Par Kyle Robinson et Nancy L. Hutchinson, Ph. D.
L’expression « démarche par étapes » désigne deux démarches distinctes, quoique interreliées, utilisées dans le domaine de l’éducation des élèves ayant des troubles d’apprentissage (TA).
Chacune de ces démarches est décrite ci-dessous.
La démarche par étapes pour l’identification et l’intervention précoces, dont le ministère de l’Éducation de l’Ontario recommande l’usage dans les documents L’éducation pour tous (2005) et L’apprentissage pour tous (2013) comme méthode d’enseignement et d’identification précoce des élèves en difficulté. Le ministère la décrit plus précisément comme une approche systématique qui permet d’offrir des tâches d’enseignement et d’évaluation de grande qualité et fondées sur données probantes ainsi que des interventions appropriées axées sur les besoins particuliers des élèves. Il a mis au point un modèle de démarche à trois étapes qui est illustré à la figure 1. Souvent appelé « Réponse à l’intervention » (RAI) en dehors de l’Ontario, ce modèle illustre un processus suivant lequel une approche efficace de différenciation, issue de la recherche, est utilisée pour enseigner à tous les élèves, mais dans le cas où des élèves ne répondent pas à cet enseignement, ou s’ils ont besoin d’une aide supplémentaire, ils bénéficieront d’une suite d’interventions de plus en plus intensives.
La deuxième démarche par étapes est utilisée dans la conception de leçons et d’évaluations. Les élèves sont séparés en petits groupes et reçoivent des tâches d’apprentissage et d’évaluation qui couvrent la même matière générale, mais de niveaux de difficulté variés. Le choix des niveaux de difficulté pour les tâches d’apprentissage en classe et les évaluations associées peut être fait par l’élève ou par l’enseignante ou l’enseignant.
L’approche d’intervention par étapes (ou modèle RAI)
La méthode habituelle utilisée pour identifier un élève ayant des TA donne l’impression qu’on attend que l’élève échoue, dans le sens où il est aiguillé vers un enseignement complémentaire ou un soutien pédagogique seulement après qu’il a échoué dans son apprentissage. Cette méthode présente plusieurs failles, entre autres l’identification relativement tardive des élèves ayant des besoins particuliers, un dépistage imprécis par observation de la ou du titulaire de classe, des résultats faussement négatifs, c’est-à-dire des élèves dont les problèmes n’ont pas été identifiés et qui n’obtiennent pas les services dont ils ont besoin ou les reçoivent trop tard, et l’emploi de mesures d’identification qui ne sont pas liées à l’enseignement (Vaughn et Fuchs, 2003). L’approche d’intervention par étapes fait porter l’évaluation sur le risque plutôt que sur le déficit de l’élève, de sorte que l’intervention est proactive au lieu d’être réactive. Vaughn et Fuchs (2003) reconnaissent plusieurs autres avantages à cette approche proactive, notamment l’identification précoce des élèves ayant des TA, la diminution des erreurs d’identification et l’amélioration du rendement de l’élève comme but central.
L’approche d’intervention Étape1 est la plus courante. Elle est la réponse à l’intervention (RAI), laquelle préconise une pratique générale de l’enseignement fondée sur des méthodes pédagogiques efficaces issues de la recherche qui favorisent la réussite de tous les élèves. Si des élèves ne réussissent pas à apprendre une notion particulière, ou éprouvent des difficultés dans cet apprentissage, on peut les amener à la deuxième étape pour leur donner un enseignement intensif en petit groupe. Selon que l’intervention mène ou non à la compréhension de la notion, les élèves pourront réintégrer le contexte d’apprentissage général de la première étape ou feront l’objet d’une intervention de la troisième étape. Cette dernière étape consiste normalement en un enseignement individuel, qui relèvera de l’éducation de l’enfance en difficulté en certains endroits (Mastroppieri, Scruggs, Hauth et Allen-Bronaugh, 2012).
