
Récemment, des chercheurs et des professionnels de l’enseignement ont exploré une idée intéressante selon laquelle le fait d’avoir des troubles d’apprentissage pourrait présenter certains avantages. Dans les milieux des affaires, des arts, de l’entrepreneuriat et dans bien d’autres secteurs, il existe de nombreux exemples de personnes ayant remarquablement bien réussi en dépit de troubles d’apprentissage. À titre d’exemple, Richard Branson, le fondateur du groupe Virgin, considère son trouble d’apprentissage comme étant « sa plus grande force ». Il a compris à un âge précoce les mécanismes de son trouble d’apprentissage et s’est adapté. Il attribue son succès dans les affaires aux habiletés qu’il a dû développer en raison de son trouble d’apprentissage.
« Si jamais une personne vous rabaisse parce que vous êtes dyslexique, ne croyez pas ce qu’elle vous dit. Être dyslexique peut en fait être un gros avantage, et cela m’a certainement aidé. » – Sir Richard Branson
Richard Branson décrit ses premiers apprentissages à l’école comme des expériences qui l’on poussé à perfectionner « d’autres aptitudes », car la lecture lui posait d’énormes difficultés. Ainsi, au lieu de se concentrer sur la lecture, il a renforcé sa capacité à écouter et à s’exprimer clairement, en plus d’aiguiser son sens du leadership et de la délégation, autant de compétences qui l’ont aidé à bâtir son empire financier.
David Bois, un autre exemple, est considéré comme l’un des criminalistes les plus en vue aux États-Unis. Bien qu’il ait reçu un diagnostic de troubles d’apprentissage à un très jeune âge, il attribue son succès en tant que négociateur juridique au fait d’avoir dû apprendre très tôt dans la vie à tabler sur ses capacités d’écoute et d’expression orale, plutôt que sur ses piètres compétences en lecture. Ce sont deux exemples de personnes qui attribuent leur réussite au fait d’avoir des troubles d’apprentissage. Il est intéressant de noter que presque toutes les personnes dans cette situation ont réussi dans des domaines qui requièrent de faire preuve d’innovation et de créativité, et de s’éloigner des sentiers battus. Leur succès, pense‑t‑on, est associé à l’idée qu’elles feraient appel à des processus neurologiques d’un tout autre type, qui pourraient bien être uniques aux personnes ayant des troubles d’apprentissage.
Cette idée s’appuie sur des données de recherches importantes indiquant que les personnes ayant des troubles d’apprentissage (présumés être liés à des processus neurologiques défaillants dans l’hémisphère gauche du cerveau) utilisent généralement leur hémisphère droit pour traiter l’information – même lorsqu’il s’agit de tâches qui devraient normalement être traitées dans l’hémisphère gauche (comme le langage). On comprend depuis des décennies que le traitement phonologique (processus neurologique intervenant dans la lecture) est l’un des principaux obstacles que doivent surmonter les personnes aux prises avec des troubles d’apprentissage. Sur le plan neurologique, on a émis l’hypothèse que les problèmes de traitement phonologique sont associés à des déficits fonctionnels dans l’hémisphère cérébral gauche du système nerveux central (Shaywitz, Lyon et Shaywitz, 2006). Autrement dit, lorsqu’ils lisent, les enfants qui ont des troubles d’apprentissage en lecture, comparativement à ceux qui n’en ont pas, présentent une activité moindre dans l’hémisphère gauche de leur cerveau.
Cependant, les chercheurs ont également compris, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), que les personnes ayant des troubles d’apprentissage présentent une activité anormalement élevée dans l’hémisphère cérébral droit lors des tâches de lecture. Bref, leur hémisphère droit est plus actif lorsqu’elles lisent que celui des personnes n’ayant pas de troubles d’apprentissage. Il est possible que les personnes ayant des troubles d’apprentissage en lecture tentent, lorsqu’elles lisent, de contourner la difficulté en sollicitant davantage leur hémisphère droit. La suractivation de leur « cerveau droit » pourrait être une façon de compenser la sous‑activation de leur « cerveau gauche ». Cela pose un problème dans la mesure où les processus cognitifs dans l’hémisphère droit ne sont pas très efficaces pour les tâches de lecture. Cela dit, il y a peut-être une autre façon de voir les choses.
