Loading Ajouter aux Favoris

Par Stéphanie Martel, orthopédagogue

En travaillant en milieu scolaire, nous sommes confrontés à différents profils d’élèves. L’enseignement apporté en groupe classe ne rejoint toutefois pas tous les types d’apprenants. Les élèves davantage en difficulté d’apprentissage peuvent être redirigés vers le service d’orthopédagogie. Ce service est offert dans les écoles québécoises. Le rôle de l’orthopédagogue est de rééduquer certaines notions préalables aux apprentissages en petits groupes ou de manière individuelle dans l’objectif de leur permettre de poursuivre la suite des apprentissages au même rythme que le reste du groupe. Ce faisant, l’orthopédagogue outillera également les élèves ciblés de stratégies diverses. Malgré l’aide offerte par l’enseignant ou l’orthopédagogue, il est possible d’observer une réfraction aux interventions. Évidemment, ce blocage face aux apprentissages peut être expliqué de différentes manières et aussi provenir de diverses blessures vécues par l’élève dans son parcours de vie. Peu importe ses expériences passées, être en mesure de développer un lien significatif avec un élève peut faire la différence. En tant que professionnel de l’enseignement, il est de notre mission de trouver une manière d’activer le plein potentiel de ces enfants en mettant en pratique de simples gestes pour les aider à croire en eux et en adoptant des comportements gagnants qui peuvent avoir une plus grande portée sur la poursuite de leurs apprentissages, et ce, tout en prenant en considération les enjeux du milieu.

Le pouvoir de l’effet Pygmalion

Un des rôles primordiaux d’un intervenant en éducation est de déconstruire une fausse idée que l’élève se fait de lui-même. Le simple fait de croire qu’un élève est capable de vivre des victoires et lui démontrer qu’il a un potentiel de réussite peut faire toute cette différence. Le phénomène psychologique de l’effet Pygmalion théorisé par Robert Rosenthal et Léonore Jacobson en 1960 démontre que les attentes des autres envers une personne exercent une influence sur le comportement et la performance de celui-ci.

Les enfants en difficulté avec lesquels nous travaillons peuvent avoir une estime de soi ayant été altérée par un environnement ayant peu de rétroactions rassurantes et encourageantes, démontrant peu de félicitations ou véhiculant une faible croyance en leur potentiel. L’enfant en question aura tendance à adopter des comportements qui le placeront en situation d’échec. Et, à force de voir qu’il est incapable de vivre des réussites, il ne se retrouvera jamais en situation de succès. L’objectif est de renverser ses impressions pour que l’enfant croie qu’il est en mesure de s’améliorer et d’atteindre les standards. Inconsciemment, les enseignants ont tendance à être plus chaleureux et bienveillants envers les élèves ayant des facilités d’apprentissage et moins rassurants et amicaux, en étant plus rapides sur la réprimande envers ceux éprouvant des fragilités (Martinek, 1982). D'où là l’importance, pour le professionnel de l’enseignement, de prendre conscience des mots et du comportement non verbal utilisés lors de rétroactions face au travail réalisé par un élève, de valoriser les efforts fournis et les tentatives entreprises. Il est primordial d’accorder une attention positive afin de démontrer à l’élève qu’il a un potentiel permettant de performer et de vivre des réussites. De cette manière, il développera sa motivation, son estime de soi et sa confiance en lui; les atouts nécessaires à la réussite.

La douce patience

L’attitude prioritaire à adopter lors des interventions avec les élèves est sans aucun doute la patience. Il faut le savoir tout de suite, spontanément, les réactions de certains élèves face à un nouvel intervenant et à l’aide apportée peuvent être négatives ou désintéressées. Cette réaction n’est pas dirigée directement contre l’intervenant. Elle est bien souvent liée à ses enjeux personnels. Même si ces comportements semblent nous dire qu’ils ne veulent pas s’impliquer dans un processus de travail et ne désirent pas l’aide offerte, il en est probablement le contraire. Avant de battre en retraite, il faut accueillir cette attitude et prendre le temps d’écouter. Il faut s’apprivoiser. En tant que professionnel, il sera bienfaisant de persévérer dans la suite des interventions prévues.

Avancer par petits pas

Comme il a été abordé précédemment, un élève n’aura pas tendance à s’ouvrir facilement à un intervenant externe. Pour être capable d’intégrer les apprentissages, l’enfant doit être apte à recevoir. Pour accueillir, il doit se sentir confortable et en confiance avec l’intervenant. Or, avant de commencer à intervenir et à parler de notions quelconques, il faudra s’intéresser à eux, à leur profil, à leurs intérêts. Lors des premières interventions en petits groupes ou individuelles, les élèves seront peut-être sur la défensive. Ils pourront même adopter des comportements réfractaires dans l’objectif de nous faire reculer ou abandonner en espérant qu’on le laisse tranquille. Il faut savoir reconnaitre et accepter la limite de l’élève avant de continuer ou ajuster nos actions. Pour avoir les chances de notre côté, avant d’amorcer une rééducation, il est nécessaire de se présenter, expliquer notre rôle et le pourquoi de notre implication en tant qu’intervenant. Si un élève ne comprend pas la raison de notre présence, la collaboration ne sera pas facile. Les premières rencontres pourront peut-être s’écarter de la matière comme telle. Pour aider à gagner en confiance et à toucher une zone qui rendra l’élève assez à l'aise pour être à l’écoute et disposé aux apprentissages, il est profitable de réagir positivement chaque fois que l’occasion se présente à l’extérieur des moments d’intervention. Un lien se tissera peu à peu. Les petites attentions comme saluer dans les corridors de l’école, faire un sourire, un hochement de tête ou avoir un regard bienveillant créeront un rapprochement.