La démarche par étapes mise de l’avant par le gouvernement de l’Ontario est principalement composée de méthodes qui seraient considérées comme des interventions. Les études scientifiques citées portent sur des interventions et, comme le souligne Mattatall (2008), comparativement à ceux de la plupart des provinces, les documents de l’Ontario reflètent davantage le langage et la démarche du modèle de réponse à l’intervention. L’Ontario semble d’ailleurs ouvrir la voie pour le reste du Canada en mettant de l’avant une démarche par étapes pour l’enseignement et l’intervention (Mattatall, 2008).
Études corroborant l’approche d’intervention par étapes
Sharon Vaughn et ses collègues ont réalisé la majorité des études citées dans les documents du ministère de l’Éducation de l’Ontario à l’appui de l’enseignement par étapes. Vaughn, Linan-Thompson et Hickman (2003) ont démontré que l’emploi d’une telle approche en enseignement pouvait aider à améliorer le traitement du mot par l’élève (capacité de décoder les mots), la fluidité (capacité de lire les mots rapidement et correctement) et la compréhension (capacité de comprendre ce qui est lu). Ils ont également découvert que les élèves réussissaient en majorité à répondre aux attentes à la suite d’une intervention de la deuxième étape.
Dans une étude datée de la même année, Vaughn et ses collaborateurs (2003c) ont examiné l’incidence du ratio enseignant(e)-élèves sur l’apprentissage pour les élèves ayant des difficultés en lecture. Ils ont observé qu’un ratio plus faible était associé à des scores plus élevés selon les indicateurs habituels de rendement en lecture. L’écart entre un ratio de 1:3 et un ratio de 1:1 n’était toutefois pas significatif. Ces résultats incitent fortement à penser qu’une diminution de la taille du groupe augmente la capacité d’apprentissage de l’élève, surtout si ce dernier présente un risque de difficulté en lecture.
Une étude similaire a été réalisée par O’Connor (2000) avec des élèves de la maternelle à risque d’avoir des difficultés en lecture. Selon O’Connor, le fait d’amorcer une démarche intensive d’intervention par étapes dès la maternelle pourrait déclencher des habiletés en lecture chez les enfants qui n’ont pas été suffisamment exposés à la lecture et aider à identifier ceux pouvant avoir une déficience de lecture plus réelle. Essentiellement, O’Connor cherchait à réduire le nombre d’élèves recevant un diagnostic de difficultés en lecture lorsqu’une déficience dans ce domaine est attribuable à des facteurs environnementaux plutôt qu’à un trouble du développement. Bien que l’intervention intensive n’ait pas entraîné une diminution de la proportion d’élèves chez qui on a décelé ultérieurement des besoins particuliers, on a enregistré une baisse des taux d’échec en lecture. Fait intéressant, ce résultat vient contredire les conclusions d’une étude canadienne. S’appuyant sur des rapports du National Reading Panel (2000), Barnes et Wade-Wooley (2007) soutiennent qu’on peut prévenir jusqu’à 70 % des troubles d’apprentissage décelés plus tard grâce à une approche combinant un dépistage précoce, un suivi des progrès et un enseignement qui tient compte des problèmes d’apprentissage émergents – soit les mêmes mesures contenues dans la démarche d’intervention par étapes.
À savoir si une telle démarche diminue ou non le nombre de cas de TA, ces études indiquent qu’une intervention d’une intensité croissante selon les besoins des élèves crée un climat d’apprentissage positif dans lequel les élèves peuvent continuer d’apprendre en classe ordinaire. Bien que les études susmentionnées portent principalement sur des interventions visant à améliorer la fluidité de la lecture et la compréhension, la démarche par étapes peut être utilisée dans de nombreuses classes pour l’enseignement de notions et d’habiletés de toutes sortes avec lesquelles les élèves ont de la difficulté. Plusieurs études (par exemple, Fuchs, Fuchs et Prentice, 2004; Fuchs et coll., 2005) ont démontré que le modèle RAI et, par extension, la démarche d’intervention par étapes, sont utiles dans l’enseignement du sens du nombre, des problèmes sous forme d’énoncés et des opérations mathématiques.
