par Mary Land, étudiante diplômée, Faculté d’éducation, Université d’Ottawa et Cheryll Duquette, Ph. D., Université d’Ottawa
Les élèves ayant des troubles d’apprentissage (TA) peuvent présenter des faiblesses particulières en résolution de problèmes mathématiques. Ils peuvent avoir de la difficulté à (Berg et Hutchinson, 2010; Montague et Applegate, 1993; Parmar, 1992) :
- lire le problème,
- déterminer les opérations nécessaires pour la résolution,
- choisir le matériel de manipulation,
- extraire les faits arithmétiques,
- connaître et appliquer les stratégies cognitives permettant de résoudre le problème,
- utiliser les stratégies métacognitives appropriées.
Les élèves qui présentent ce genre de faiblesses out tendance à donner des réponses impulsives pendant la résolution de problème, à faire ses apprentissages par essais et erreurs et à ne pas vérifier les pistes de solution (Rosenzweiz, Krawec et Montague, 2011).
La verbalisation représente une pratique factuelle qui peut être intégrée à l’enseignement de stratégies cognitives et métacognitives aux élèves ayant des TA. En résolution de problèmes mathématiques, la verbalisation consiste à énoncer le processus de réflexion à voix haute.
Il s’agit d’une composante de l’enseignement explicite par laquelle le professionnel de l'enseignement modélise un processus cognitif ou métacognitif intervenant dans la résolution de problème en « pensant à voix haute ». L’élève peut ainsi entendre le raisonnement de l’enseignante pendant qu’elle explique comment utiliser une stratégie métacognitive ou de résolution de problème (Montague, 2008).
À l’étape suivante de l’enseignement explicite d’une stratégie, l’élève exécute la tâche, d’abord en verbalisant la démarche, puis en murmurant les étapes pour finalement résoudre le problème sans indices verbaux. L’enseignante donnera ensuite d’autres exercices pratiques en offrant de l’aide et une rétroaction immédiate ; elle devra toutefois se retirer progressivement à mesure que l’élève apprend à utiliser la stratégie.
Utilisée comme composante de l’enseignement explicite, la verbalisation par l’enseignante renforce la capacité de l’élève d’apprendre des stratégies métacognitives et des stratégies de résolution de problèmes (Cole et Wasburn-Moses, 2010).
L’enseignante peut aussi demander à l’élève de verbaliser sa pensée pendant la résolution d’un problème mathématique. La verbalisation par l’élève peut être utilisée de différentes façons, par exemple pour soutenir l’apprentissage d’une stratégie (Schunk et Cox, 1986) ou comme moyen pour l’enseignante de comprendre le processus cognitif de l’élève (Bosson et coll., 2010; Parmar, 1992).
Dans les études de recherche, la verbalisation par l’élève est souvent précédée par l’enseignement explicite d’une ou de plusieurs stratégies qui inclut une réflexion à voix haute par l’enseignante (Hutchinson, 1993; Rosenzweig, Krawec et Montague, 2011; Schunk et Cox, 1986).
Verbalisation par l’enseignante : composante de l’enseignement explicite
L’enseignement explicite est une méthode utilisée pour enseigner des stratégies cognitives ou métacognitives. Une étape importante de cette approche pédagogique consiste, pour l’enseignante, à verbaliser son raisonnement (penser à voix haute) à mesure qu’elle explique la stratégie. La verbalisation par l’enseignante aide l’élève ayant des TA à se faire une idée de la façon d’envisager la tâche (Montague, 2008).
L’étude décrite ci‑dessous montre que la verbalisation, en tant que composante de l’enseignement explicite, améliore le rendement en mathématiques des élèves ayant des TA.
Hutchinson (1993) a réalisé une étude avec des élèves de la 8e à la 10e année présentant des TA. Les 20 adolescents ont été répartis au hasard dans le groupe expérimental (12 élèves) et le groupe témoin (8 élèves). Les sujets du groupe expérimental ont reçu un enseignement explicite sur l’utilisation de stratégies cognitive et métacognitive particulières pour résoudre des problèmes d’algèbre. Le chercheur a expliqué les stratégies en utilisant la technique de réflexion à voix haute et en donnant une rétroaction durant les séances de pratique dirigée. Les élèves du groupe expérimental ont reçu une fiche d’auto-questionnement et ont été encouragés à verbaliser leurs pensées à mesure qu’ils suivaient les étapes et exécutaient les opérations.
