La santé mentale et les troubles d'apprentissage
La santé mentale demeure un problème fondamental pour les professionnels de l’enseignement puisqu’elle a un impact majeur sur la réussite scolaire. En effet, le bien-être mental d’un élève a des conséquences importantes sur son apprentissage et comportement en classe. C’est pourquoi le ministère de l’Éducation de l’Ontario a développé le document Vers un juste équilibre : Pour promouvoir la santé mentale et le bien-être des élèves, comprenant des renseignements pour aider les professionnels de l’enseignement à comprendre les problèmes de santé mentale et à soutenir le bien-être des élèves.
Selon le document, Vers un juste équilibre (page 12),
La plupart des estimations suggèrent que 15 à 20 % des enfants et des jeunes sont aux prises avec un problème de santé mentale. Cela pourrait signifier que dans une classe de trente élèves, cinq ou six élèves peuvent avoir un problème de santé mentale et trois ou quatre un problème qui perturbe beaucoup leur quotidien. Les recherches révèlent que les problèmes de santé les plus courants chez les enfants et les jeunes sont, par ordre décroissant d’importance:
- les problèmes d’anxiété,
- les problèmes comportementaux (y compris le TDAH et le trouble des conduites),
- les problèmes de l’humeur (p. ex., troubles dépressifs) et
- les problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme.
Cliquer ici afin d’accéder au document complet, Vers un juste équilibre.
Le présent article traite de la santé mentale en relation avec les troubles d’apprentissage (TA). Il s’agit des extraits du document développé par Integra, LDMH: A Handbook on Learning Disabilities and Mental Health [TASM : Guide sur les troubles d’apprentissage et la santé mentale]. Veuillez noter que la liste de références complète se trouve dans le document original d’Intgra, cité ci-dessous.
Qu’est-ce que la santé mentale?
La santé mentale fait partie de la santé globale et s’exprime par :
- la façon dont une personne ressent, pense et agit;
- la façon dont elle compose avec les hauts et les bas du quotidien;
- les sentiments qu’elle entretient à l’égard d’elle‑même et de sa vie;
- la manière dont elle se perçoit et envisage l’avenir;
- sa façon de gérer le stress et ses effets dans sa vie;
- sa façon de gérer les difficultés qui peuvent se présenter dans la vie;
- son estime de soi ou son assurance personnelle (CMHO, n.d.).
Quel est le lien entre les troubles d’apprentissage et la santé mentale?
Le lien entre les TA et la santé mentale est complexe. Les personnes aux prises avec des TA ont leur propre style d’apprentissage et des façons uniques de traiter l’information. Par ailleurs, le style d’apprentissage se transforme au fil du temps et l’impact des TA varie à mesure que l’enfant grandit et se développe. L’enfant qui a des TA peut avoir de la difficulté à « montrer ce qu’il sait », et il lui est parfois difficile de comprendre le sens de certaines choses, comme les interactions sociales. Confrontés aux défis inhérents aux TA, les enfants et les jeunes ont tendance à vivre un stress socio‑affectif qui peut prendre la forme de sentiments de frustration, d’inquiétude ou de solitude.
Nous savons que les personnes aux prises avec des TA sont de deux à trois fois plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé mentale (Wilson et al., 2009). Lorsque l’élève a de la difficulté à « montrer ce qu’il sait », il est naturel d’observer une augmentation du stress associé à l’école (Sparks et Lovett, 2009) et du taux de décrochage. Les personnes ayant des TA sont plus susceptibles de vivre des troubles d’anxiété, de dépression et d’idéation suicidaire (Svetaz, Ireland et Blum, 2000).
L’impact des TA sur la santé mentale
Les enfants et les jeunes ayant des TA vivent souvent des échecs à répétition. À l’école, ils peuvent travailler incroyablement fort sans obtenir un résultat à la hauteur de leurs efforts. Avec le temps, il leur devient de plus en plus difficile de continuer à essayer et ils vont souvent adopter des comportements perçus comme de la défiance ou de l’opposition alors qu’en fait, il peut s’agir d’une stratégie d’adaptation par l’évitement ou destinée à cacher le découragement.
Dans ce contexte, l’enfant finit par perdre son sentiment de maîtrise et a moins d’occasions de se sentir compétent dans quoi que ce soit ou d’avoir du succès. Les enfants et les jeunes ayant des TA peuvent avoir le sentiment de ne pas répondre aux attentes des autres, de décevoir leurs parents et enseignants et de ne pas faire assez d’efforts alors qu’en réalité, ils travaillent tellement fort. Tous ces facteurs peuvent engendrer des sentiments négatifs tels que l’inquiétude, la colère, la frustration et la tristesse.
