
Par Dre Hélène Flamand
La perception d’une prévalence élevée des troubles anxieux dans l’enfance est relevée de plus en plus fréquemment depuis la récente pandémie, dont les impacts sur le développement des enfants ne sont évidemment pas connus, à long terme. Mais est-ce seulement une perception ou bien un constat ?
Les troubles anxieux sont parmi les plus fréquents troubles psychologiques diagnostiqués dans la population. Cette constatation est également faite chez les enfants et les adolescents (Turgeon et Ayotte, 2021). Rappelons que les troubles anxieux se caractérisent par une anxiété persistante (durée de plus de 6 mois) provoquant un état de détresse ou des comportements inadaptés pour réduire l’anxiété (Myers et DeWall, 2016).
L’anxiété est décrite comme une réaction de peur à un danger anticipé, et/ou une réaction de peur excessive à un objet ou une situation comportant des défis ou jugée menaçante. Selon l’American Psychiatric Association (2013), les troubles anxieux les plus fréquemment diagnostiqués chez les enfants et les adolescents sont l’anxiété de séparation, le trouble d’anxiété spécifique et le trouble d’anxiété sociale.
Chez les jeunes enfants, la peur des menaces extérieures domine, alors que les menaces intérieures prennent plus de place chez les adolescents (Turgeon et Ayotte, 2021). Par ‘menaces extérieures’, on entend généralement les menaces à l’intégrité physique, par exemple, la peur d’être blessé, malade ou mutilé. Par ‘menaces intérieures’ on entend habituellement la peur du jugement des autres et l’anxiété de performance, c’est pourquoi la prévalence de l’anxiété sociale augmente avec l’âge, pour culminer à l’adolescence. Ce phénomène s’explique par la prise de conscience de soi, de ses habiletés et de ses limites, qui prend place au fur et à mesure que le cerveau se développe.
Citant les chiffres de l’Institut de la statistique du Québec en 2018, Turgeon et Ayotte (2021) rapportent que le taux de prévalence des troubles anxieux aurait doublé en 10 ans chez la population québécoise âgée de 5 à 17 ans, les troubles augmentant en propension à l’adolescence. Les mêmes constats ont été faits dans une étude américaine sur la prévalence de l’anxiété et de la dépression chez les enfants (Blitsko et. al, 2018). Toutefois, l’étude américaine nous rappelle qu’une meilleure identification des troubles anxieux par les familles et leur accès à des ressources, telles un pédiatre, peut avoir contribué en partie à l’augmentation des taux de prévalence de ces troubles chez les enfants et les adolescents.
L’augmentation de la prévalence des troubles anxieux chez les enfants et les adolescents au cours de la décennie précédant la pandémie a tout de même été constatée partout en Amérique. Toutes les études relatives à l’anxiété, peu importe la clientèle, soulignent également la présence importante de co-morbidité (conditions associées), telles que les troubles de l’humeur et les problèmes de santé physique (plaintes somatiques), puisque le manque de sommeil, l’augmentation du rythme cardiaque qui accompagnent l’anxiété peuvent, à long terme, affectent la santé physique et mentale à long terme.
Pour aggraver les choses, les données de recherche encore fragmentaires concernant les conséquences de la pandémie ont relevé une augmentation de l’anxiété de performance chez les adolescents (Radio-Canada, 2 février 2022), en raison de la perception de manque d’habileté réelle et perçu suite à la perte et/ou la diminution des opportunités éducatives et sociales au cours de cette période. L’anxiété de performance est une forme spécifique d’anxiété reliée aux situations d’évaluation scolaire (Lupien, 2018). L’anxiété de performance a pour conséquence de diminuer la prise de risque chez les adolescents.
Si vous êtes parents ou enseignant et vous avez l’impression qu’une très forte proportion des jeunes d’aujourd’hui sont trop anxieux, ce n’est donc pas votre imagination qui vous joue des tours. Et si vous êtes parent et/ou enseignant, vous vous demanderez sans doute que faire. Les différents modèles d’intervention pour les troubles anxieux auprès des enfants, qui ne cessent d’évoluer depuis les années 1990, nous offrent quelques pistes de solution à cet égard.
Traditionnellement, les troubles anxieux chez les jeunes sont traités avec des thérapies individuelles, basées sur l’approche cognitivo-comportementale, lesquelles ont fait largement leurs preuves pour traiter ces troubles (Turgeon et Ayotte, 2021). Rappelons brièvement que les thérapies cognitivo-comportementales ciblent les émotions, les manifestations physiologiques qui les accompagnent, de même que les cognitions et comportements en relation avec l’anxiété. Elles incluent l’éducation concernant l’anxiété et ses symptômes, de même que la relaxation, la résolution de problème, l’exposition systématique (dans le cas traitement des phobies), la réévaluation cognitive de même que l’entraînement aux habiletés sociales (Turgeon et Amyotte, 2021).