Respecter la proxémie

L’anthropologue Edward T. Hall a développé le concept de zone de proxémie (1960). L’espace proxémique est l’espace qu’une personne maintient instinctivement dans ses relations interpersonnelles. Selon l’anthropologue, cet espace est défini comme une bulle invisible à l’intérieur de laquelle la présence d’une autre personne n’est pas appréciée ou rend mal à l’aise.

Il peut arriver, pour certains élèves, en fonction de leur profil, la bulle peut être plus ou moins grande. Ils peuvent avoir facilement l’impression d’être envahis. Ce ne sont pas nécessairement tous les élèves qui laisseront entrer facilement un intervenant externe dans leur espace personnel. Si cette situation se présente, l’intervenant se doit d’être prudent lors de son approche physique. Il est préférable de demander avant de se positionner près de lui. La distance au début pourrait être plus grande. Toutefois, plus la confiance gagnera, plus l’espace diminuera.

Croire aux bienfaits des petits gestes

En premier lieu, nous cherchons à faire réussir. Quand on parle de réussites avec des élèves en difficulté, on ne parle pas de résultat. Il ne faut pas penser que les élèves passeront d’un résultat scolaire de 20% à 65% en quelques interventions. Le processus est plus long. En réalité, une réussite est considérée lorsqu’un élève adopte un comportement positif différent de ce qui a été observé avant le début de rééducation. Par exemple, si l’élève vous laisse entrer dans sa zone intime et qu’il ne le faisait pas les premières fois; on parle de réussite. Si votre intervention est passée de 3 minutes à 10 minutes; c’est une réussite. Ces jeunes personnes ne sont pas habituées à se faire valoriser dans leur comportement. Il est donc important de leur nommer concrètement toutes ces petites victoires afin que celui-ci prenne conscience de son évolution et que tranquillement leur croyance en eux se modifie.

Les enjeux du milieu

Enfin, dans un monde idéal, il est facile de mettre en place les types d’interventions citées plus haut. Toutefois, sur le terrain, plusieurs réalités du milieu de l’environnement ne laissent pas la tâche facile à créer ce lien avec les élèves. D’abord, la pénurie de personnel diminue le nombre d’intervenants sur le terrain et un mouvement continuel d'intervenants est observable. Or, il se pourrait que la personne qui est rattachée à un élève en particulier ne reste pas associée longtemps à lui. Le processus avec un nouvel intervenant est donc à refaire. Aussi, il se pourrait que l’intervenant ne soit pas formé pour intervenir adéquatement. Par ignorance, il sera donc difficile d’adopter une attitude gagnante qui pourra favoriser la réussite. Également, la forte demande en milieu scolaire fait en sorte que le temps attribué aux élèves en difficulté est souvent court et rapide. Les professionnels de l’enseignement qui font des interventions spécifiques et sporadiques auprès des élèves en difficulté voient le lien significatif difficile à créer en raison des rencontres qui sont moins fréquentes et de courte durée. En réalité, il faut tenter de répondre à plus de besoins possibles en créant des sous-groupes de besoin.

En terminant, créer un lien de confiance avec les élèves n’est pas une chose simple. C’est un réel défi pour un intervenant en milieu scolaire. Il importe de suivre le rythme des élèves et être à l’écoute de leurs besoins. Petit à petit, la confiance gagnée aura un impact important sur l'ouverture d’un apprenant face aux interventions et fera apparaitre de belles réussites. Chaque petite victoire vécue par celui-ci lui apportera une fierté, une motivation et une confiance en lui. Chacune des actions positives posées permettra à un élève de croire en lui et une présence rassurante et bienveillante sera probablement significative et gagnante pour le reste de ses jours.

Stéphanie Martel est détentrice d’un baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale depuis 2006. Elle a passé 14 années en tant qu’orthopédagogue dans les écoles privées. Elle poursuit désormais sa passion comme professionnelle de l’éducation aux seins des écoles publiques. Son processus professionnel l’a amené également à créer du matériel pédagogique adapté à la rééducation auprès des élèves plus vieux, allant du secondaire à l’âge adulte. De plus, Stéphanie a su transmettre son expertise en donnant diverses formations autant dans différents colloques qu’auprès d’enseignants d’écoles secondaires. Elle s’intéresse particulièrement à la clientèle adolescente avec qui elle travaille à faire découvrir leurs forces les amenant à vivre leurs propres réussites.