Quel usage pourrions-nous en faire?
Les études vues plus haut ont été combinées afin de créer un modèle d’enseignement par étapes qui pourrait être mis en œuvre dans les écoles d’un conseil scolaire. Bien que le langage varie selon les chercheurs et les études, la démarche par étapes (MEO, 2005; MEO, 2013), le suivi des progrès (Hutchinson, 2013) et le modèle RAI (Vaughn et Fuchs, 2003) s’appuient sur des stratégies d’enseignement similaires. Le modèle par étapes illustré ci-dessous s’inspire largement de la méthode décrite brièvement dans le document L’éducation pour tous (2005) puis mise au point dans L’apprentissage pour tous (2013). Un modèle général de cette approche est illustré à la figure 1.
Figure 1. La démarche par étapes, surtout connue comme le modèle de réponse à l’intervention (RAI).
Adapté d’après : ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2011; Matattall, 2008; Katz, 2012.
Cliquer ici afin d'accéder à la pyramide de la démarche par étapes.
Étape 1 : programme universel. L’intervention de la première étape a lieu en classe ordinaire. Les méthodes d’enseignement et les stratégies pédagogiques utilisées ici reflètent les approches de la différenciation pédagogique et les principes de la conception universelle de l’apprentissage. Les leçons sont structurées et planifiées pour l’ensemble des élèves de la classe, indépendamment des anomalies, et les attentes du curriculum ne sont pas modifiées. Tout au long de ce processus, la ou le titulaire de classe surveille les progrès des élèves afin d’identifier celles et ceux qui ont des difficultés et prennent du retard sur leurs camarades.
Diverses méthodes sont utilisées pour intégrer la différenciation pédagogique (DP) dans la classe. Nancy Hutchinson (2014) a établi dix principes préliminaires pour guider les enseignantes et enseignants :
- Tenir compte des élèves et utiliser des tâches respectueuses.
- Faire montre de souplesse dans le regroupement des élèves.
- Former des groupes hétérogènes (selon les aptitudes, les intérêts, etc.).
- S’assurer que tous les élèves ont un texte qu’ils peuvent lire en choisissant des textes de divers niveaux de difficulté.
- S’assurer que tous les élèves peuvent répondre de manière significative en leur offrant un choix de médias.
- Montrer aux élèves comment établir des liens entre les nouvelles connaissances et celles acquises antérieurement.
- Montrer aux élèves comment utiliser des stratégies par la modélisation.
- Favoriser la participation de tous les élèves en leur offrant le choix.
- Pour aider tous les élèves à apprendre, il faut commencer là où ils se situent.
- Créer un éventail de moyens d’évaluation pour montrer aux élèves ce qu’ils ont appris.
(Adapté d’après Hutchinson, 2014)
Le document L’éducation pour tous (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2005) renferme nombre des mêmes pratiques et propose des façons de les adapter à un usage particulier en classe. Lorsque ces pratiques sont utilisées efficacement, la majorité des élèves apprennent à un rythme conforme à leur stade de développement au premier niveau. Selon Shapiro (2014), jusqu’à 80 p. 100 des élèves devraient réussir leurs apprentissages avec un soutien de l’étape 1.
Étape 2 : interventions ciblées en groupe. Une fois que la ou le titulaire a recueilli suffisamment de données pour démontrer que des élèves ont de la difficulté à apprendre, elle ou il fait passer ces élèves à la deuxième étape. L’enseignement y est systématique, plus intensif et souvent adapté à un petit groupe d’élèves qui présentent des difficultés similaires. Il peut s’agir d’une aide supplémentaire offerte pendant ou après les heures de classe, de devoirs supplémentaires, de lectures variées ou d’un soutien parascolaire. À cette étape, il est rare qu’on retire l’élève de la classe ordinaire; l’intervention se déroule dans la classe habituelle pendant une période définie et cible différents élèves, selon l’habileté ou la notion abordée (Katz, 2012). Les résultats de l’enseignement et de l’évaluation sont surveillés de près. Lorsque l’élève ou le groupe d’élèves maîtrisent la notion ou l’habileté, ils peuvent revenir à l’étape précédente pour poursuivre l’apprentissage courant.