Les personnes ayant des troubles d’apprentissage, compte tenu de ces processus défaillants dans l’hémisphère gauche, vont de façon générale solliciter davantage leur hémisphère droit pour traiter l’information. En fait, Shaywitz et ses collaborateurs (2006) ont constaté que plus les habiletés en lecture étaient faibles, plus l’activité dans l’hémisphère cérébral droit était intense. Sachant que notre cerveau se comporte un peu comme un muscle, il se peut que les personnes ayant des troubles d’apprentissage soient dotées d’un hémisphère droit puissant et bien développé. Il reste que l’on tient peu souvent compte, dans la recherche comme dans la pratique, de la surcompensation constatée dans l’hémisphère droit des enfants ayant des troubles d’apprentissage en lecture. Des questions importantes à ce sujet ont toutefois été récemment soulevées dans le milieu (Eide et Eide, 2011). En particulier, des chercheurs ont commencé à reconnaître le rôle de l’hémisphère droit dans le processus de créativité.
La recherche a amorcé l’exploration des fondements neurophysiologiques de la créativité. Il ressort des études d’imagerie cérébrale que les régions droites du SNC sont systématiquement activées pendant les tâches nécessitant une pensée créative (Beaty, 2015; Gonen-Yaacovi et coll., 2013). Plus précisément, lors des tâches sollicitant la pensée créative, les régions cérébrales activées sont le gyrus frontal inférieur droit, le cortex postéro-médian droit, le lobule pariétal supérieur droit, le cortex frontal dorsolatéral droit et le cortex fronto-polaire droit (Abraham et coll., 2012; Binder, Desai, Graves et Conant, 2009; Cappa, 2008; Fiebach, Friederici, Smith et Swinney, 2007). Si l’on établit un lien entre ces constatations neurologiques et les troubles d’apprentissage, une idée importante émerge. En d’autres termes, lorsqu’il s’agit de trouver des solutions créatives à des problèmes, les personnes qui ont des troubles d’apprentissage en lecture pourraient, en raison de leur profil neurologique, disposer de capacités accrues par rapport à leurs pairs qui réussissent habituellement. Cette hypothèse prend racine dans deux postulats importants : primo, les personnes ayant des troubles d’apprentissage en lecture ont un profil neurologique distinct, en ce qu’elles utilisent leur « cerveau droit » pour traiter l’information et, deuzio, la résolution créative de problèmes impose le traitement de l’information dans l’hémisphère droit pour être efficace. L’un dans l’autre, il découle de ces deux postulats que les personnes ayant des troubles d’apprentissage en lecture peuvent avoir un net avantage sur le plan de la créativité, par le simple fait qu’elles contournent cette difficulté en sollicitant davantage leur hémisphère droit lorsqu’elles lisent. En d’autres termes, les enfants ayant des troubles d’apprentissage en lecture peuvent se révéler « neurologiquement » doués pour s’acquitter de tâches créatives de résolution de problèmes en raison même de leurs troubles d’apprentissage en lecture. Il ne s’agit pas simplement de jouer sur les mots. Au contraire, cette façon de penser marque un tournant important. Si les enfants ayant des troubles d’apprentissage en lecture sont incités à faire preuve de créativité, il importe que tous les intervenants concernés prennent en considération les forces associées au fait d’avoir des troubles d’apprentissage en lecture.
Pour approfondir cette idée, la présente étude amorce l’exploration de la résolution créative de problèmes auprès d’un échantillon modeste d’enfants susceptibles de présenter des troubles d’apprentissage en lecture. Elle examine ces aspects et la possibilité que les enfants ayant des troubles d’apprentissage en lecture puissent être particulièrement doués en matière de créativité et de pensée créative. En adoptant une approche transversale, cette étude visait à explorer la conscience phonologique (CP) et la créativité dans un échantillon d’enfants éprouvant des difficultés en lecture. Ces enfants étaient évalués en fonction de leur conscience phonologique et de leur capacité à faire preuve de créativité pour résoudre des problèmes.