Les stratégies n’ont pas été enseignées aux élèves du groupe témoin, mais ceux‑ci ont verbalisé leurs pensées pendant la tâche portant sur les mêmes problèmes.
Hutchinson (1993) a constaté qu’en utilisant la méthode de réflexion à voix haute pour enseigner la stratégie cognitive de résolution de problème et la stratégie métacognitive d’auto‑évaluation, les élèves ayant des TA ont obtenu de meilleurs résultats que les élèves du groupe témoin.
Application en classe
- L’enseignante explique les étapes de la stratégie cognitive ou métacognitive.
- L’enseignante modélise les étapes de la stratégie en verbalisant ses pensées au fil de l’exécution de la démarche (réflexion à voix haute).
- L’élève applique les étapes et verbalise sa réflexion par rapport à la tâche.
- L’enseignante donne une rétroaction corrective et diminue l’aide à mesure que l’élève apprend la stratégie.
(Adapté de Cole et Wasburn-Moses, 2010)
Verbalisation par l’élève
Cette stratégie consiste à amener l’élève à verbaliser ses pensées pendant la résolution d’un problème. L’enseignante enregistre les mots exprimés par l’élève, les transcrit et analyse les données. Il ressort des études que la verbalisation :
- améliore les résultats des élèves aux examens (Swanson, 1990) ;
- aide l’enseignante à déterminer les types de stratégies cognitives et métacognitives utilisées ; et
- aide l’enseignante à déterminer les erreurs commises.
Améliorer les résultats des élèves
On enseigne d’abord à l’élève comment utiliser une stratégie, puis on lui demande de verbaliser ses pensées pendant la résolution des problèmes.
La façon dont la verbalisation par l’élève a été utilisée dans le cadre d’études est décrite ci‑dessous.
Schunk et Cox (1986) ont réparti au hasard dans trois groupes 90 élèves de la 6e à la 8e année ayant des TA. Après avoir reçu le même enseignement explicite d’une méthode de soustraction, les sujets du premier groupe ont été encouragés à verbaliser librement leurs pensées pendant l’exécution de la tâche; les sujets du deuxième groupe ont commencé à verbaliser, mais ont finalement arrêté, et ceux du troisième groupe n’ont pas verbalisé leurs pensées.
Les résultats montrent un lien direct entre l’enseignement explicite par l’enseignante, la verbalisation par les élèves et l’amélioration du rendement des élèves.
Les chercheurs ont conclu que la verbalisation de chaque étape de la démarche :
- aide les élèves ayant des TA à rester concentrés ;
- aide les élèves ayant des TA à se souvenir de renseignements importants ; et
- renforce leur sentiment d’appropriation face à leur apprentissage.
Dans l’étude de Hutchinson (1993) décrite plus haut, on a constaté que les verbalisations des élèves ressemblaient aux scénarios pédagogiques utilisés par l’enseignant pour expliquer la stratégie, ce qui indique que les élèves ayant des TA ont été capables de mémoriser et de mettre en pratique l’information enseignée.
De plus, la verbalisation faite par les élèves du groupe expérimental a révélé que, pendant qu’ils travaillaient à résoudre les problèmes, ils ont appliqué la stratégie métacognitive d’auto-correction et vu les différences entre leur tâche et les explications données par l’enseignante.
Nalieri et Johnson (2000) ont également enregistré des résultats positifs pour les élèves qui ont verbalisé une stratégie pendant la résolution de problèmes mathématiques. Leur étude portait sur 19 élèves âgés de 12 à 14 ans ayant des TA qui avaient été répartis dans un groupe expérimental et quatre groupes de référence.
Tous avaient reçu un enseignement sur les étapes de la stratégie cognitive de résolution de problèmes PASS (Planification, Attention, Simultanéité, Succession). Les sujets ont été encouragés à verbaliser les composantes de planification et d’auto-réflexion de la stratégie PASS, et l’enseignante utilisait des questions pour inciter les élèves à exprimer leurs pensées lorsqu’elle n’entendait aucune verbalisation après cinq secondes. Les données révèlent que la méthode de verbalisation a été le plus bénéfique pour le groupe des élèves présentant des faiblesses en planification.
