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Par Véronique Parent, Anne Rodrigue, Carole Boudreau, Julie Myre-Bisaillon, Annick Tremblay-Bouchard

Image d'une main qui tient un livre.

Parmi les études ciblant les élèves du secondaire, plusieurs d’entre elles s’intéressent aux approches visant l’amélioration de la compréhension de texte puisque, à ce niveau, les apprentissages dans les différentes matières sont souvent transmis par la lecture autonome de textes, majoritairement déclaratifs.

Par ailleurs, la lecture de textes déclaratifs est plus difficile pour les élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage que la lecture de textes narratifs parce que les structures de textes sont variées, qu’il y a une grande densité conceptuelle et beaucoup de mots de vocabulaire non familiers, puis que ces élèves disposent généralement de connaissances antérieures insuffisantes sur lesquelles appuyer leur compréhension (Saenz et Fuchs, 2002). De plus, un manque de connaissances et de capacité à utiliser des stratégies favorisant la compréhension désavantage ces élèves (Jitendra et al. 2001).

Des recherches démontrent que l’enseignement de stratégies de lecture améliore la compréhension chez les élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage (Gersten, Fuchs, Williams et Baker, 2001 ; Mastropieri, Scruggs et Graetz, 2003 ; Swanson, 1999). Des améliorations sur le plan des performances ont d’ailleurs été démontrées chez des élèves à qui l’on avait enseigné des stratégies visant à (1) identifier les idées principales (Graves et Levin, 1989), (2) reconnaitre la structure de texte (Bakke, Mastropieri et Scruggs, 1997) et (3) résumer ce qui avait été lu (Berkeley, Mastropieri et Scruggs, 2011). Ces études ont également permis d’identifier les pratiques gagnantes associées à l’amélioration de la compréhension en lecture, soit :

  • un enseignement systématique et explicite qui incorpore du modelage (penser à haute voix) ainsi que des pratiques guidées et autonomes, avec de la rétroaction corrective explicite aux élèves ;
  • des objectifs clairs, suivant une séquence précise d’enseignement ;
  • une démonstration explicite de l’importance de l’utilisation de la stratégie ;
  • un suivi de l’évolution des progrès des élèves ;
  • des encouragements à l’auto-questionnement ;
  • des encouragements à attribuer les résultats obtenus aux stratégies correctement utilisées ;
  • un enseignement d’un usage généralisé de la stratégie.

Contexte de la recherche

Berkeley et Riccomini (2013) ont évalué une approche visant à améliorer la compréhension de manuels de lecture auprès d’élèves du secondaire. Afin d’appuyer l’efficacité de cette approche, les chercheurs ont mené une étude à l’aide d’un manuel d’histoire, mais ils soutiennent que celle-ci pourrait facilement être généralisée dans les autres matières. Cette approche, nommée QRAC-the-Code, amène l’élève à adopter l’attitude d’un détective et à utiliser différentes stratégies dans le but de comprendre le texte lu et de gérer sa compréhension.

Trois cent dix-neuf élèves de 12 et 13 ans (288 élèves du régulier, 31 élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage issus de classes spéciales) ont participé à l’étude. Ces élèves ont été répartis en deux groupes, soit un groupe expérimental (177 élèves, dont 21 présentant des difficultés) et un groupe contrôle (142 élèves, dont 10 ayant des difficultés). Les élèves du groupe expérimental ont  bénéficié des trois leçons associées à l’approche QRAC-the-Code. Quant aux élèves du groupe contrôle, ils ne bénéficiaient d’aucun enseignement direct lié au contenu du chapitre ciblé ; ils devaient lire par eux-mêmes le chapitre et prendre des notes sur trois  points importants retenus à la suite de leur lecture. Les consignes étaient écrites au tableau, en guise de soutien visuel.

Description de l’approche

L’approche comprend quatre grandes étapes.