Évitement expérientiel
En général, personne n’aime vivre des émotions difficiles. Il est donc tout à fait naturel de chercher à éviter les épreuves et la souffrance. Les enfants et les jeunes apprennent qu’il est peut‑être préférable de « mal se comporter que d’avoir l’air stupide » et peuvent passer à l’acte pour éviter la situation ou faire comme si elle n’existait pas; ils peuvent aussi s’auto-médicamenter, ou adopter des stratégies pour éviter de ressentir des émotions négatives et des stresseurs.
Cela peut les rendre plus réfractaires à accepter de l’aide, des mesures d’adaptation ou une démarche de thérapie. L’évitement expérientiel atténue la détresse sur le moment, mais à long terme, il s’agit d’une stratégie inadaptée. En n’apprenant pas à ressentir et à tolérer les émotions négatives intenses, la personne rate des occasions de renforcer sa maîtrise, d’acquérir des habiletés d’autorégulation et d’adaptation et de développer sa résilience.
Les TA exacerbent les problèmes de santé mentale
On peut envisager la santé mentale comme un continuum.
- La zone verte correspond à une bonne santé mentale qui permet d’avoir une attitude positive, de l’assurance et la capacité de gérer ses émotions.
- La zone jaune reflète un état de stress ou de détresse. Elle représente les réactions habituelles aux stress de la vie courante, comme une perte d’emploi, des difficultés conjugales, des soucis relationnels ou un stress scolaire. La plupart des gens vivent des périodes durant lesquelles ils se sentent dans la « zone jaune ».
- La zone rouge reflète des problèmes de santé mentale plus graves. Les symptômes peuvent être plus aigus, intenses, de longue durée et perturber considérablement le fonctionnement de la personne au quotidien. Souvent, les problèmes de la « zone rouge » nécessitent une intervention, comme une thérapie ou du counselling, et une médication dans certains cas.
Si l’on applique le continuum de la santé mentale au contexte des TA, la majorité des enfants et des jeunes ayant des TA vivraient des niveaux de stress et de détresse de la « zone jaune ». Toutefois, un certain nombre peuvent aussi être touchés par des problèmes de santé mentale qui perturbent leur fonctionnement quotidien et les amènent dans la « zone rouge ». Pour les enfants et les jeunes aux prises avec des troubles d’apprentissage et des problèmes de santé mentale (TASM) et leurs familles, une intervention peut être nécessaire pour les aider à participer activement à l’école, à entretenir des relations positives avec les pairs et à gérer leurs comportements et émotions intenses.
La présence de troubles ou de problèmes de santé mentale comme l’anxiété, la dépression et les réactions explosives chez l’enfant ou le jeune qui a des TA peut compliquer le tableau aux fins du diagnostic et du traitement. Par exemple, un jeune qui a des TA et qui souffre de dépression peut avoir une capacité de raisonnement moins rapide et une difficulté de concentration, ce qui pourrait être un signe de dépression, de TA ou des deux.
Un traitement éprouvé pour l’anxiété, comme une thérapie cognitivocomportementale (TCC) par exemple, pourrait nécessiter de la lecture et de l’écriture, deux activités qui peuvent être ardues pour l’enfant ayant des TA. Le rythme des thérapies manuelles n’est pas toujours adapté aux besoins d’apprentissage de l’enfant ou du jeune. L’existence de TA peut aussi perturber la capacité de l’enfant ou du jeune de faire face au stress, et il peut alors rester bloqué dans une résolution de problème ou avoir de la difficulté à réguler ses émotions.
TA et régulation des émotions
Les enfants et les jeunes ayant des TA et des problèmes de santé mentale ont particulièrement de la difficulté à réguler (ou à gérer) leurs émotions (Milligan, Badali et Spiriou, 2013). Le cortex préfrontal (la même région du cerveau associée aux fonctions exécutives) a notamment pour fonction de tempérer l’action de l’amygdale (partie du cerveau qui gère les émotions intenses). Une perturbation de la connexion entre le cortex préfrontal et l’amygdale entraîne des déséquilibres affectifs (Banks et coll., 2007; Gyurak et coll., 2011).
Régulation déficiente
Les enfants et les jeunes qui ont de la difficulté à contenir les émotions intenses peuvent sembler bloqués en position « Marche » et peuvent avoir de la difficulté à maîtriser leurs émotions et leurs comportements. Ces enfants auront tendance à adopter une réaction de type « combat » ou peuvent avoir besoin de l’aide d’autres personnes pour gérer les émotions intenses. Les comportements observables pourraient être une crise, une faible tolérance à la frustration, une réaction excessive, un accès de colère rapide et de la difficulté à se calmer.
Régulation excessive
Les enfants et les jeunes ont parfois de la difficulté à gérer les émotions intenses et les répriment solidement à l’intérieur d’eux. Il s’agit d’une réaction de fuite ou de blocage face à une menace perçue. Les comportements caractéristiques incluent le retrait, l’évitement, la susceptibilité ou la fermeture.