Mesures utilisées dans l’étude
Mesures fondées sur la lecture
L’épreuve Comprehensive Test of Phonological Processing (CTOPP), élaborée par Wagner, Torgesen et Rashotte (1999), permet d’évaluer les capacités de traitement phonologique chez les personnes âgées de 5 à 24 ans. Le CTOPP est un test individuel normalisé réalisé afin d’identifier les personnes qui bénéficieraient d’un soutien pédagogique en matière de traitement phonologique. L’étude est centrée sur les deux sous-tests phonologiques qui constituent le score composite de la conscience phonologique du CTOPP : Élision (Elision) et Combinaison (Blending words).
Élision est un sous-test comportant 20 éléments. Dans un premier temps, le candidat écoute un mot prononcé à voix haute qu’il doit répéter. Ensuite, un son tiré de ce mot est prononcé à voix haute et le candidat doit éliminer ce son du mot et prononcer le mot résultant. Le sous-test Élision du CTOPP implique donc d’éliminer un son d’un mot (p. ex., « Dis “levier” sans le /i/ » = lever).
Le sous-test Combinaison comporte 20 éléments évaluant l’aptitude à combiner des sons de façon à former des mots. Il s’agit pour le candidat d’écouter chacun des sons qui forment un mot et de les combiner pour ensuite prononcer le mot résultant. Le sous-test Combinaison implique donc de former un mot à partir de ses composantes (p. ex., « Quel mot ces sons forment-ils : /m/ /a/ /l/? » = mal).
Tests de pensée créative de Torrance (TPCT)
Mesurer la pensée créative dans le cadre d’évaluations psychologiques s’est révélé être une tâche difficilement réalisable pour les chercheurs. Autrement dit, ils se sont demandé s’il était possible d’évaluer l’aptitude d’une personne à penser de manière à générer des produits ou des idées innovantes et efficaces. Parmi les évaluations les plus communément utilisées pour évaluer cette aptitude figurent les tests de pensée créative de Torrance (Torrance, 1974, comme cité dans Fink, Benedek, Staudt et Neubauer, 2007). Plus précisément, le TPCT mesure un ensemble d’aptitudes à la pensée créative dont les définitions sont très circonscrites. Pour évaluer cette aptitude, le TPCT requiert des participants qu’ils résolvent des problèmes mal structurés pour lesquels il existe diverses solutions possibles. Dans cette étude, tous les participants ont passé des TPCT à contenu figuré. Ces derniers regroupaient trois activités : construction d’images, complétion d’images et figures répétées de lignes ou de cercles. On leur a fait passer les tests en suivant les instructions normalisées décrites par Torrance. Les candidats disposaient de dix minutes pour compléter chaque sous-test.
Résultats
Les scores obtenus aux évaluations du TPCT ont été calculés par le Scholastic Testing Service (STS). Il s’agit d’un processus normalisé de notation associé au TPCT. Ainsi, pour chacun des cinq sous-tests figurés du TPCT, le STS fournit de l’information sur les scores bruts, les scores standard, les normes liées au niveau de scolarité, les normes liées à l’âge, les scores régionaux et nationaux en centile (É.-U.), et une liste de vérification des forces créatives. En tant que première étape vers la compréhension de la créativité et du traitement phonologique, les moyennes et les écarts-types ont été calculés et son présentés dans le tableau 1.
Tableau 1. Moyennes et écarts-types du CTOPP et du TPCT
Mesures | Moyenne |
Écart-type |
Indice de CP du CTOPP | 75,92 | 12,58 |
Élision | 5,27 | 2,22 |
Combinaison | 6,81 | 2,53 |
Moyenne du TPCT | 91,19 | 13,75 |
Fluidité | 81,77 | 19,18 |
Originalité | 78,38 | 16,37 |
Titres | 102,50 | 21,40 |
Élaboration | 106,69 | 18,47 |
Résistance | 86,27 | 15,66 |
De manière à pouvoir établir des comparaisons entre les participants de divers groupes d’âge et niveaux scolaires, les scores bruts ont été calculés comme des scores standard à partir des données techniques du CTOPP et du TPCT. Les scores bruts des sous-tests Élision et Combinaison ont été calculés sous la forme d’un score composite standard de l’indice de conscience phonologique (CP). Des comparaisons ont été effectuées en utilisant le score composite de l’indice de CP et le score standard moyen du TPCT, ainsi que tous les scores standard des sous-tests du TPCT. Pour illustrer les différences entre la conscience phonologique et la pensée créative, la figure 1 présente le score de l’indice de CP du CTOPP (orange), par rapport au score de l’indice de créativité du TPCT obtenu par les enfants, ainsi que les scores correspondants des sous-tests du TPCT (bleu).
