Par Nathalie Arbour, Orthopédagogue au Service d’aide à l’apprentissage de Lanaudière et conseillère en services adaptés au collège de Saint-Jérôme
Parfois, les stratégies mises en place pour les jeunes ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) n’arrivent plus à soutenir l’élève et celui-ci se retrouve donc en situation de handicap. Alors qu’on leur demande de fournir encore plus d’effort, ces jeunes développent de l’anxiété et une mauvaise estime d’eux même reliées à leurs difficultés d’apprentissage, puisque les efforts déployés sont déjà au-delà de ce qu’ils sont en mesure de fournir lors des tâches ou évaluations.
Les données et exemples cités dans cet article en lien avec les impacts et manifestations du TDAH sur les apprentissages sont tirés de la pratique privée en orthopédagogie que j’effectue auprès de cette clientèle.
TDAH, médication et stratégies d’apprentissage
Tout professionnel est conscientisé au fait que la prise de psychostimulants peut offrir à l’élève la possibilité de déployer les stratégies apprises de manière plus efficace. Toutefois, il est important de préciser que la médication ne peut remédier à tout et ne peut devenir un critère dans le choix ou non d’attribuer une fonction d’aide technologique.
D’ailleurs, un tableau du Dr Farrelly & Coll (2013) démontre très bien l’existence d’effets résiduels qui nécessitent un support, et ce, même lors de la prise d’un traitement pharmacologique optimal. Cliquer ici afin d’accéder à ce tableau sur le site Web de la Clinique de services en psychologie. Les difficultés éprouvées en lecture, écriture et mathématiques par les élèves atteints du TDA ou TDAH sont décrites dans la littérature scientifique (Guay, 2016).
Dans un premier temps, tout dépendant des besoins ciblés, certains jeunes parviendront à réussir avec l’apprentissage de stratégies en lecture, en écriture et au niveau de l’organisation, communément appelé « l’aide humaine ». Néanmoins, il faut préciser que de se restreindre dans cette forme d’aide, malgré la présence de difficultés marquées et persistantes dans l’atteinte des exigences d’une tâche ou d’une compétence, serait une entrave dans le développement de l’autonomie de l’élève.
Analyse de besoins et TDAH
C’est à ce moment, à plus forte raison, qu’une bonne analyse de besoin sera essentielle afin de définir les difficultés rencontrées ainsi que les besoins éprouvés par l’élève. Cette analyse doit être effectuée par les spécialistes du monde scolaire, du monde médical en collaboration avec les parents. Celle-ci permettra de définir les difficultés et les meilleures stratégies à adopter dans le but de compenser les difficultés et ainsi offrir le meilleur soutien.
Dans certains cas, avoir recours aux fonctions d’aide incluses dans les logiciels spécialisés favorise le développement de l’autonomie et celles-ci peuvent s’avérer une bonne solution pour contourner les difficultés reliées au TDAH. Leur utilisation doit être toutefois enseignée à l’intérieur d’une pratique guidée afin que les élèves puissent démontrer leur potentiel et offrir un meilleur rendement scolaire.
L’impact du TDA/TDAH sur les apprentissages
Plusieurs jeunes et adultes fréquentant les institutions scolaires et ayant un TDAH éprouvent de grandes difficultés à plusieurs niveaux. Il est fréquent d’observer des atteintes portant particulièrement sur la concentration, l’organisation ainsi que la mémoire de travail. Celles-ci auront certes des répercussions en lecture, en écriture et en mathématiques.
Aussi, une distinction est faite entre les difficultés chez le TDA et TDAH qui devient alors une donnée importante à prendre en considération lors de la mise en place des adaptations
TDA et TDAH
Tout d’abord, le TDA se caractérise particulièrement par une atteinte des comportements d’inattention (attention soutenue, partagée et sélective). On observe également un ralentissement du traitement de l’information dans un cas sur deux (Guay, 2016). Ceci se traduit par des élèves qui oublient ou perdent leurs choses, qui manquent de temps de terminer la tâche dans les délais demandés. Tout devient alors long à accomplir.
