
Article rédigé par Martin Smit, conseiller pédagogique, LDAO
Égalité et équité en éducation
La différence entre l’égalité et l’équité dans les écoles a fait l’objet de nombreuses discussions. Même si on ne s’entend sur aucune définition commune, disons qu’en termes généraux, l’égalité peut être définie comme étant le fait de donner à tous l’accès aux mêmes ressources, tandis que l’équité signifie donner à certains élèves l’accès aux ressources particulières dont ils ont besoin pour faire leur apprentissage et s’épanouir. Des rapports récents publiés en Ontario ont fait ressortir plusieurs problèmes importants liés à l’équité en éducation. La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), les données du recensement du Canada et le rapport de la section ontarienne de l’International Dyslexia Association (IDA Ontario) intitulé Lifting the Curtain on EQAO Scores ont révélé la grande vulnérabilité des élèves ayant des troubles d’apprentissage ainsi que les obstacles qu’ils doivent surmonter pour apprendre. Les problèmes d’équité comportent de nombreuses composantes importantes dont la culture, la détermination du genre et la situation socioéconomique, pour n’en nommer que quelques-unes. Dans le présent article, nous reconnaissons l’importance et l’interconnectivité de tous les obstacles à surmonter, mais nous examinons plus particulièrement les problèmes liés à l’utilisation de la technologie d’assistance auxquels doivent faire face les élèves ayant des troubles d’apprentissage (TA).
Ce que révèlent les données
En 2018, la Commission ontarienne des droits de la personne a publié un document de politique intitulé L’éducation accessible aux élèves handicapés. Ce rapport attire l’attention sur le fait que « les élèves handicapés continuent de se heurter à des obstacles lorsqu’ils tentent d’obtenir des services d’éducation en Ontario » (CODP, 2018, p. 4).
Parmi ces obstacles, mentionnons entre autres :
- la communication inefficace aux parents et élèves du droit à l’accommodement;
- le manque de ressources et de soutien en salle de classe;
- les longues listes d’attente pour obtenir une évaluation;
- les attitudes négatives;
- les stéréotypes.
Les données du recensement du Canada de 2017 révèlent des obstacles semblables pour les personnes handicapées âgées de 15 ans et plus. Les principales constatations sont les suivantes : 22 % de la population canadienne âgée de 15 ans et plus (environ 6,2 millions de personnes) présentait au moins un handicap, et 77 % des jeunes handicapés avaient également une déficience mentale et/ou un trouble d’apprentissage (ACTA, 2019).
Par ailleurs, il est bien connu que les personnes handicapées sont souvent plus susceptibles d’être moins instruites, sans emploi, pauvres et en moins bonne santé (Statistique Canada, 2018). Ces statistiques créent une forte obligation morale sur les professionnels de l’enseignement concernant l’élimination ou la diminution des obstacles et l’accès des élèves handicapés à une expérience scolaire équitable.
En 2012, la famille Moore a déposé une plainte relative aux droits de la personne contre un conseil scolaire de la Colombie-Britannique. Elle alléguait que leur fils n’avait pas reçu les accommodements dont il avait besoin pour faire son apprentissage et qu’il avait fait l’objet de discrimination en raison de ses troubles d’apprentissage. La Cour suprême du Canada a affirmé le droit des élèves ayant des troubles d’apprentissage à un accès véritable à l’éducation (Moore c. Colombie-Britannique) [Éducation], 2012, CSC 61). Elle a conclu qu’un élève a véritablement accès à l’éducation lorsque ses besoins particuliers sont pris en compte. C’est sur cette décision que la CODP s’est fondée en février 2022 pour publier son rapport intitulé Le droit de lire.
Cliquez ici pour en savoir plus sur le procès Moore c. Colombie-Britannique.
Dans son rapport intitulé Lifting the Curtain on EQAO Scores, la section ontarienne de l’International Dyslexia Association (IDA Ontario) a analysé les résultats des élèves aux tests de l’Office de la qualité de la responsabilité en éducation (OQRE) au cours des 15 dernières années et a mis au jour des inquiétudes concernant un accès véritable à l’éducation. Les trois principales constatations de ce rapport sont les suivantes : une hausse importante (de 3 à 18 %) liée à l’utilisation de la technologie d’assistance; une baisse continue du nombre d’élèves qui passent et réussissent le Test provincial de compétences linguistiques (TPCL); le manque d’amélioration du taux de réussite sans assistance des élèves ayant un PEI (IDA Ontario, 2021).