  1. Question : l’élève transforme le sous-titre d’une section d’un chapitre en question.
  2. Read : l’élève lit la section et s’arrête.
  3. Answer : l’élève se demande s’il peut répondre à la question avec les informations lues. Il encercle oui ou non sur sa feuille aide-mémoire. Il répond à la question, le cas échéant.
  4. Check : l’élève vérifie la réponse à sa question, afin d’être certain que sa réponse est correcte ou qu’il résume bien la section lue. S’il n’a pas pu répondre à la question, l’élève utilise les stratégies de dépannage proposées.

Afin de soutenir les élèves dans leur démarche, une feuille aide-mémoire leur est remise (voir Annexe 1). Cet aide-mémoire comprend : (1) les quatre étapes associées à l’approche enseignée, (2) des exemples pour chacune de ces étapes et (3) des suggestions de stratégies de dépannage supplémentaires, à utiliser lorsque l’élève n’a toujours pas compris le texte à lire. Une feuille de suivi est aussi remise aux élèves. Cette feuille leur permet de noter la question associée à une section ou à un chapitre avant la lecture puis d’encercler si oui ou non ils peuvent répondre à la question à la suite de la lecture. S’ils encerclent « oui », les élèves passent à la lecture de la section ou du chapitre suivant et recommencent avec la première étape de l’approche. Sinon, ils utilisent l’une ou plusieurs des stratégies de dépannage. Les stratégies de dépannage, présentées aux élèves sous forme de questions, sont les suivantes :

  1. As-tu compris le vocabulaire? Regarde la définition d’un mot en caractère gras.
  2. Y-a-t-il des indices dans les caractéristiques du texte? Étudie les cartes et les graphiques.
  3. Connais-tu autre chose à propos de ce sujet? Utilise tes connaissances antérieures.
  4. Tu n’as pas trouvé la réponse à ta question? Essaie de résumer la section :
    1. De qui parle-t-on dans la section?
    2. Que se passe-t-il dans la section?
    3. Dis de quoi on parle dans la section en moins de 2 phrases?
  5. Es-tu vraiment vraiment coincé? Relis la section et essaye de nouveau!

Les demandes liées à l’écriture ont été minimisées sur les feuilles de suivi afin de ne pas distraire les élèves de leur tâche de compréhension.

Les élèves à qui l’on enseigne l’approche QRAC-the-Code reçoivent trois leçons, réparties sur trois jours. Les leçons sont offertes pendant 20 minutes libres au début de chaque cours d’histoire. Dans la première leçon, sont présentés :

  1. le but de l’approche enseignée (pourquoi),
  2. les moments où elle peut être utilisée (quand), et
  3. comment cette approche peut aider les élèves.

image de la feuille QRAC the code.

Cliquer ici pour accéder à un modèle d'approche QRAC-the-Code, crée par l’équipe de TA @l’école, qui peut être utilisé dans la salle de classe.

Image de la feuille QRAC the Code : un exemple

Cliquer ici pour accéder à un exemple, une façon d'utiliser le modèle d’approche QRAC-the-Code.

Puis, un modelage est effectué par l’enseignant, alors qu’il traduit l’ensemble de sa démarche à voix haute pour un chapitre donné. La deuxième leçon consiste en une révision des étapes de l’approche, en une pratique guidée de la lecture du chapitre retenu pour l’étude (2/3 du chapitre) et en une rétroaction donnée individuellement au sujet de l’habileté de l’élève à développer ses propres questions, comme il a appris à le faire à l’étape 1. Lors de la dernière leçon, les étapes de l’approche sont de nouveau révisées, les élèves pratiquent de façon autonome en lisant la fin du chapitre retenu pour l’étude et une rétroaction individuelle visant à encourager l’utilisation de l’approche est fournie.