Hutchinson (2013) donne un exemple d’enseignement de deuxième étape : si quelques élèves dans une classe de 1re année n’apprennent pas à lire avec leurs pairs, on peut leur enseigner en petit groupe de deux à cinq élèves; cette intervention dure souvent de 10 à 20 semaines, à raison de 45 minutes chaque jour ou presque. L’enseignement supplémentaire donné aux élèves à cette étape ne remplace pas le programme universel de l’étape 1. Il vient plutôt compléter la matière de base (MEO, 2005). Cela veut dire que les élèves devraient essentiellement recevoir un enseignement double – une partie dans la classe complète et une partie en petit groupe. Quelque 15 % des élèves, en moyenne, ont besoin d’une intervention de cette étape (Shapiro, 2014).
Étape 3 : Interventions intensives individuelles. Si les élèves ne maîtrisent toujours pas la matière après une période d’enseignement en petit groupe de l’étape 2, ils passent à l’étape 3. L’intervention y est plus intensive (plus de temps d’enseignement, groupe d’élèves plus petit ou enseignement individuel) et plus explicite (mets plus l’accent des habiletés particulières). À cette étape, on fait appel à des ressources de l’extérieur pour faciliter l’apprentissage : enseignantes-ressources ou enseignants-ressources en éducation de l’enfance en difficulté, enseignantes ou enseignants de classe clinique et administratrices ou administrateurs. L’enseignement est adapté à l’élève particulier, personnalisé et ciblé (MEO, 2013). Les interventions de l’étape 3 pourraient également inclure l’enseignement de stratégies d’apprentissage en dehors de la classe pour que les élèves soient autonomes dans leur apprentissage une fois de retour dans leur classe (Cook et Tankersley, 2013). Les stratégies d’apprentissage peuvent cibler une compétence aussi générale que la prise de notes, la gestion du temps et l’organisation personnelle, ou une matière particulière comme la lecture.
Les élèves qui éprouvent suffisamment de difficultés dans leur apprentissage pour atteindre cette étape sont souvent aiguillés vers une évaluation psycho-éducationnelle pour déceler des troubles d’apprentissage ou autres anomalies. De plus, les élèves qui atteignent cette étape vont habituellement bénéficier d’un plan d’enseignement individualisé (PEI), et des démarches peuvent être entreprises pour établir un comité d’identification, de placement et de révision (CIPR).
Dernières observations au sujet de l’approche d’intervention par étape
Dans le document L’éducation pour tous (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2005), on mentionne que « le personnel enseignant doit bien connaître les pratiques d’évaluation efficace, le suivi des progrès et les stratégies d’intervention pour les élèves ayant des besoins particuliers » (MEO, 2005, p. 58). La mise en œuvre d’une telle approche est également tributaire de la participation de toute la communauté scolaire (administration, enseignantes et enseignants spécialisés et titulaires de classe). La séparation des tâches entre les titulaires de classe et les enseignantes et enseignants spécialisés – qui fait en sorte que les interventions fondées sur le programme universel [étape 1] et l’enseignement en petit groupe [étape 2] relèvent uniquement du domaine de l’enseignement général tandis que les mesures de soutien personnalisé [étape 3] relèvent de l’éducation de l’enfance en difficulté (Agran, Brown, Hughes, Quirk et Ryndak, 2014) – pose problème et survient lorsque tous les intervenants scolaires ne sont pas impliqués dans la démarche d’intervention par étapes. Les titulaires de classe, la direction d’école et les enseignantes et enseignants spécialisés doivent participer à chacune des étapes de la démarche. Ainsi, ce sont habituellement les écoles ou les conseils scolaires, plutôt que les titulaires de classe, qui prennent l’initiative d’instaurer un modèle RAI ou un modèle d’enseignement par étapes.