Les constatations de l’IDA Ontario et l’affaire Moore c. Colombie-Britannique révèlent une grave lacune dans l’utilisation de la technologie d’assistance au sein du système d’éducation actuel. Elles viennent appuyer les constatations de l’OQRE dans son rapport de 2022 intitulé Le droit de lire qui présente 157 recommandations au ministère de l’Éducation, aux conseils scolaires et aux corps professoraux sur la façon de remédier aux problèmes systémiques qui entravent le droit d’apprendre à lire. Parmi ces recommandations, les auteurs du rapport reconnaissent nettement qu’« au sein du système actuel, les mesures d’adaptation comme les technologies d’assistance servent souvent de substitut à l’enseignement efficace d’un programme de base en lecture fondé sur la science et à l’offre de mesures d’intervention précoce multiniveaux. » (CODP, 2022, p. 64)
Tendance actuelle en Ontario
Le modèle de l’enseignement dans les écoles ontariennes est de plus en plus fondé sur l’équité. Les élèves peuvent accéder à divers soutiens personnalisés pour pouvoir faire leur apprentissage. Ces soutiens peuvent comprendre des accommodements ou des modifications apportées aux programmes et au curriculum. Ils peuvent également comprendre l’attribution d’une place choisie pour s’asseoir, le prolongement d’un délai ou le recours à des outils spécialisés comme une technologie d’assistance. Dans les cas des élèves qui présentent un trouble d’apprentissage, les accommodements visant à éliminer les obstacles ne mènent pas toujours aux résultats escomptés en matière d’apprentissage. Ils sont parfois offerts sans qu’on ait adéquatement pris en compte les obstacles particuliers qui doivent être surmontés par l’élève concerné.
Le rapport intitulé Le droit de lire révèle que, souvent, les élèves qui utilisent la technologie d’assistance numérique ne possèdent pas la formation ni la préparation nécessaires, ce qui peut les rendre réticents face à cette technologie ou les empêcher d’en profiter au maximum. Il est maintenant plus courant que tous les élèves aient accès à certaines ressources liées à la technologie d’assistance, et ce, sur un pied d’égalité. Cependant, pour les élèves qui doivent surmonter des obstacles particuliers, le recours à cette technologie doit être réfléchi et ciblé. Cette approche permettra aux élèves de réaliser leurs travaux, de diminuer le nombre de tâches stressantes comme la lecture ou de démontrer leur compréhension. Lorsque les obstacles particuliers des élèves sont éliminés, ceux-ci ont véritablement accès à une éducation.
La technologie d’assistance peut aider les élèves à accéder au curriculum, mais bon nombre de ceux qui ont des troubles d’apprentissage continuent d’être placés dans des classes ou des groupes inappropriés au regard de leurs aptitudes, ce qui peut limiter grandement leurs perspectives postsecondaires. Ce type de placements peut également porter atteinte à l’estime de soi des élèves et diminuer leurs chances de terminer leurs études ou d’atteindre tout leur potentiel dans la vie. La technologie d’assistance constitue une forme d’accommodement courante dans les écoles ontariennes, mais elle n’est habituellement pas considérée comme une intervention précoce. Normalement, elle ne comble pas les lacunes en matière d’apprentissage et, en soi, elle peut être source de discrimination et entraver l’apprentissage (CODP, 2022, p. 43). Cet obstacle n’est pas décelé facilement en Ontario parce que les tests provinciaux de l’OQRE ne mesurent pas les véritables habiletés de tous les élèves en lecture et en écriture. Il est possible de mesurer la compréhension et d’autres habiletés des élèves qui utilisent la fonction texte-parole ou parole-texte en guise d’accommodement, mais leur sous-performance en lecture et en écriture n’est pas évaluée. Cette absence de mesure peut donner l’illusion que l’élève fait des progrès ou qu’il ou elle possède certaines habiletés, ce qui peut poser problème lorsque ces habiletés sont requises dans un contexte postsecondaire ou professionnel (IDA Ontario, 2021). Autrement dit, la technologie d’assistance n’est pas une intervention fondée sur des données probantes et elle n’aide pas les élèves à apprendre à lire. Ainsi, le recours à la technologie d’assistance peut facilement devenir un objectif qui manque de précision, ce qui peut créer un sentiment d’isolement accru chez les élèves ayant des troubles d’apprentissage lorsqu’ils voient les habiletés en lecture de leurs camarades de classe s’améliorer contrairement aux leurs.