Figure 1 : Score moyen du CTOPP vs l’ensemble des scores du TPCT
Légende : CTOPP PA Index score = Score de l’indice de CP du CTOPP; TTCT subtests score = Score des sous-tests du TPCT; TTCT Avg = Score moyen du TPCT; Fluency = fluidité; Originality = originalité; Titles = titres; Elaboration : Élaboration;
Resistance = Résistance
Analyses individuelles
Outre les analyses générales, il importait de prendre en compte des exemples individuels de la conscience phonologique et de la créativité des enfants. L’exploration d’exemples individuels d’enfants particulièrement créatifs ayant des troubles d’apprentissage révèle que, sur le plan de la créativité, les enfants qui présentent des troubles d’apprentissage peuvent avoir une longueur d’avance sur les enfants qui réussissent habituellement. Cette observation a d’importantes implications pour tous les intervenants.
Participant A
Le groupe à l’étude comportait plusieurs enfants ayant des scores de conscience phonologique et de créativité sous la moyenne. À titre d’exemple, la figure 2 illustre les profils de conscience phonologique et de créativité du participant A. Le participant A est représentatif d’un enfant dont les scores de conscience phonologique sont sous la moyenne, et des scores de créativité dans la moyenne.
Figure 2. Profil du participant A
Les scores normalisés du participant A au CTOPP correspondaient aux scores du 12e (indice de CP), 16e (Élision) et 9e (Combinaison) rang centile. Les scores du rang centile pour la créativité du participant A étaient notablement différents de ceux des scores du CTOPP et souvent bien au-dessus de la moyenne : 37e (moyenne), 5e (fluidité), 18e (originalité), 74e (titres), 92e (élaboration) et 27e (résistance) rang centile. Fait à souligner, les scores du participant A étaient exceptionnellement élevés pour les titres et l’élaboration.
Cela dit, outre les participants ayant des profils de créativité moyens, certains enfants avaient aussi des profils de conscience phonologique inférieurs et des profils de créativité supérieurs à la moyenne. Deux exemples de ces profils sont illustrés ci-dessous.
Participant B
Le participant B est représentatif d’un enfant ayant une faible conscience phonologique et une créativité exceptionnelle. La figure 3 illustre les profils de conscience phonologique et de créativité du participant B. Le profil est accompagné de l’un des dessins (test de créativité) du participant B.
Figure 3. Profil du participant B
Les scores normalisés du CTOPP obtenus par le participant B correspondent au 5e (indice de CP), 1er (Élision) et 25e (Combinaison) rang centile. Les scores du rang centile du participant B pour la créativité divergeaient notablement des scores du CTOPP et se situaient souvent bien au-dessus de la moyenne : 70e (score moyen), 41e (fluidité), 32e (originalité), 90e (titres), 95e (élaboration) et 37e (résistance) rang centile. Fait à souligner, les scores du participant B étaient exceptionnellement élevés pour les titres et l’élaboration.
Participant C
Figure 4. Profil du participant C
Les scores normalisés du CTOPP obtenus par le participant C correspondent au 8e (indice de CP), 9e (Élision) et 16e (Combinaison) rang centile. Les scores du rang centile du participant C pour la créativité divergeaient notablement des scores du CTOPP et se situaient souvent bien au-dessus de la moyenne : 70e (score moyen), 46e (fluidité), 70e (originalité), 85e (titres), 77e (élaboration) et 49e (résistance) rang centile. Comme pour le participant B, il importe de souligner les scores particulièrement élevés obtenus pour les titres et l’élaboration.