Déterminer les types de stratégies utilisées
Rosenzweig, Krawec et Montague (2011) ont enregistré, transcrit et analysé les verbalisations de 73 élèves de 8e année pendant la résolution de problèmes mathématiques. Les élèves ont été répartis dans trois groupes selon qu’ils avaient :
- des difficultés d’apprentissage en mathématiques (14),
- des résultats faibles en mathématiques (34) ou
- de bons résultats en mathématiques (25).
Pour chaque groupe, le chercheur a modélisé la compétence métacognitive en utilisant la technique de réflexion à voix haute, puis les élèves ont appliqué la compétence et résolu trois problèmes.
Le chercheur a encouragé les élèves à dire à quoi ils pensaient pendant l’exécution de la tâche. Les verbalisations ont été enregistrées, transcrites et classées selon qu’elles étaient de nature métacognitive ou non. Le nombre de répétition des divers types de déclarations a également été noté.
Les chercheurs ont déterminé que, comparativement aux élèves des deux autres groupes, les élèves ayant des TA avaient tendance à utiliser plus de stratégies métacognitives non productives (réactions émotives, monologue intérieur négatif, etc.) à mesure que les problèmes mathématiques devenaient plus complexes. Ce résultat traduit une frustration accrue face au problème à résoudre.
Ceci confirme l’importance d’enseigner de façon explicite des stratégies cognitives et métacognitives aux élèves ayant des TA.
Montague (1992) a également utilisé les verbalisations des élèves pour comprendre la façon dont ils utilisent les stratégies de résolution de problèmes. Six sujets de cycle intermédiaire ont été choisis au hasard parmi 14 élèves chez qui des TA avaient été décelés par un conseil scolaire. Les sujets ont ensuite été répartis dans deux groupes de façon aléatoire.
Il a été constaté que l’enseignement d’une stratégie cognitive et d’une stratégie métacognitive améliore les résultats en résolution de problèmes. L’emploi combiné de stratégies cognitive et métacognitive s’est révélé plus efficace que l’utilisation d’une stratégie cognitive ou métacognitive seule. La verbalisation a permis aux chercheurs de voir que les élèves connaissaient les stratégies et les appliquaient correctement.
Examiner les types d’erreurs
Parmar (1992) a examiné le genre d’erreurs commises par les élèves pendant la résolution de problèmes mathématiques en recrutant 31 participants âgés de 8 à 14 ans ayant des TA. Dans cette étude, les élèves ont été invités à verbaliser individuellement leurs pensées pendant l’exécution de la tâche, tandis que l’enseignante prenait des notes sur les remarques et les comportements. Les élèves ont été encouragés à b.
Les notes ont été transcrites et les erreurs ont été catégorisées selon qu’elles étaient attribuables à des compétences insuffisantes ou à des connaissances insuffisantes. L’enseignante a pu ensuite utiliser cette information pour orienter les prochaines étapes de l’enseignement.
Application en classe
- L’enseignante explique les étapes de la stratégie cognitive ou métacognitive.
- L’enseignante modélise les étapes de la stratégie en verbalisant ses pensées au fil de l’exécution de la démarche (réflexion à voix haute).
- L’élève applique les étapes et verbalise sa réflexion par rapport à la tâche.
- L’enseignante enregistre, transcrit et analyse les verbalisations.
- L’enseignante utilise les données pour adapter l’enseignement futur.
Résumé des données probantes
Une vaste recherche a été effectuée dans le but de trouver toutes les études :
- portant sur la verbalisation par des élèves ayant des difficultés d’apprentissage en résolution de problèmes mathématiques ;
- comprenant un groupe expérimental et un groupe témoin ou de référence ou portant sur un cas unique ;
- dont les résultats ont été publiés dans une revue à comité de lecture.
Les articles ont été lus et les études répondant aux critères susmentionnés ont été retenues. Dans certains cas, une relation de cause à effet évidente a été constatée entre les interventions et la variable à l’étude. Dans d’autres, la verbalisation était utilisée comme méthode de recherche pour trouver des relations de cause à effet.
Ressources pertinentes sur le site Web TA@l’école
Cliquer ici afin d'accéder la vidéo Bavardages mathématiques : verbalisation en action.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article L’heuristique mathématique et la résolution de problèmes.
Cliquer ici afin d'accéder à l'article La représentation visuelle en mathématiques.