Le recours à la technologie d’assistance pose un autre problème d’équité du fait qu’il peut empêcher les élèves de recevoir un soutien approprié de niveau 2 ou 3. Un professionnel de l’enseignement pourrait présumer que des outils comme un logiciel parole-texte ou texte-parole répondent aux besoins des élèves et qu’aucune autre intervention n’est requise. Cependant, pour éliminer les obstacles pour ces élèves, il faut utiliser une approche multidimensionnelle qui leur permet de répondre aux attentes du curriculum en classe tout en comblant les écarts liés aux habiletés de base comme le décodage et la reconnaissance des mots. Des tests de dépistage et des tests ciblés doivent être utilisés pour cerner les besoins particuliers des élèves. Une fois qu’un profil scolaire a été élaboré pour un ou une élève, les professionnels de l’enseignement peuvent créer un plan ciblé pour améliorer ces habiletés de base en particulier afin que l’élève puisse obtenir du soutien et que ses progrès puissent être surveillés au niveau approprié, à la fréquence et au niveau d’intensité requis. Cela établit une nette distinction entre le but de la technologie d’assistance et l’amélioration d’habiletés ciblées.
Assurer l’équité au moyen de la technologie d’assistance
Pour pouvoir utiliser la technologie d’assistance de façon équitable, il faut d’abord discuter en détail des points forts et des besoins des élèves concernés. Les professionnels de l’enseignement ont facilement accès aux renseignements personnels des élèves dont les troubles d’apprentissage ont été reconnus ainsi qu’aux résultats des évaluations effectuées auprès d’eux, telles que des évaluations psychologiques et scolaires. Dans le cas des élèves dont les problèmes d’apprentissage n’ont pas été reconnus officiellement, il faut mener des tests effectués au niveau scolaire de l’élève et recueillir des renseignements personnels sur celui-ci ou celle-ci ainsi que des données d’observation. Le recours à un outil comme AT Select constitue un bon point de départ. Cette ressource en ligne aide les professionnels de l’enseignement à déterminer quelle technologie d’assistance est la plus appropriée pour aider l’élève et à quels résultats particuliers on peut s’attendre. Mais ce n’est qu’une partie du processus nécessaire pour assurer l’équité en éducation.
Il existe de nombreuses ressources telles que les outils et qui peuvent aider les professionnels de l’enseignement à bien comprendre la complexité de l’enseignement de la lecture. Lorsqu’ils sont compris et utilisés, ces outils aident à cibler les habiletés à enseigner et à mettre en pratique. Ils aident également à déterminer comment la technologie peut favoriser l’enseignement de certaines habiletés et font ainsi de la technologie d’assistance une technologie pédagogique. La technologie pédagogique permet de surveiller les progrès et d’adapter le rythme en fonction des besoins particuliers des élèves. À l’aide d’un plan d’enseignement bien défini, les enseignants peuvent faire la distinction entre les accommodements qui aident un ou une élève à accéder au curriculum et ceux qui permettent d’améliorer les habiletés liées au décodage et à la reconnaissance des mots.
La technologie d’assistance est un outil indispensable pour éliminer les obstacles à l’éducation auxquels doivent faire face les élèves ayant des troubles d’apprentissage. Il est évident que nous devons nous montrer prudents et réfléchir attentivement à la façon dont nous utilisons la technologie d’assistance pour appuyer les élèves afin de nous assurer qu’ils accèdent véritablement à l’éducation. L’accent étant nouvellement mis sur l’enseignement de la littératie fondé sur des données probantes en Ontario, les professionnels de l’enseignement devront s’assurer que les élèves ayant des troubles d’apprentissage continuent d’améliorer certaines habiletés en lecture comme les autres élèves. La technologie d’assistance doit jouer un double rôle : celui d’un soutien en matière d’intervention et celui d’un outil visant à aider les élèves à accéder au curriculum de leur niveau scolaire et à démontrer leur apprentissage. La solution la plus équitable pour soutenir les élèves ayant des troubles d’apprentissage consiste à adopter une approche équilibrée et bien contrôlée concernant l’utilisation de la technologie d’assistance.
Références
IDA Ontario (2021). Lifting the Curtain on EQAO Scores. International Dyslexia Association Ontario. Retrieved August 30, 2022, from https://www.idaontario.com/wp-content/uploads/2021/09/LiftingTheCurtainOnEQAO69747.pdf.
LDAC (2019). Canadian survey on disability - reports a demographic, employment and Income Profile of Canadians with disabilities aged 15 years and over, 2017. The Learning Disability Association of Canada. Retrieved August 30, 2022, from https://www.ldac-acta.ca/canadian-survey-on-disability-reports-a-demographic-employment-and-income-profile-of-canadians-with-disabilities-aged-15-years-and-over-2017/#:~:text=HIGHLIGHTS,aged%2075%20years%20and%20over.
Statistics Canada (2018). Canadian Survey on Disability Reports: A demographic, employment and income profile of Canadians with disabilities aged 15 years and over, 2017. Retrieved August 23, 2022, from https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/as-sa/98-200-x/2016015/98-200-x2016015-eng.cfm
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