Plusieurs questions demeurent concernant la mise en œuvre de l’approche d’intervention par étapes. Fuchs et Deshler (2007), par exemple, étudient les limites éventuelles du modèle RAI dans une classe du secondaire. Comment réussir à utiliser efficacement ce modèle pour un élève de 10e année ayant une compétence en lecture d’un niveau de 2e année? (Fuchs et Deshler, 2007) De même, comme les études sur la RAI ont porté surtout sur la lecture (p. ex., O’Connor, 2000; Vaughn, Linan-Thompson et Hickman, 2003; Vaughn et coll., 2003c) et les mathématiques (p. ex., Fuchs, Fuchs et Prentice, 2004; Fuchs et coll., 2005), comment appliquer le modèle à d’autres matières, comme les sciences sociales? Et comment les titulaires de classe peuvent-ils prendre l’initiative d’appliquer ce modèle si une coopération de toute l’équipe-école est nécessaire? Tout de même, une ou un titulaire peut décider de mener une intervention de l’étape 2 dans le cadre d’un enseignement différencié, sans avoir besoin d’obtenir une aide de l’extérieur.
Ressources
Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2005). L’éducation pour tous : Rapport de la Table ronde des experts pour l’enseignement en matière de littératie et de numératie pour les élèves ayant des besoins particuliers de la maternelle à la 6e année. Toronto, ON : Imprimeur de la Reine pour l’Ontario. Cliquer ici afin d’accéder à ce document.
Première source d’information sur la démarche par étapes. Pour connaître l’approche de l’Ontario à l’égard du modèle de réponse à l’intervention, voir la page 58. Le chapitre 2, qui traite de la planification de l’inclusion, donne aussi d’excellentes idées sur des stratégies pédagogiques de premier niveau.
Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2013). L’apprentissage pour tous : Guide d’évaluation et d’enseignement efficaces pour tous les élèves de la maternelle à la 12e année. Toronto, ON : Imprimeur de la Reine pour l’Ontario. Cliquer ici afin d’accéder à ce document.
Ce document fait fond sur les conclusions préliminaires présentées dans L’éducation pour tous (2005). Il contient des diagrammes et donne des conseils utiles pour adapter la démarche par étapes aux écoles secondaires.
Kari Draper, aide-enseignante pour l’Ottawa-Carlton District School Board. Cliquer ici afin d’accéder à cette ressource (disponible en anglais seulement).
Mme Draper offre des calendriers, des tableaux et des documents téléchargeables pour aider les titulaires de classe à suivre les progrès de leurs élèves lorsqu’ils intègrent la démarche par étapes à leur enseignement dans les écoles de l’Ontario.
The RTI Action Network : A Program of the National Center for Learning Disabilities. Cliquer ici afin d’accéder à ce site web (disponible en anglais seulement).
On trouve sur ce site d’excellents articles et d’autres idées pour appliquer le modèle RAI de différentes façons. Le contenu est représentatif du système scolaire américain, mais il peut être facilement adapté au curriculum de l’Ontario.
DeRuvo, S. L. (2010). The essential guide to RTI: An integrated, evidence-based approach. San Francisco, CA : Jossey-Bass.
D’origine américaine, ce guide fait partie d’une série pédagogique et propose des stratégies claires et efficaces pour instaurer le modèle RAI dans les classes de la maternelle à la 12e année. Il contient aussi des rapports de progrès faciles à photocopier, des formulaires de suivi des élèves, des formulaires de planification de la collaboration et des modèles de plan de leçon pour aider les titulaires de classe à suivre facilement les progrès de leurs élèves tout au long de la démarche par étapes.
How can tier 3 be conceptualized in the RTI approach? Cliquer ici afin d’accéder à cette ressource (disponible en anglais seulement).