Quoiqu’offertes à l’origine de façon individuelle, selon Turgeon et Amyotte (2021), ces thérapies se voient souvent proposées sous forme de programmes pouvant être livrés individuellement ou en groupe, de type préventifs comme ceux offerts aux enfants qui présentent des risques développementaux (tempérament inhibé, antécédents familiaux, enfants surprotégés ou ayant vécu des événements traumatisants). Certains thérapeutes offrent également ces mêmes approches sous forme de thérapie familiale. Depuis la pandémie, la télé-thérapie est un phénomène qui a nettement gagné en popularité.
Informez-vous de ce que l’école peut vous offrir. Une bonne façon pour les parents et les enseignants de se renseigner à ce propos est de consulter la liste des programmes de l’école, de même que le type de services spécialisés offerts. Une courte recherche sur le site web de la commission scolaire peut recéler de l’information importante.
Parmi les approches qui gagnent en popularité depuis quelques années, on retrouve le yoga et la méditation pleine conscience. Ces deux méthodes sont très populaires parce qu’elles aident les jeunes à apprendre à autoréguler les émotions, une compétence qui leur servira pendant toute leur vie. Elles sont relativement peu couteuses et souvent disponibles dans la communauté. La méditation pleine conscience aide les enfants à diminuer leur anxiété en leur rappelant de vivre le moment présent et non en anticipant le futur. Quelques minutes par jour suffisent souvent pour constater non seulement une diminution de l’anxiété, mais l’amélioration du comportement, des habiletés sociales et de la créativité (Boily, 2016).
Toujours d’après Boily (2016), l’efficacité de la méditation pleine conscience se doit à l’amélioration de la connectivité entre les aires du cerveau responsable de l’attention et de la gestion du comportement. Boily (2016), dans le site web Aidersonenfant.com, donne une bonne description d’exercices de méditation pleine conscience pouvant être pratiquée en famille. Ces exercices peuvent être facilement transposés à la situation scolaire. Sur le site de TAalecole.ca, on peut également consulter un webinaire sur le sujet de la méditation pleine conscience conçu pour les enseignants. Des exercices y sont également fournis (en bibliographie).
Lupien (2018), pour sa part, recommande de réinterpréter la menace perçue plutôt comme un défi, ce que les thérapeutes d’orientation cognitive peuvent travailler avec l’enfant, écouter de la musique et bouger. Les psychologues scolaires et les conseillers en orientation peuvent aider l’enfant qui souffre d’anxiété d’évaluation à mieux gérer son travail et ses habitudes d’étude.
Bref, n’ayez pas peur d’essayer plusieurs approches et de faire appel aux professionnels disponibles à l’intérieur comme à l’extérieur du système scolaire. N’oubliez pas non plus de faire l’inventaire du style de vie de la famille et de l’enfant, et de vous assurer qu’il soit en bonne santé physique.
Bibliographie
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders DSM-5 (5e éd.). https://doi.org/10.1176/appi.bouks.978089042556.
Blitsko, R.H., Holbrook, J.R. , Ghandour, R.M., Blumberg, S.J., Visser, S.N., Perou, R. & Walkup, J. T.. (2018). Epidemiology and Impact of Health Care Provider-Diagnosed Anxiety and Depression Among US Children. Journal of Developmental & Behavioral Pediatrics, 39 (5), 395-403.
Boily, E. (2016). La pleine conscience pour apaiser l’anxiété des enfants. Site web Aidersonenfant.com. https://aidersonenfant.com/pleine-conscience-apaiser-lanxiete-enfants/
Lupien, S. (Automne, 2018). L’anxiété de performance chez les jeunes. Mammouth (18).
Myer, D.G. et DeWall, C.N. (2016) Psychologie, 11e édition. Lavoisier.
Radio Canada (2022, 2 février). https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/place-publique/segments/entrevue/389084/psychologue-trouble-anxieux-stress
Turgeon, L. et Ayotte, E. (2021). L’anxiété chez les enfants et les adolescents : Enjeux spécifiques. Cahiers du savoir. OPQ no. 2
TA@lecole.ca (s.d.) https://www.taalecole.ca/wp-content/uploads/2014/05/MindfulnessPractices_FRE.pdf
Dre Flamand est psychologue scolaire de formation et enseignante à la Faculté St-Jean (University of Alberta). Elle enseigne des cours de psychologie en relation avec le développement et l'inclusion scolaire. Elle maintient également une pratique privée et fait toujours des évaluations psycho-éducationnnelles. A ses heures de loisirs, elle s'implique dans la communauté et dans la littératie précoce. Jusqu'à ce jour, elle a publié 8 livres pour enfants aux Editions la nouvelle plume.
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