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Par Robert Head et Raymond LeBlanc

La stratégie PRM

Poser des questions, Réfléchir, Mettre en texte (Ask, Reflect, Text ou ART en anglais) est une stratégie mnémotechnique d’élaboration de récits fondée sur des données probantes, qui s’articule en six étapes et qui vise à motiver les élèves à écrire, à les inciter à rédiger des récits plus détaillés, à renforcer leurs connaissances du processus d’écriture et à améliorer leurs compétences en rédaction, même s’ils présentent des difficultés d’apprentissage, notamment en écriture.

Le processus a pour objectif l’enseignement d’une stratégie mnémotechnique qui donnera aux élèves qui éprouvent des difficultés en écriture l’occasion de s’exercer à produire des textes tout en améliorant leurs compétences en planification, en organisation et en composition.

Les élèves qui s’engagent dans un processus PRM poursuivent une démarche particulière, étayée par les rétroactions de leurs enseignantes ou enseignants, qui leur fournissent des exemples clairs et éloquents.

Pour appliquer cette stratégie en classe, vous devez inviter les élèves à suivre les étapes ci-après :

1. Poser des questions

Les élèves doivent se poser les questions suivantes à l’aide d’acrostiches (QOQ : Q = 2, C = 2) afin de se souvenir des questions. Un acrostiche est une sorte de jeu de lettres, tel le double acrostiche agencé de manière que les lettres initiales, médianes ou finales des lignes puissent former un mot.

  • QOQ : Qui, Où, Quand ;
  • Q = 2 : Que fait le personnage principal ? Que font les autres personnages ?
  • C = 2Comment l’histoire finit-elle ? Comment les personnages se sentent-ils ?

2. Réfléchir

Lorsqu’ils passent à l’étape suivante et qu’ils réfléchissent à leurs réponses, les élèves peuvent les illustrer à l’aide de moyens artistiques et élaborer un scénario en images.

3. Mettre en texte

Puis, en utilisant leur scénario en images comme point de départ, ils doivent composer leur récit.

Application de la stratégie en classe et exercices recommandés

Les six étapes indiquées par Dunn et al. (2011) pour enseigner la stratégie mnémotechnique PRM sont les suivantes :

  1. Développez et activez les acquis préalables : Les élèves ont-ils des idées de récit? Profitez de cette occasion pour introduire la prochaine activité, qui fait intervenir la stratégie PRM.
  2. Discutez de la stratégie de l’acrostiche : QOQ : Q = 2, C = 2. Vous pouvez le faire avant d’annoter quoi que ce soit au tableau, dans le cadre d’une discussion générale d’introduction.
  3. Choisissez un sujet à développer et amorcez la démarche PRM. Cette activité peut être intégrée à une introduction.
  4. Mémorisez la stratégie : Modélisez la stratégie mnémotechnique PRM en l’annotant au tableau et mémorisez-la en l’appliquant aux récits des élèves. Cette activité s’effectue à l’étape « Poser des questions ».
  5. Appuyez la stratégie : Au moyen de la démarche PRM, faites un remue-méninges en consultant des livres ou des revues et élaborez un fichier de mots ou de concepts susceptibles d’être utilisés pour la rédaction d’un récit, dans le cadre de l’étape de « Réflexion».
  6. Production autonome : Après avoir modélisé la stratégie et fait part de vos rétroactions, demandez aux élèves de trouver des façons d’utiliser la stratégie mnémotechnique en vue d’une application auto-régulée de la démarche PRM. Cette activité permet de revenir à l’étape « Poser des questions» en guise de révision.

Exemples d’application de la stratégie PRM

Reproduction autorisée : Dunn, Tudor, Scattergood et Closson, 2011 - Adaptée de l'anglais

Poser des questions (Ask) Réponses aux questions QOQ, Q = 2, C = 2 QOQ 1. Qui est le personnage principal? Qui sont les autres personnages? 2. Où l’histoire a-t-elle lieu? 3. Quand a-t-elle lieu? Q = 2 4. Que fait le personnage principal? Que font les autres personnages? 5. Qu’arrive-t-il quand le personnage principal essaie d’agir ainsi? C = 2 6. Comment l’histoire finit-elle? 7. Comment le personnage principal se sent-il? Comment les autres personnages se sentent-ils? Réfléchir (Reflect) Les élèves illustrent leurs idées de récit au moyen d’un dessin ou d’une peinture : [Image] Mettre en texte (Text) Les élèves rédigent leur récit. Il était une fois une maman raton laveur qui travaillait dans un hôpital. Elle allait travailler à 7 h 30 le matin et quittait son travail à 22 h ou 23 h le soir. Un jour qu’il pleuvait, une grenouille est arrivée à l’hôpital avec une patte cassée. Il pleuvait si fort que la grenouille avait glissé sur une échelle. On l’a fait entrer dans une salle. Puis, il y a eu une panne d’électricité. La grenouille a commencé à dire qu’elle avait besoin de l’aide d’une infirmière. Madame Raton laveur est entrée dans la salle et a demandé à la grenouille comment elle pouvait l’aider. La grenouille a dit qu’elle ne pouvait plus sentir son orteil. Madame Raton laveur a dû lui mettre la patte dans le plâtre dans l’obscurité. Finalement, l’électricité est revenue. La grenouille était très contente qu’on ait pris soin de sa patte jusqu’à ce qu’elle voie la facture. Finalement, Madame Raton laveur a pu rentrer à la maison tôt pour préparer le souper pour sa famille.