Appuis relatifs à l’efficacité de l’approche

Tous les élèves participant à l’étude ont été évalués une journée avant le début de l’intervention et une journée après l’intervention. Les mesures utilisées étaient un test de contenu construit par les chercheurs et visant à évaluer la rétention des informations lues dans le chapitre (questions à choix multiples et questions ouvertes basées sur les sous-titres) ainsi qu’un sondage auprès des élèves sur les stratégies utilisées pour se rappeler les informations lues. En ce qui concerne le test visant à évaluer la rétention des informations lues, les résultats montrent que les élèves du groupe expérimental, présentant ou non des difficultés en lecture, ont obtenu de meilleurs résultats après l’intervention que les élèves du groupe contrôle. En ce qui concerne l’utilisation de l’approche, 64% des élèves du groupe expérimental perçoivent que celle-ci les a aidés à se rappeler l’information contenue dans le chapitre, et parmi ces élèves, 7 d’entre eux ont pu énoncer une ou plusieurs stratégies de dépannage. En revanche, une proportion limitée des élèves du groupe contrôle (12%) perçoit que la prise de note les a aidés à se rappeler l’information lue. De plus, les réponses au sondage indiquent qu’avant l’intervention, 68% des élèves utilisaient une ou plusieurs stratégies pour les aider à se rappeler l’information lue, alors qu’après l’intervention, ils sont 76% à en utiliser. L’approche proposée favorise donc le recours à différentes stratégies de rétention de l’information, sous-tendue par une meilleure compréhension du texte, chez un plus grand nombre d’élèves.

Conclusion

Selon les auteurs, cette approche est facile à mettre en place grâce à sa simplicité et au temps nécessaire pour l’enseigner. Elle peut s’intégrer facilement dans les modèles de soutien à l’apprentissage comme le modèle de Démarche par étape (Vaughn et al., 2007). Par exemple, l’approche peut être enseignée à un premier niveau à l’ensemble du groupe-classe, puis être révisée à un second niveau avec des élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage afin de leur offrir davantage d’occasions de pratique guidée et autonome. Cette approche peut aussi servir de cadre ou de base pour les tâches de compréhension dans toutes les matières, en enseignant aux élèves à être conscients des stratégies utilisées pour favoriser leur compréhension. De plus, les stratégies de dépannage pour la compréhension incluses dans l’approche CRAQ-the-Code peuvent être adaptées facilement selon les besoins associés aux différentes matières.

Cette étude comporte toutefois certaines limites : (1) les élèves ont appris à utiliser l’approche à l’aide d’un manuel d’histoire seulement, ce qui ne permet pas d’inférer la généralisation dans d’autres matières, surtout si le texte ne vise pas le même but (c’est-à-dire l’acquisition de connaissances), et (2) les résultats ne permettent pas de juger ou de prédire le maintien des acquis pour les élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage.

En somme, les résultats montrent que les élèves en difficulté ou ayant des troubles d’apprentissage peuvent utiliser l’approche QRAC-the-Code et que cela les aide à comprendre davantage leur lecture. Plus spécifiquement, les résultats montrent que les élèves qui ont appris à utiliser l’approche enseignée ont amélioré leur compréhension du contenu lu par rapport aux élèves qui lisaient seulement le texte et prenaient des notes. Malgré la brève période d’enseignement de l’approche, les élèves du groupe expérimental identifient davantage de stratégies qui les aident à mieux retenir l’information lue que les élèves du groupe contrôle et indiquent que l’approche enseignée leur permet de mieux se rappeler le contenu à apprendre.

Références

Bakken, J. P., Mastropieri, M. A., & Scruggs, T. E. (1997). Reading comprehension of expository science material and students with learning disabilities: A comparison of strategies. The Journal of Special Education, 31(3), 300-324.

Berkeley, S., Mastropieri, M. A., & Scruggs, T. E. (2011). Reading comprehension strategy instruction and attribution retraining for secondary students with learning and other mild disabilities. Journal of Learning Disabilities, 44(1), 18-32.