Cette ressource s’adresse aux titulaires de classe qui souhaitent se renseigner sur la façon d’harmoniser les interventions de l’étape 3 (interventions intensives individuelles) avec le modèle RAI. Elle comprend une entrevue avec Lynn Fuchs, Ph. D., l’une des plus importantes chercheures sur la réponse à l’intervention aux États-Unis. D’autres pages aident à différencier des interventions possibles proposées à l’étape 2 et 3.
La démarche par étapes appliquée aux tâches d’apprentissage et d’évaluation
La démarche par étapes appliquée aux tâches d’apprentissage et d’évaluation permet aux titulaires de classe de donner un enseignement différencié dans la classe, en offrant aux élèves la possibilité de travailler à des tâches de niveaux variés (et l’évaluation associée) tirées du curriculum. Cette approche correspond à maints égards à la conception universelle de l’apprentissage (CUA) ainsi qu’à une bonne partie des objectifs énoncés dans le document Faire croître le succès (2008).
La démarche par étapes (appliquée à l’apprentissage et à l’évaluation) peut prendre deux formes – l’appropriation par l’élève ou l’attribution par l’enseignante ou l’enseignant. L’appropriation par l’élève est une méthode d’évaluation par laquelle l’enseignante ou l’enseignant crée une série de tâches différentes, et les évaluations correspondantes, qui portent toutes sur la même compétence ou notion – et permet aux élèves de faire un choix. Selon Servillo (2009), l’appropriation est une méthode pour encourager la lecture, surtout pour les élèves qui ont des TA en lecture ou sont jugés à risque. Servillio décrit la création d’une activité de lecture et d’une évaluation qui propose des tâches de trois niveaux de difficulté différents dans deux matières du curriculum. Les élèves choisissent ensuite une tâche de chaque niveau de difficulté pour chaque matière. Lors d’un exercice de compréhension de texte et de mise en rapport avec une expérience personnelle, l’enseignante ou l’enseignant offre aux élèves trois façons différentes de lire le matériel : lire le chapitre individuellement en silence, lire les pages à tour de rôle avec un partenaire ou suivre le texte en écoutant un enregistrement audio du chapitre. Comme les élèves ont des niveaux de compétence variés en lecture, ils peuvent acquérir et retenir l’information dont ils ont besoin pour réaliser l’étape suivante, soit répondre aux questions sur la compréhension du texte et la mise en rapport avec une expérience personnelle.
Des choix similaires sont offerts dans l’évaluation subséquente. Pour montrer qu’ils comprennent le texte, les élèves peuvent réaliser l’une de trois tâches : répondre par écrit aux questions qu’ils se sont posées durant la lecture du chapitre, résumer ce qui a été lu (ou entendu) dans le chapitre ou utiliser un organisateur graphique pour créer une chronologie des événements décrits dans le chapitre. Cette approche permet aux élèves ayant des niveaux de compétence variés en lecture de réaliser des tâches d’apprentissage significatives et de démontrer d’une manière efficace ce qu’ils ont appris.
La méthode d’enseignement et d’évaluation par étapes peut aussi se révéler utile en sciences, matière dans laquelle cette approche permettrait, selon Adams et Pierce (2003), de différencier l’apprentissage de l’une de trois façons : par le contenu (ce que vous voulez que les élèves apprennent), par le processus (la façon dont les élèves trouvent un sens au contenu) ou par le produit (le résultat à la fin d’une leçon, d’une séquence de leçons ou d’une unité – souvent un projet). Contrairement à Servillo (2009) avec le modèle d’appropriation par l’élève, Adams et Pierce recommandent que la ou le titulaire de classe forme des groupes de diverses tailles pour répondre aux besoins d’apprentissage de chaque élève. Les groupes peuvent être formés en fonction de l’une des trois caractéristiques suivantes : le niveau de préparation des élèves (inférieur, égal ou supérieur au niveau d’études), leur style d’apprentissage (auditif, visuel ou kinesthésique) ou leurs intérêts. Par exemple, un groupe d’élèves ayant un faible niveau de préparation pourraient travailler d’une manière très concrète en étudiant les sortes d’objets qu’un aimant peut attirer. Un groupe d’élèves ayant un niveau de préparation plus avancé pourrait vérifier si la taille d’un aimant a un effet sur sa force, une notion plus abstraite (Adams et Pierce). Pour éviter les stigmates associés au fait d’être membre d’un groupe moins fort, Adams et Pierce recommandent que l’enseignante ou l’enseignant modifie chaque fois la composition des groupes en utilisant les trois types de caractéristiques susmentionnés.