La figure suivante montre comment un élève aborde le qui, le et le quand du QOQ, pose ensuite les deux questions quoi correspondant à Q = 2, réfléchit aux deux questions qui relèvent du comment, pour finalement aboutir au texte suivant (Dunn, Tudor, Scattergood et Closson, 2011, p. 102-103.) :

« Le personnage principal s’appelle Boiteux. En été, il vit au Kansas. Il veut sauver les crapauds. Il n’a pas pu sauver les crapauds. Certains des crapauds ont été tués sur la route. Il n’a pas pu empêcher les crapauds de se faire tuer. Il était triste. »

Reproduction autorisée : Dunn, Tudor, Scattergood et Closson, 2011 - Adaptée de l'anglais

QOQ 1. Qui est le personnage principal? Qui sont les autres personnages? (Les personnages) Décris-les de différentes façons : Boiteu, Boiteux 2. Où l’histoire a-t-elle lieu? (Le contexte) Décris-le de différentes façons : À karosre 3. Quand l’histoire a-t-elle lieu? Décris-le de différentes façons : En été dans le Q = 2 4. Que veut faire le personnage principal? Que veulent faire les autres personnages? Pourquoi cela pose-t-il un problème? Sover les crapod 5. Qu’est-ce qui arrive quand le personnage principal essaie de faire cela? Qu’arrive-t-il aux autres personnages? Qu’est-ce qui est arrivé? Certains des crapods ont été tués. Il était triste. C = 2 6. Comment l’histoire finit-elle? Il n’a pas pu empêcher les crapod d’être tué. Qu’est-il arrivé? Il n’était pas content. 7. Comment le personnage principal se sent-il? Comment les autres personnages se sentent-ils? (La fin). Il était triste.

La démarche PRM commence par la création d’un schéma. On invite les élèves à trouver des idées et à faire appel à leurs connaissances préalables, on les interroge sur le qui, le et le quand de leurs idées de récit et on leur demande ce que font les personnages principaux et les autres personnages, comment l’histoire se termine et comment les personnages se sentent. Ce processus est passé en revue et mémorisé.

Cette étape de questionnement est suivie d’une stratégie d’appui sous forme de remue-méninges, de révision, d’examen et d’assemblage de mots de vocabulaire (outils) et de concepts (plans).

L’étape de production autonome qui suit la modélisation et la rétroaction, l’incitation et la mémorisation, se déroule dans le cadre d’une révision des questions et des réponses fournies. L’ensemble du processus est un exercice de planification, d’exécution et de consolidation.

Grâce à un support pédagogique cohérent et à l’adoption systématique de la démarche PRM, les élèves peuvent intégrer de manière plus systématique les lignes directrices et les étapes de cette démarche dans leur mode d’apprentissage. Poser des questions. Réfléchir. Mettre en texte. Répéter.

Recherche

En 2006, Dunn (2007) a dirigé un programme d’études intégré axé sur les arts, d’une durée de 20 jours, auquel ont participé 45 élèves de la 2e à la 6e année qui ne présentaient pas de difficultés d’apprentissage. En 2007, un projet de recherche interventionnelle a été mené dans le cadre d’une prochaine étape au cours de laquelle Dunn a travaillé avec des enseignants à l’enfance en difficulté et trois élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Il a conclu que la démarche « Poser des questions, Réfléchir et Mettre en texte » a permis à ces derniers de développer des idées de récit, de les organiser au sein d’une structure narrative séquentielle et de produire un texte détaillé en adhérant aux principes des questions acrostiches QOQ, Q = 2 et C = 2 décrites par Graham et Harris (2005).

Dans leur article intitulé « Ask, Reflect, Text : A Narrative Story-Writing Strategy » (Poser des questions, Réfléchir, Mettre en texte : une stratégie pour la production de textes narratifs), Dunn, Tudor, Scattergood et Closson (2011) relatent l’expérience qu’ils ont menée dans le cadre du programme d’études intégré axé sur les arts d’une durée de 20 jours, et comparent les résultats obtenus avec ceux de l’étude complémentaire menée auprès des trois élèves reconnus comme présentant des difficultés d’apprentissage en écriture. Dans les deux groupes, au début de chaque séance, la stratégie mnémotechnique ART était expliquée; les élèves étaient ensuite invités à s’interroger sur les questions acrostiches QOQ, Q = 2 et C = 2 de l’étape Ask; puis à réfléchir à leurs réponses, à les illustrer à l’aide de moyens artistiques de manière à obtenir un scénario en images (étape Reflect) et enfin, à l’aide de ce scénario en images, à produire leur texte narratif (étape Text). Les élèves étaient autorisés à reprendre leur travail et à poursuivre leur illustration et leur narration tout au long de la séance.