Contrairement à un jeune ayant un TDAH avec hyperactivité et/ou impulsivité, un déficit des fonctions exécutives s’ajoute (Guay, 2016). Par ailleurs, dans ce cas l’organisation, la planification de l’action, l’inhibition et la mémoire de travail sont atteintes. Il n’est donc pas rare de voir des difficultés plutôt marquées qui persistent dans le temps malgré l’aide apportée.
L’impact du TDA/TDAH sur la lecture
En lecture, par manque d’inhibition, les comportements du TDAH se traduiront davantage par une vitesse de décodage rapide. Ce qui pourra occasionner des erreurs de précision, des sauts de mots, de lignes venant ainsi modifier le sens du texte et causer des problèmes de compréhension.
Chez l’élève TDA, les difficultés de compréhension seraient en partie causées par la lenteur du traitement de l’information, de la mémoire de travail ainsi que l’incapacité à bien contrôler l’interférence. C’est alors que des manifestations concrètes seront observées (Guay, 2016).
Dans les deux cas, l’élève éprouvera des difficultés à se souvenir du contenu et devra relire plusieurs fois le même passage pour intégrer le sens du texte. Toutefois, l’aide a
pportée pourrait différer selon les besoins.
L’impact du TDA/TDAH sur l’écriture
En écriture, l’élève TDAH aura tendance à produire des textes plutôt courts et moins bien structurés. Ayant un discours moins bien organisé à l’oral, des difficultés se reflèteront à l’écrit. De plus, avec la présence de l’impulsivité et leur manque d’organisation, il n’est pas rare d’observer que les phrases inscrites le soient dans un langage plutôt décousu et que le texte contienne beaucoup d’erreurs (Guay, 2016).
Exemples de fonctions d’aide pour l’élève ayant un TDA ou TDAH
Lors de l’analyse de besoins, on peut suggérer l’utilisation d’une aide technologique et des fonctions d’aide qu’elle contient. Ceci visera à compenser les difficultés de l’élève et le soutiendra dans les tâches à réaliser et ainsi diminuer l’écart qui existe entre les difficultés de l’élève et la tâche à réaliser.
Voici quelques fonctions d’aide qui se sont avérées utiles pour les élèves ayant un TDA/TDAH de l’élémentaire aux études supérieures :
- La fonction d’aide « nuage de mots » permettra à l’élève de dégager les mots clés d’un texte et ceux-ci deviendront alors des indices pour identifier les idées principales de l’auteur ou tout simplement connaître l’intention.
- La synthèse vocale peut favoriser la concentration de l’élève et le supporter au niveau des erreurs de précision. De plus, en ramenant la vitesse de lecture à un débit normal, cela peut avoir comme effet d’augmenter sa compréhension.
- La fonction d’aide idéation (cartes mentales) et qui inclut la fonction d’aide de conversion d’un mode graphique en mode séquentiel (logiciel Inspiration) pourra soutenir l’élève dans les tâches de lecture en notant toutes les informations recueillies pour ainsi offrir une vue d’ensemble du texte. Cette fonction est également utile en écriture, car elle permet de faire un plan avant une rédaction. La conversion automatique du schéma ou du plan en mode traitement de texte permettra de faire un résumé séquentiel des informations. De cette façon, l’élève peut obtenir un contenu synthétisé de sa lecture et éviter les erreurs de retranscription souvent observées dans les cas de jeunes dont l’attention divisée est fragile.
- En écriture, des erreurs reliées à la structure de phrase et/ou à l’oubli de mots peuvent être soutenues par une rétroaction vocale par synthèse vocale. Cette fonction d’aide offrira une relecture du texte écrit à l’aide d’une voix incluse dans certains logiciels. Cette rétroaction vocale a pour effet de faire prendre conscience à l’élève des erreurs commises et d’y apporter les corrections nécessaires.