Berkeley, S., & Riccomini, P. J. (2013). QRAC-the-code: A comprehension monitoring strategy for middle school social studies textbooks. Journal of Learning Disabilities, 46(2), 154-165. doi:10.1177/0022219411409412

Gersten, R., Fuchs, L. S., Williams, J. P., & Baker, S. (2001). Teaching reading comprehension strategies to students with learning disabilities: A review of research. Review of Educational Research, 71(2), 279-320.

Graves, A. W., & Levin, J. R. (1989). Comparison if Monitoring and Mnemonic Text-Processing Strategies in Learning Disabled Students. Learning Disability Quarterly, 12(3), 232-236.

K. Jitendra, Victor Nolet, Yan Ping Xin, Ophelia Gomez, Kristin Renouf, Lubov Iskold, Janice DaCosta, A. (2001). An analysis of middle school geography textbooks: Implications for students with learning problems. Reading & Writing Quarterly, 17(2), 151-173.

Mastropieri, M. A., Scruggs, T. E., & Graetz, J. E. (2003). Reading comprehension instruction for secondary students: Challenges for struggling students and teachers. Learning disability quarterly, 26(2), 103-116.

Sáenz, L. M., & Fuchs, L. S. (2002). Examining the Reading Difficulty of Secondary Students with Learning Disabilities Expository Versus Narrative Text. Remedial and Special Education, 23(1), 31-41.

Swanson, H. L. (1999). Reading Research for Students with LD A Meta-Analysis of Intervention Outcomes. Journal of learning disabilities, 32(6), 504-532.

Vaughn, S., Wanzek, J., Woodruff, A. L., & Linan-Thompson, S. (2007). Preventing and early identification of students with reading disabilities. Dans D. Haager, J., Klingner & S. Vaughn (éds.), Evidence-Based Reading Practices of Response to Intervention, (pp. 11-27). Baltimore, Maryland : Brookes.

horizontal line tealJulie Myre-Bisaillon est professeure Titulaire au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale à la Faculté d’Éducation de l’Université de Sherbrooke.  Elle est responsable du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), équipe de recherche qui regroupe une vingtaine de chercheurs.  Ses intérêts de recherche portent sur l’adaptation de l’enseignement pour les élèves en difficulté, dans des approches par projet à partir de la littérature jeunesse et dans une perspective de multidisciplinarité de même que sur l’éveil à la lecture et à l’écriture dans les milieux défavorisés.  Elle a enseigné au secondaire et a fait de l’intervention orthopédagogique. 

Carole Boudreau est professeure au Département d’études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’université de Sherbrooke. Avant d’occuper ce poste, elle a été orthopédagogue en milieu scolaire, conseillère pédagogique en déficience auditive et agente de projets à la Direction de l’adaptation scolaire au ministère de l’éducation du Québec. Ses intérêts de recherche portent sur les difficultés en lecture et en écriture, ainsi que sur les pratiques orthopédagogiques. Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).

Véronique Parent est psychologue et professeure au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke. Ses intérêts de recherche portent sur les troubles cognitifs liés aux troubles d'apprentissage et d'adaptation. Elle s’intéresse également à l’utilisation d’interventions novatrices dans le milieu scolaire afin de favoriser le développement du potentiel d’apprentissage des élèves en difficulté, dont l’utilisation de programmes d’entrainement cognitif.  Elle est membre du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ).

Anne Rodrigue est étudiante au doctorat au Département des études sur l’adaptation scolaire et sociale de l’Université de Sherbrooke. Orthopédagogue de formation, elle partage son temps entre la recherche à l’université et la pratique en milieu scolaire depuis plus de 10 ans.

Annick Tremblay-Bouchard est étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation axée dans le domaine de l’adaptation scolaire à l’Université de Sherbrooke. Enseignante au primaire de formation, elle se spécialise auprès des élèves ayant un handicap auditif.