup, la priorité de cette année scolaire sera d'évaluer et de traiter les résultats et les progrès des élèves au cours des deux dernières années, et de s'assurer que les élèves les plus touchés ont la possibilité de se rattraper.
Une deuxième préoccupation est l'impact de la pandémie sur la santé mentale. Une proportion importante d'élèves ontariens apprennent en ligne depuis la fermeture initiale et n'ont pas mis les pieds dans une école depuis un an et demi. On ne connaît pas l'impact sur la santé mentale des élèves qui n'ont pas été en classe et qui se sont isolés à la maison avec leur famille. En soi, l'isolement est un facteur de risque important et bien établi pour le développement de problèmes de santé mentale (Loades et coll., 2020). De nombreux élèves vivent dans des foyers où les parents peuvent être confrontés à des difficultés financières, ou à d'autres difficultés familiales, ce qui peut accroître leur détresse. Si l'on ajoute à cela que les risques pour la santé mentale des élèves ayant des troubles d’apprentissage sont plus élevés que la moyenne en temps normal (Wilson et coll., 2009), les facteurs de stress risquent d'être exacerbés pendant une pandémie. On ne connaît pas l'ampleur des besoins en matière de santé mentale dans le système scolaire, mais il est probable qu'un grand nombre de nos élèves reviendront à l’école sans être aussi prêts à apprendre qu'ils pourraient l'être.
Une autre tâche importante pour les écoles sera donc de s'assurer que les élèves reviennent en classe motivés et prêts à apprendre. Il faudra un effort ciblé et délibéré pour créer un environnement scolaire qui permet aux élèves de se sentir en sécurité, soutenus et capables de surmonter les difficultés auxquelles ils ont été confrontés au cours de la pandémie. Nous savons que la santé mentale et la réussite scolaire sont fortement liées (Agnafors et coll., 2021; Duncan et coll., 2021). Et comme il est possible qu'un plus grand nombre d'élèves aient des problèmes de santé mentale, les écoles devront peut-être se concentrer d'abord sur le niveau de motivation et les autres besoins en matière de santé mentale. Il se peut que cela doive se faire avant même que l'apprentissage puisse commencer. Il peut y avoir des cas où l'apprentissage est mis en pause pour développer les capacités d'adaptation et les soutiens nécessaires à l'apprentissage.
Il existe des mesures importantes que les professionnels de l’enseignement peuvent prendre pour aider à motiver les élèves et à les soutenir dans leur apprentissage et leur bien-être. Et il y a l'avantage supplémentaire qu'en enseignant et en présentant ces sujets, les adultes apprennent et se concentrent sur les compétences pour s’impliquer à nouveau également.
La création de relations et de milieux sécuritaires
L'antidote à l'isolement est la relation. Travailler activement sur les relations avec les élèves permet d'instaurer la confiance et de créer un environnement où chacun est à l'aise, s'il le souhaite, pour discuter de ses expériences ou de ses sentiments sur la façon dont la pandémie l'a affecté. En créant un climat de sécurité et de confort, les élèves eux-mêmes sont alors en mesure de contribuer à créer cette sécurité pour leurs camarades. Pour les professionnels de l’enseignement, cela commence par prendre le temps d'écouter et de reconnaître l'expérience unique de chaque élève, sans ressentir le besoin de réparer ou de changer quoi que ce soit. Même si certains ont l'impression de ne pas en faire assez, cultiver des relations plus profondes avec les élèves est un premier pas important qui a un impact profond. La création d’un environnement scolaire où les élèves se sentent en sécurité et accueillis devient une intervention puissante. Les élèves qui se sentent en confiance sont plus à l'aise pour demander de l'aide. Les professionnels de l’enseignement peuvent plus facilement reconnaître les élèves qui ont des besoins plus importants et peuvent demander un soutien supplémentaire aux professionnels de la santé mentale travaillant dans les écoles, le cas échéant.
L'enseignement de compétences en bien-être mental
Un élément important de la création de milieux scolaires plus sécuritaires est la planification d'un renforcement régulier des compétences en matière de bien-être mental pouvant aider les élèves à maîtriser leurs attitudes et leurs émotions. L'introduction de brèves techniques d'apaisement, l'apprentissage de la reconnaissance de la détresse dans leur corps et leurs pensées, et l'apprentissage d'approches de résolution de problèmes sont autant d'outils précieux sur lesquels les élèves peuvent compter lorsque les choses deviennent plus stressantes. Il existe des approches bien établies, fondées sur des données probantes, qui peuvent être intégrées dans la routine de la classe.
Le souci de l'équité
Les élèves ayant des troubles d'apprentissage sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale. Cependant, il existe également des disparités en matière de santé mentale au sein des minorités raciales, ethniques et de genre dans la classe. Dans la mesure où les professionnels de l’enseignement apprennent des approches pour soutenir le bien-être mental, une partie de cet apprentissage comprend la compréhension des diverses disparités en matière de santé mentale et la reconnaissance des inégalités et des injustices auxquelles nous pouvons être confrontées. Ainsi, non seulement nous fondons notre travail sur le bien-être mental en général, mais aussi sur des pratiques qui tiennent compte des réalités culturelles.
Bien qu'il y ait encore beaucoup d'inconnues en ce début d'année scolaire, en donnant la priorité à la santé mentale, les professionnels de l’enseignement peuvent augmenter la motivation, la réussite scolaire et la préparation à l'apprentissage. Ce n'est que lorsque ces obstacles auront été éliminés que nous pourrons nous attaquer à la perte d'apprentissage et commencer le rattrapage.
Enfin, le site Web Santé mentale en milieu scolaire Ontario est une excellente ressource pour les professionnels de l’enseignement, les parents, les familles et les élèves qui souhaitent accéder à des stratégies précises, fondées sur des données probantes, pour aborder la santé mentale des élèves. Cela comprend un Ensemble de soutiens pour favoriser la santé mentale à la rentrée scolaire, avec des ressources qui approfondissent les stratégies pour l'école et la classe mentionnées ci-dessus.
Références
Loades, M. E., Chatburn, E., Higson-Sweeney, N., Reynolds, S., Shafran, R., Brigden, A., Linney, C., McManus, M. N., Borwick, C. et Crawley, E. (2020). « Rapid Systematic Review: The Impact of Social Isolation and Loneliness on the Mental Health of Children and Adolescents in the Context of COVID-19. » Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, vol. 59, no 11, p. 1218-1239.e3. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2020.05.009
Wilson, A. M., Deri Armstrong, C., Furrie, A. et Walcot, E. (2009). « The mental health of canadians with self-reported learning disabilities. » Journal of learning disabilities, vol. 42, no 1, p. 24-40. https://doi.org/10.1177/0022219408326216
Duncan, M. J., Patte, K. A. et Leatherdale, S. T. (2021). « Mental Health Associations with Academic Performance and Education Behaviors in Canadian Secondary School Students. » Canadian Journal of School Psychology. https://doi.org/10.1177/0829573521997311
Agnafors, S., Barmark, M. et Sydsjö, G. (2021). « Mental health and academic performance: a study on selection and causation effects from childhood to early adulthood. » Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, vol. 56, p. 857-866. https://doi.org/10.1007/s00127-020-01934-5
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