Fondé sur des données probantes, l’article de Dunn, Tudor, Scattergood et Closson (2011) suggère qu’une intervention ciblée telle que la démarche PRM peut aider, autant les élèves éprouvant des difficultés en écriture que les autres, à améliorer leurs compétences, et qu’elle peut aussi mobiliser d’autres élèves.

Parmi les trois élèves éprouvant des difficultés en écriture, l’élève n °1 trouvait la lecture et l’écriture extrêmement pénibles ; l’élève n° 2 avait des difficultés d’apprentissage reconnues en lecture et en écriture ; et l’élève n° 3 était aux prises avec un handicap physique et un retard de développement. À la fin de l’étude, l’élève n° 1 trouvait moins intimidant de commencer par dessiner ses idées plutôt que de les mettre par écrit ; l’élève n° 2 avait amélioré certains aspects organisationnels et la fluidité de sa production écrite ; et l’élève n° 3 avait amélioré sa structure narrative, augmenté sa production de mots et fait moins de fautes d’orthographe.

Vygotsky (1978) a écrit que « ce n’est que dans le mouvement qu’un corps montre ce qu’il est » (p. 65). La démarche « Poser des questions, Réfléchir, Mettre en texte » permet aux élèves et aux professionnels de l'enseignement d’être reconnus comme des participants actifs au sein de processus émergents ; l’apprentissage s’effectue par le truchement des signes, des outils et des tâches mis à la disposition des élèves qui, en passant à l’action, deviennent des agents actifs, capables de transposer l’action dans le discours et le récit.

Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l'école

Cliquer ici afin d'accéder à l'article Mnémotechnique : stratégie d’aide-mémoire.

Cliquer ici afin d'accéder à l'article Expression écrite.

Cliquer ici afin d'accéder à l'article Stratégies pour aider les élèves qui éprouvent des difficultés en écriture.

Cliquer ici afin d'accéder à l'article L’approche SRSD : stratégie d’autorégulation pour améliorer l’écriture des élèves ayant des TA.

Cliquer ici afin d'accéder à l'article Rédaction d’une autobiographie: exercice de réflexion pour améliorer les compétences en littératie.

Ouvrages de reference :

Dunn, M., & Finley, S. (2008). « Thirsty thinkers: A workshop for artists and writers ». Journal of Reading Education, 33 (2), p. 28-36.

Dunn, M., Tudor, D., Scattergood, C., and Closson, S. (2011). « Ask, reflect, text: a narrative story-writing strategy », Journal of Research in Childhood Education, 25 (4), p. 376-389.

Jansson, A. (2011). « Becoming a Narrator: A Case Study in the Dynamics of Learning Based on the Theories/Methods of Vygotsky », Mind, Culture and Activity, 18, p. 5-25.

Vygotsky, L.S. (1978). « Mind in society: The development of higher psychological processes » M. Cole, V. John-Steiner, S. Scribner, et E. Souberman (Éditeurs).        Cambridge, MA: Harvard University Press.

horizontal line tealRobert M. Head a obtenu un baccalauréat en littérature anglaise de l’Université McGill et un baccalauréat ès sciences avec concentration en enseignement secondaire de l’University of Maine at Presque Isle. Il est également un étudiant diplômé (maîtrise/doctorat en philosophie) de l’Université d’Ottawa. Il est enseignant au niveau secondaire et titulaire d’un brevet (ELA – État du Maine). Il compte plus de 8 ans d’expérience à titre d’enseignant de l’ALS. Il a également été directeur national des études auprès de GAC ACT ES Ltd. et directeur national auprès de Cambridge English Education Centres à Taïwan. Il est aussi un examinateur dans le cadre du Cambridge English Language Assessement (CELTA) aux niveaux YLE/KET/PET. Il a écrit et co-écrit plusieurs articles pour des comités de lecture, a agit à titre de réviseur de revues spécialisées et a fait une présentation au Symposium Jean-Paul Dionne 2014. Robert s’intéresse particulièrement à l’éducation spécialisée par le biais de pratiques inclusives.

Raymond LeBlanc est professeur titulaire en éducation spéciale et vice-doyen à la recherche et au développement professionnel à l’Université d’Ottawa. Il détient un doctorat en psychologie cognitive. Il est co-directeur d’une collection chez DeBoeck Université en neuropsychologie et en éducation spéciale. Ses intérêts de recherche portent sur l’autisme, la déficience mentale, le style d’apprentissage, les troubles du langage et de la communication, les difficultés d’apprentissage, les méthodologies qualitatives, la psychologie culturelle, et la qualité de vie.