TASM : un cadre pour comprendre les problèmes de comportement
Les raisons pour lesquelles un enfant ou un jeune adopte des comportements négatifs sont nombreuses et variées, en particulier si l’enfant ou le jeune a un trouble d’apprentissage et un problème de santé mentale (TASM). Par exemple, ce qui pourrait sembler être de l’entêtement ou de l’opposition pourrait en fait indiquer que l’enfant a des TA liés à la vitesse de traitement et aux fonctions exécutives, ainsi qu’un trouble anxieux, et qu’il lui faut plus de temps pour comprendre les consignes ou commencer une activité, et qui fige lorsqu’il fait face à quelque chose de nouveau ou d’imprévu.
En plus des TA et des problèmes de santé mentale, d’autres facteurs peuvent contribuer au comportement que nous voyons en surface, comme des limitations physiques telles qu’un trouble d’intégration sensorielle (trop de bruit dans la classe, etc.), la fatigue ou la faim, des facteurs environnementaux (conflit ou changement récent à la maison, comportements appris, etc.) ou des problèmes sociaux (intimidation, exclusion, conflit avec des pairs, etc.).
Pour beaucoup d’enfants et de jeunes, le comportement est aussi une manière de communiquer qu’il se passe quelque chose d’autre.
Le comportement que l’on peut observer chez l’enfant ou le jeune ayant un TASM peut être plus complexe que ce que l’on voit « en surface ». Lorsqu’on prend le temps de se demander « que se passe-t-il d’autre derrière le comportement? » ou « quel est le message de ce comportement? », on arrive à mieux comprendre le comportement et on peut alors trouver des pistes de solution.
Une bonne analogie consiste à voir le comportement comme la pointe de l’iceberg (ce que nous voyons à la surface), tandis que les divers facteurs qui contribuent au comportement correspondent à la partie de l’iceberg qui se trouve sous l’eau et hors de la vue. Pour pouvoir agir sur le comportement de l’enfant ou du jeune, il faut essayer de comprendre ce qu’il y a « sous la surface » et trouver des façons d’enseigner les habiletés ou les comportements manquants.
Ce que le professionnel de l’enseignement peut faire
Les enfants et les jeunes ayant des troubles concomitants en matière d’apprentissage et de santé mentale ont un potentiel immense, et nous avons tous la possibilité d’appuyer leur résilience. En cherchant à comprendre les forces de l’enfant, en étant sensible à ses difficultés et en favorisant le développement des compétences plus faibles et les occasions de réussite, nous créons un environnement de bien-être positif propice à l’apprentissage.
Les facteurs de protection qui contribuent au bien-être et à la santé mentale incluent :
- créer des communautés informées et souples pour renforcer le sentiment d’appartenance ;
- encourager les relations significatives avec au moins un adulte bienveillant ;
- mettre l’accent sur les forces pour améliorer l’estime de soi ;
- encourager l’autonomie des enfants et des jeunes et montrer aux adultes bienveillants comment encourager les efforts d’autonomie ;
- enseigner directement les compétences manquantes et mettre en place des interventions thérapeutiques éprouvées qui sont adaptées aux besoins d’apprentissage de l’enfant ou du jeune.
Ressources pertinentes sur le site Web de TA@l’école
Cliquer ici afin d’accéder à la réponse à la question Comment promouvoir la santé mentale et le bien-être des élèves pour favoriser leur réussite à long terme?.
Cliquer ici afin d’accéder à l’enregistrement du webinaire La santé mentale et les élèves ayant des troubles d’apprentissage.
Cliquer ici afin d’accéder à l’article Stratégies pour appuyer les élèves ayant des troubles d’apprentissage qui éprouvent de l’anxiété.
Cliquer ici afin d’accéder au balado L’estime de soi chez les élèves ayant des TA.
Cliquer ici afin d’accéder à l’article Santé mentale et TA : Mythes et réalités.
Ressources supplémentaires
Cliquer ici afin d’accéder au site Web Integra Program at Child Development Institute (en anglais seulement).
Cliquer ici afin d’accéder à l’application Toute ma tête.
Ouvrages de référence
Children’s Mental Health Ontario (CMHO). (n.d.). Mental Health: The Basics. Repéré à http://www.kidsmentalhealth.ca/children_youth/introduction.php
Integra. (2016). LDMH: A Handbook on Learning Disabilities and Mental Health. Repéré à https://www.childdevelop.ca/sites/default/files/files/Sept%2022%20Integra%20LDMH%20Handbook%202016.pdf
Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2013). Vers un juste équilibre : Pour promouvoir la santé mentale et le bien-être des élèves. Repéré à http://www.edu.gov.on.ca/fre/document/reports/supportingmindsfr.pdf