- Étant donné qu’une tâche d’écriture exige plusieurs processus complexes, il est fréquent d’observer que des élèves ayant un TDAH, par manque de contrôle attentionnel, n’arrivent pas adéquatement à repérer leurs erreurs malgré une bonne connaissance des règles grammaticales. Une fonction d’aide de révision/correction sera alors utile et pourra pallier cette difficulté en fournissant des alertes visuelles des erreurs potentielles contenues dans un texte.
Afin de développer l’autonomie de l’élève, il est important que l’enseignement des fonctions d’aide s’effectue à l’intérieure d’une pratique guidée. On doit attendre que la fonction d’aide soit bien maitrisée par l’élève avant de passer à l’enseignement d’une autre.
Par exemple, pour favoriser la rétention des informations suite à une lecture, l’élève pourrait avoir recours à la synthèse vocale dans le but de bien se concentrer sur un paragraphe à la fois afin d’en dégager l’idée principale. Une fois l’exercice de la fonction d’aide bien maitrisé, il pourrait par la suite être enseigné à l’élève d’aller inclure ces informations à l’intérieure d’une carte conceptuelle pour obtenir une vue d’ensemble de son texte. En résumé, on enseigne l’utilisation de la fonction d’aide synthèse vocale d’abord et une fois bien maitrisée, on passe à l’enseignement de la fonction d’aide idéation et conversion du plan en mode schéma ou mode séquentiel.
Individualiser l’analyse de besoins et collaboration
Peu importe les difficultés observées, il est important de préciser qu’un même diagnostic n’apportera pas les mêmes adaptations pour tous. Une analyse de besoins doit être faite en collaboration avec des professionnels du milieu scolaire et médical qui connaissent bien la problématique afin d’octroyer les adaptations pouvant contourner le déficit.
Les parents sont également un atout important à considérer dans le processus. Comme ils devront soutenir leur enfant quant à l’utilisation, ceux-ci doivent être informés et formés dans le but de favoriser l’intégration de ces outils.
L’important est d’assurer la collaboration entre les divers intervenants et d’offrir une formation adéquate et un suivi de l’élève. Ce dernier pourra exploiter de façon efficace ses fonctions d’aide technologiques tout en utilisant les stratégies apprises en vue de développer son autonomie et sa réussite scolaire.
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école
Cliquer ici afin d’accéder à l’article Abécédaire pour l’enseignement aux élèves ayant un TDA/H.
Cliquer ici afin d’accéder à l’article Les fonctions exécutives et les troubles d’apprentissage.
Ressources supplémentaires
Références
Farrelly, G. & coll. (2013). CADDRA conference, Toronto. Cité sur le site Web de la Clinique en services de psychologie. Repéré à http://www.cliniquepsy.ca/wp-content/uploads/2016/09/pharmaco.png
Guay, M-C. (2016). Les difficultés d’apprentissage chez les jeunes qui ont un TDA ou un TDAH. Approche neuropsychologique de l’apprentissage chez l’enfant, 28 (1).
Nathalie Arbour détient un baccalauréat en adaptation scolaire et social et une mineure en orthopédagogie ainsi qu’un baccalauréat en enseignement du préscolaire et primaire. Dans les années antérieures, 20 ans ont été dédiés à la commission scolaire des affluents où elle a acquis de l’expérience comme enseignante en classe d’adaptation scolaire, en classe régulière et comme orthopédagogue. Les deux dernières années ont été consacrées plus spécifiquement comme conseillère pédagogique et orthopédagogue-conseil. Depuis 2012, elle est conseillère en services adaptés au collège de Saint-Jérôme et se spécialise principalement au niveau des troubles d’apprentissage, du trouble déficitaire de l’attention et des aides technologiques. Dans ses présentes fonctions, elle soutient les étudiants en situation de handicap, offre des formations sur les aides technologiques et des conférences portant sur les mêmes sujets. Elle travaille également, en bureau privé, comme orthopédagogue auprès de la clientèle du primaire jusqu’au collégial.
Ecrire un commentaire
Vous devez être identifié pour poster un commentaire.