Il arrive qu’un regroupement en fonction du niveau de préparation soit nécessaire. Cela se produit habituellement lorsque l’enseignante ou l’enseignant doit attribuer des textes d’un niveau approprié à des élèves qui ont été regroupés en fonction de leur capacité de lecture. Choisir des textes plus faciles à lire, ou d’un niveau de difficulté inférieur au niveau d’études, est une tâche délicate. À mesure que les élèves vieillissent, le contenu et la présentation des textes tendent aussi à changer. Par exemple, si on compare la présentation d’un livre destiné aux jeunes adultes à un livre s’adressant aux préadolescents, on voit immédiatement la différence dans le contenu et la présentation générale. Les livres convenant à des élèves plus faibles pourraient sembler enfantins, ce qui désintéresserait les élèves ayant déjà des difficultés en lecture. Il est donc important de rechercher des textes qui présentent à la fois un grand intérêt et une grande accessibilité. La maison d’édition ORCA (cliquer ici afin d'accéder au site Web d’ORCA, en anglais seulement) se spécialise dans la publication de textes de ce genre, entre autres des histoires pour jeunes adultes qui sont écrites à l’intention de lecteurs ayant un niveau de compétence bien inférieur à leur âge.
Il n’est pas toujours approprié ni nécessaire de donner des textes plus faciles. Grâce à l’avancement des technologies d’aide dans la classe, il est possible pour les élèves de lire et de comprendre du matériel correspondant à leur niveau d’études. Le ClassMate Reader, par exemple, est un lecteur de textes portatif conçu pour promouvoir la lecture et l’apprentissage autonomes (Floyd et Judge, 2012). Cet appareil portatif lit le matériel à voix haute et met en surbrillance les mots individuels et les phrases pour permettre à l’élève de suivre le fil de l’histoire. Floyd et Judge ont étudié les effets de cet outil sur la compréhension de la lecture et mentionnent que les élèves ont réussi à augmenter leur note moyenne à un examen de compréhension de base. La note de certains élèves a plus que triplé, passant même, dans un cas, de 20 % sans l’appareil à 80 % avec l’outil. Le ClassMate Reader est un appareil de poche, mais beaucoup de conseils scolaires en Ontario ont accès à des applications similaires sur les ordinateurs de table et portables de l’école. Des programmes informatiques comme Read&Write Gold (cliquer ici pour accéder au site Web Read&Write Gold, en anglais seulement) et Kurzweil (cliquer ici pour accéder au site de Kurzweil, en anglais seulement) offrent les mêmes fonctions que le ClassMate Reader, et des périodes d’essai sans frais sont souvent offertes.