Grandir dans la créativité : Implications pour les enfants ayant des troubles d’apprentissage
La présente étude visait à explorer les aptitudes à la pensée créative d’enfants ayant des troubles d’apprentissage. Globalement, les résultats appuient l’idée que beaucoup d’enfants ayant des troubles d’apprentissage ont des profils de créativité qui s’écartent de leurs profils de conscience phonologique. Les enfants participant à cette étude ont souvent montré une conscience phonologique (habileté à reconnaître que les mots sont fabriqués de sons individuels) bien en dessous de la moyenne et une créativité dans la moyenne. Dans bien des cas, la créativité démontrée par les participants était nettement au‑dessus de la moyenne.
Les analyses individuelles visaient à explorer des exemples précis d’enfants susceptibles de présenter des troubles d’apprentissage en lecture, de manière à pouvoir évaluer leurs forces créatives en regard de leur conscience phonologique. Ces exemples font ressortir d’importantes implications pour tous les intervenants ayant à cœur de soutenir les enfants susceptibles de présenter des troubles d’apprentissage en lecture. Le participant A a montré une conscience phonologique sous la moyenne et, par conséquent, des difficultés en lecture (note anecdotique). Il a néanmoins montré une aptitude à la pensée créative se situant dans la moyenne. Les participants B et C ont aussi montré une conscience phonologique nettement sous la moyenne, mais des aptitudes à la pensée créative dans les limites supérieures de la moyenne. Bien que cette tendance ait été observée chez la plupart des enfants à l’étude, il importe de souligner qu’au sein de cet échantillon, les profils de créativité et de conscience phonologique de certains enfants n’étaient pas aussi divergents que ceux des participants A, B ou C.
Les résultats de cette étude ont d’importantes implications. Les enfants présentant un risque d’avoir des troubles d’apprentissage en lecture vont généralement solliciter davantage leur hémisphère droit pour traiter l’information pendant les tâches de lecture et, si l’on s’en tient à la théorie de la neuroplasticité, leur hémisphère droit devrait par conséquent être bien développé. Ainsi, du fait de leur profil neurologique distinct, les enfants susceptibles de développer des troubles d’apprentissage en lecture peuvent se révéler particulièrement doués lorsqu’il s’agit de résoudre efficacement des problèmes en faisant appel à leur créativité. Les résultats de cette étude appuient l’idée selon laquelle les enfants ayant des troubles d’apprentissage pourraient effectivement présenter des profils scolaires reflétant leur « tendance neurologique » à solliciter le potentiel de l’hémisphère droit.
Les résultats d’études comme celle-ci renforcent l’idée voulant que les enfants ayant des troubles d’apprentissage puissent avoir des capacités intellectuelles qui s’écartent des parcours d’apprentissage traditionnels. Comme il est mentionné au début de cet article, Edie et Edie (2011) laissent entendre que les troubles d’apprentissage peuvent s’accompagner d’avantages distincts. Ils citent à l’appui de nombreux exemples de personnes dyslexiques ayant remarquablement bien réussi. Leur réussite, pense-t-on, serait liée au fait qu’elles utilisent un type de traitement neurologique qui n’est autrement pas sollicité pour les tâches scolaires. Ce sont là des exemples de personnes qui attribuent leur réussite au fait d’avoir des troubles d’apprentissage.