Articles évalués par des pairs :
Berg, D., et Hutchinson, N. (2010). « Cognitive processes that account for mental addition fluency differences between children typically achieving in arithmetic and children at-risk for failure in arithmetic », Learning Disabilities: A Contemporary Journal 8(1), p. 1-20.
Bosson, M., Hessels, M., Hessels-Schlatter, C., Berger, J-L., Kipfer, N., et Büchel, F. (2010). Strategy acquisition by children with general learning difficulties through metacognitive training. Australian Journal of Learning Difficulties, 15 (1), 13-34.
Cole, J., et Wasburn-Moses, L. (2010). « Going beyond the math wars: A special educator’s guide to understanding and assisting with inquiry-based teaching in mathematics », Teaching Exceptional Children, 42(4), p. 14-20.
Hutchinson, N. (1991). « The challenges of componential analysis: Cognitive and metacognitive instruction in mathematical problem solving », Journal of Learning Disabilities, 25(4), p. 249-252, 257.
Hutchinson, N. (1993). « Effects of cognitive strategy instruction on algebra problem solving of adolescents with learning disabilities », Learning Disability Quarterly, 16(1), p. 34-63.
Kretlow, A., et Blatz, S. (2011). « The ABCs of evidence-based practice for teachers », Teaching Exceptional Children, 43(5), p. 8-19.
Montague, M. (1992). « The effects of cognitive and metacognitive strategy instruction on the mathematical problem solving of middle school students with learning disabilities », Journal of Learning Disabilities, 25(4), p. 230-248.
Montague, M. (2008). « Self-regulation strategies to improve mathematical problem solving for students with learning disabilities », Learning Disability Quarterly, 31, p. 37-44.
Montague, M., et Applegate, B. (1993). 2Middle school students' mathematical problem solving: An analysis of think-aloud protocols », Learning Disability Quarterly, 16(1), p. 19-32.
Montague, M., et Bos, C. (1986). « The effect of cognitive strategy training on verbal math problem solving performance of learning disabled adolescents », Journal of Learning Disabilities, 19(1), p. 26-33.
Naglieri, J., et Johnson, D. (2000). « Effectiveness of a cognitive strategy intervention in improving arithmetic computation based on the PASS theory », Journal of Learning Disabilities, 33(6), p. 591-597.
Ostad, S., et Sorenson, P. (2007). « Private speech and strategy-use patterns: Bidirectional comparisons of children with and without mathematical difficulties in a developmental perspective », Journal of Learning Disabilities, 40(1), p. 2-14.
Parmar, R. (1992). « Protocol analysis of strategies used by students with mild disabilities when solving arithmetic word problems », Diagnostique, 17(4), p. 227-243.
Rosenzweig, C., Krawec, J., et Montague, M. (2011). « Metacognitive strategy use of eighth-grade students with and without learning disabilities during mathematical problem solving: A think-aloud analysis », Journal of Learning Disabilities, 44(6), p. 508-520.
Schunk, D., et Cox, P. (1986). « Strategy training and attributional feedback with learning disabled students », Journal of Educational Psychology, 78(3), p. 201-209.
Swanson, H. (1990). « Influence of metacognitive knowledge and aptitude on problem solving », Journal of Educational Psychology, 82(2), p. 306-314.
Mary Land est étudiante diplômée à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Avant de reprendre des études de cycle supérieur à temps plein, elle a travaillé pendant plusieurs années comme enseignante au secondaire. Ses expériences en classe sont à l’origine de ses intérêts variés dans le domaine de l’éducation, dont l’alphabétisation et l’enseignement des arts du langage pour tous les élèves.
La recherche effectuée par Cheryll Duquette dans le domaine de l’éducation de l’enfance en difficulté reflète son intérêt pour les expériences des élèves ayant des troubles d’apprentissage dans les classes inclusives. En tant qu’ancienne enseignante, elle s’intéresse particulièrement aux stratégies qui peuvent être utilisées par les titulaires de classe pour faciliter l’inclusion. Madame Duquette est également l’auteure du livre Students at Risk (2e éd.) qui renferme des conseils pratiques pour travailler avec les élèves ayant des TA et leurs parents. Elle donne des cours de formation du personnel enseignant et des cours du cycle supérieur en éducation de l’enfance en difficulté à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.
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