Les technologies d’aide peuvent aussi aider à améliorer la fluidité de la lecture. READ 180, de Scholastic Inc., est l’un des rares programmes d’aide expressément conçus pour les élèves de la 4e à la 12e année. Grâce à un environnement d’apprentissage hybride (une partie en ligne et une partie en classe), les élèves acquièrent des connaissances sur différents sujets en lisant des livres numériques (quelques-uns sont également disponibles en format de poche). Les élèves relèvent les éléments leur posant des difficultés et utilisent une application de conversion texte-parole (comme ceux nommés au paragraphe précédent) pour les passages particulièrement difficiles. Après la lecture, le logiciel donne immédiatement de l’enseignement sur les principaux concepts ou mots que l’élève a de la difficulté à comprendre. Le tableau de bord de l’élève en ligne permet de suivre les progrès et les productions de deux façons. Pour les élèves, le système est fondé sur des comportements de jeu validés par la recherche, ce qui transforme le processus de lecture en un jeu – les élèves sont en mesure de suivre leurs réussites et les trophées gagnés (Read 180, 2013). L’enseignante ou l’enseignant reçoit des données sur le rendement des élèves, ce qui lui permet de faire les interventions ciblées nécessaires. Cela permet aussi à la ou au titulaire de classe de regrouper les élèves pour donner un enseignement différencié, tout en lui donnant des outils pour planifier les leçons. Le programme connaît du succès, un conseil scolaire aux États-Unis soulignant des progrès importants par rapport à la fluidité de la lecture et à la compréhension pour les élèves ayant des besoins particuliers (Hasselbring et Bausch, 2005). Peut-être l’aspect le plus excitant de READ 180, ce sont ses effets à long terme – Palmer (2003) a découvert que 18 p. 100 des élèves participant à l’étude n’avaient plus besoin de services spécialisés en lecture après une année d’intervention (cité dans Hasselbring et Bausch, 2005). Bien que le système reflète actuellement les normes courantes américaines, on peut tout de même l’utiliser au Canada comme outil de surveillance efficace.
Observations finales sur la démarche par étapes appliquée aux tâches d’apprentissage et d’évaluation
Carol Tomlinson, grande spécialiste dans le domaine de la différenciation pédagogique, voit cette approche comme l’essence même de l’enseignement différencié (Tomlinson, 2009, cité dans Adams et Pierce, 2003). Comme la plupart des méthodes de différenciation pédagogique, l’approche par étapes rejoint tous les élèves d’une classe, pas seulement ceux qui ont des TA. Les enseignantes et enseignants de l’élémentaire et du secondaire peuvent utiliser une leçon à plusieurs étapes pour enseigner des notions et des compétences. De la même façon, les évaluations peuvent être décomposées en plusieurs étapes aux deux paliers scolaires. Bien qu’on recense nombre d’exemples de l’approche par étapes dans la littérature ainsi que dans la pratique d’enseignantes et d’enseignants attentionnés, peu d’études rigoureuses ont été faites sur le sujet à ce jour.
Ressources
Adams, C. M. et Pierce, R. L. (2003). « Teaching by tiering ». Science and Children, 41(3), p. 30-34.
Guide étape par étape pour créer une leçon à niveaux en sciences. On peut se le procurer sur le site Web de la National Science Teacher Association. Cliquer ici pour accéder au site [en anglais seulement].
Servillo, K. R. (2009). « You get to choose! Motivating students to read through differentiated instruction », TEACHING Exceptional Children Plus 5(5), p. 1-11.
Comme l’ouvrage d’Adams et Pierce, ci-dessus, il s’agit d’un processus étape par étape pour créer une évaluation par niveaux qui porte sur la lecture.
Tomlinson, C. (1999). The differentiated classroom: Responding to the needs of all learners. Alexandria, VA : Association for Supervision and Curriculum Development.
Ce manuel renferme de très bonnes instructions faciles à lire sur la façon de différencier l’enseignement en classe. On y met beaucoup l’accent sur l’application d’une approche par niveaux aux leçons et aux devoirs.
Bibliographie
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Kyle Robinson entame sa deuxième année du programme de maîtrise en éducation à l’université Queen’s de Kingston, concentration Inclusion des élèves en difficulté. Titulaire d’un brevet d’enseignement de l’Ontario (niveau intermédiaire-supérieur), Kyle a enseigné dans des écoles des conseils scolaires de Limestone et du district de Toronto. En plus de l’inclusion scolaire, les thèmes de recherche privilégiés de Kyle sont la psychologie des troubles d’apprentissage, les programmes d’éducation spécialisée dans les écoles secondaires et l’histoire et la philosophie de l’éducation.
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