Une autre implication importante de cette étude gravite autour de l’idée qu’aujourd’hui les enfants doivent être préparés à envisager des emplois et des carrières qui empruntent des trajectoires qui vont bien au-delà des parcours d’apprentissage traditionnels. [Traduction libre] « Soixante-cinq pour cent des enfants d’âge préscolaire d’aujourd’hui occuperont demain un emploi ou poursuivront une carrière qui n’existe pas encore. » (Kielberger, 2017, Huffington Post) Pour répondre aux exigences d’emplois qui n’existent pas encore, les responsables des systèmes d’éducation doivent songer à l’avenir. Traditionnellement, les modèles des programmes d’éducation ont été conçus pour enseigner des compétences de base axées sur l’alphabétisation, les mathématiques, les sciences, les arts traditionnels et la musique, et n’ont pas accordé suffisamment de place à la promotion des compétences liées à la créativité et à la résolution créative de problèmes. Nous pouvons cependant avancer l’hypothèse que nos modèles éducatifs contemporains ne sont plus en phase avec les perspectives sociales et économiques actuelles. Partant, pour réussir sur le marché du travail de demain, les enfants auront besoin d’acquérir des compétences et de maîtriser des techniques qui s’écartent des parcours d’apprentissage traditionnels. Pour qu’ils aient accès à ces nouvelles trajectoires, nous pourrions, entre autres, leur offrir la possibilité de développer leurs aptitudes à la pensée créative. Compte tenu de leur profil neurologique distinct, nous pouvons préparer les enfants ayant des troubles d’apprentissage à réussir dans les milieux professionnels de demain. En permettant aux enfants, en particulier ceux qui ont des troubles d’apprentissage, de développer et de parfaire leurs aptitudes à résoudre des problèmes par la créativité, nous les préparons à réussir dans une société créative. Plusieurs stratégies précises et concrètes destinées à promouvoir la créativité et la résolution créative de problèmes peuvent être intégrées en classe. Même si l’analyse détaillée de la façon dont ces stratégies peuvent être mises en place dépasse la portée de la présente thèse, il importe que les professionnels de l’enseignement continuent d’offrir aux enfants ayant des troubles d’apprentissage des stratégies favorisant la pensée créative, comme l’enseignement différencié, le leadership créatif et la réflexion hors des sentiers battus. Grandir dans la créativité est un concept important, et les résultats de la présente thèse viennent renforcer l’idée selon laquelle les enfants ayant des troubles d’apprentissage peuvent être particulièrement doués pour la pensée créative.
[Traduction libre] « Les professionnels de l’enseignement contemporains considèrent la pensée créative comme l’expression ultime de l’apprentissage. Les psychologues la considèrent comme le summum de la réalisation de soi. Les chefs d’entreprise considèrent qu’elle est porteuse de caractéristiques essentielles à l’exercice du leadership au XXIe siècle. Bien qu’autrefois la créativité ait pu être perçue comme une nouveauté agréable, la capacité de résoudre des problèmes par la créativité est devenue une compétence vitale au XX1e siècle. Dans le contexte où la technologie prend progressivement le relais des tâches répétitives, notre réussite professionnelle et personnelle en dépend. » (Mandat de l’International Center for Studies in Creativity (ICSC) de l’État de Buffalo)
À mesure que nous progressons dans le XXIe siècle, notre société prend de plus en plus conscience de l’importance de la pensée créative. Plusieurs nouveaux programmes postsecondaires novateurs, comme le programme axé sur la créativité de l’État de Buffalo, reconnaissent qu’il est fondamental de préparer les élèves à réussir dans un monde créatif. Une politique visant à soutenir et à promouvoir la créativité et la pensée créative commence à émerger. Déjà, à l’échelle internationale, plusieurs pays ont commencé à élaborer des politiques provinciales et nationales pour favoriser la créativité et la pensée créative dans les milieux scolaires et professionnels. Par exemple, au Royaume-Uni, le ministère de l’Éducation s’est joint au National Advisory Committee on Creative and Cultural Education pour rédiger et publier un rapport intitulé All Our Futures: Creativity, Culture and Education (2006). Ce rapport souligne que tous les enfants et les adolescents peuvent tirer profit du développement de leurs aptitudes à la pensée créative, et que les programmes d’enseignement axés sur l’acquisition de ces aptitudes devraient être perçus comme une fonction générale de l’éducation. Il est également recommandé dans ce rapport de stimuler la créativité dans toutes les sphères des programmes d’enseignement. Les résultats de la présente étude confirment la pertinence de ces types d’initiatives stratégiques. Dans la société d’aujourd’hui, grandir dans la créativité peut se traduire par des compétences importantes et utiles. La présente étude visait à promouvoir l’idée que les enfants ayant des troubles d’apprentissage peuvent, de ce fait, être avantageusement prédisposés à la créativité et à la pensée créative. Il importe que tous les intervenants qui ont à cœur d’épauler les enfants ayant des troubles d’apprentissage s’emploient à reconnaître leurs points forts et leur offrent des occasions de s’épanouir.
John McNamara, Ph. D.
Université Brock
Références
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